Alors que le procureur g�n�ral de la cour d'appel de Toulouse, Michel Barrau, vient de rejeter la demande de d�paysement judiciaire formul�e par les avocats de Patrice Al�gre et que de nouvelles expertises psychiatriques et bucco-dentaires confirment que Fanny, l'une des ex-prostitu�es accusatrices n'est pas n�cessairement une affabulatrice, nous revenons aujourd'hui sur une affaire qui est loin d'avoir livr� tous ses secrets. O� se trouve le fond de v�rit� que tous les protagonistes, mis en cause ou victimes, invoquent? Quelle est la part de l'intox entre jeux d'influences et pressions? Les semaines � venir promettent de nouveaux rebondissements.
1/ Les accusations
Deux ex-prostitu�es, Patricia, 32 ans, et Fanny, 30 ans, portent les accusations les plus pr�cises et les plus lourdes. Les deux jeunes femmes ont notamment d�crit le meurtre jamais �lucid� de Line Galbardi au d�but du mois de janvier 1992, � l'h�tel de l'Europe. Elles accusent Patrice Al�gre, 35 ans, d'avoir commis ce meurtre avec la complicit� de Lakhdar Messaoud�ne, 40 ans, un prox�n�te. Elles d�noncent aussi le r�le de policiers qui auraient � prot�g� � les agissements du serial killer. Des policiers qui auraient touch� des � enveloppes � d'argent en �change de leur silence et qui auraient ferm� les yeux, au moins pour l'un d'entre eux, sur la mort de deux prostitu�es. Patricia explique en effet que Line Galbardi est morte parce qu'elle avait assist� � un autre meurtre de prostitu�e et qu'elle en avait parl� � la police. Elle met aussi en cause le veilleur de nuit de l'H�tel, Gilbert Cartayrade, 70 ans, qui aurait particip� au nettoyage de la chambre. Fanny, de son c�t�, a donn� des �l�ments sur la mort du travesti Claude Martinez, �gorg� fin f�vrier 1992 dans son studio du quartier Arnaud Bernard. Elle a rapport�, devant le juge Lemoine, une conversation � laquelle elle a assist�. Au cours de celle-ci, deux commanditaires auraient demand� � Al�gre de � s'occuper � du travesti, sp�cialiste du sadomasochisme hard, qui voulait faire chanter des personnalit�s avec des cassettes vid�o qu'il avait film�es lors de soir�es tr�s sp�ciales. Patrice Al�gre a ensuite confirm� ce sc�nario en donnant les noms de Dominique Baudis et de Marc Bourragu�, avant de se r�tracter.
2/ Les soup�ons
Les ex-prostitu�es ont �galement d�nonc� des soir�es sadomasochistes particuli�rement violentes, lors desquelles auraient �t� brutalis�es des mineures. Des soir�es organis�es dans des maisons de ma�tre de la r�gion toulousaine. Patricia parle aussi de � traite des blanches � et de trafic d'enfants. Des accusations inv�rifiables pour l'heure. C'est dans ce volet de l'affaire qu'ont �t� mis en cause des magistrats, des policiers et des notables. Une liste d'une dizaine de noms, trois �lus, cinq magistrats et des policiers, est avanc�e par les accusatrices, qui ont fait des reconnaissances sur photos � la demande de la cellule Homicides 31 de la gendarmerie. Avant m�me que leurs noms ne soient cit�s publiquement, Dominique Baudis, Marc Bourragu�, un ancien substitut du procureur de la R�publique de Toulouse, Jean Volff, ex-procureur g�n�ral de la cour d'appel, ou encore Jean-Jacques Ignacio, avocat g�n�ral, ont choisi de prendre les devants pour se d�fendre et clamer leur innocence. Patricia et Fanny ont parl� des tortures qu'elles avaient subies et des coups. Une expertise dentaire vient de confirmer � la compatibilit� certaine � de l'�tat bucco-dentaire de Fanny avec des � �pisodes traumatiques remontant � une dizaine d'ann�es �.
3/ Les instructions
D�j� condamn� � la r�clusion criminelle � perp�tuit� assortie d'une p�riode de s�ret� de 22 ans pour les meurtres et viols de cinq jeunes femmes et un sixi�me viol, Patrice Al�gre a �t� mis en examen � cinq reprises par le juge d'instruction Serge Lemoine. Le tueur en s�rie est poursuivi pour les meurtres de Josette Legoy, en 1987, de Line Galbardi, de Josette Poiroux, deux prostitu�es, du travesti Claude Martinez, de Patricia Ballejos, une vendeuse, m�re de famille et pour le viol d'une prostitu�e, le tout au cours de l'ann�e 1992. Outre ces informations judiciaires, le parquet de Toulouse a ouvert le 15 avril 2003 une information contre � Patrice Al�gre et tous autres � pour des faits de � prox�n�tisme en bande organis�e, viols et complicit�, actes de tortures et de barbarie, viols sur mineurs par personne d�positaire d'une autorit� publique �. Proc�dure confi�e aux juges Nicole Bergougnan et Thierry Perriquet. Ces qualifications correspondent aux violences sexuelles d�nonc�es par les ex-prostitu�es. Patricia et Fanny ont �voqu� ces soir�es m�lant argent, coca�ne et notables. Quatre autres ex-prostitu�es se sont constitu� parties civiles dans ce volet de l'affaire. Fran�oise, qui accuse Patrice Al�gre de l'avoir viol�e ; Nadia qui accuse Lakhdar Messaoud�ne de l'avoir viol�e et qui indique avoir eu un contact non tarif� avec Marc Bourragu� � la demande du prox�n�te ; Laurence qui accuse un policier d'avoir profit� de ses faveurs en �change de l'impunit� pour son prox�n�te ; enfin Magali, mineure au moment des faits, la derni�re � s'�tre signal�e au d�but de l'�t�, qui accuse Patrice Al�gre et Lakhdar Messaoud�ne de viols ainsi qu'une troisi�me personne, un notable, dont elle a pour l'instant refus� de donner le nom devant la juge Nicole Bergougnan� D'autre part, une instruction men�e par le juge Thierry Perriquet concerne le faux t�moignage imput� au travesti Djamel avec la complicit� de Patricia. Dans ce volet, Dominique Baudis, Marc Bourragu� et Jean Volff se sont port� parties civiles et ont d�pos� plainte pour diffamation.
4/ Les contradictions
Les accusations des prostitu�es mises � la question par les juges d'instruction ont � �volu� � sur certains points depuis leurs d�clarations initiales. M�me s'il faut tenir compte d'une m�moire sans doute brouill�e par les dix ann�es qui ont pass� depuis les faits d�nonc�s et de la fragilit� morale de jeunes femmes meurtries parce qu'elles ont v�cu, la confusion s'est install�e. Patricia est revenue sur les accusations concernant les soir�es sadomasochistes et l'implication de magistrats. Mais elle maintient ses accusations contre Dominique Baudis pour un viol commis le jour de son anniversaire. Des v�rifications sont en cours, notamment sur les agendas de l'ex-maire de Toulouse. Si elle d�crit pr�cis�ment l'appartement de Lakhdar Messaoud�ne o� aurait eu lieu le viol, elle en donne une localisation tr�s impr�cise. Fanny, elle, met en cause le magistrat Marc Bourragu� avec lequel elle aurait eu une relation suivie pendant quatre ans. Elle a laiss� entendre qu'il lui avait offert une voiture et qu'il pourrait �tre le p�re de son premier enfant. V�rification faite, la voiture ne lui avait pas �t� offerte par le magistrat et les recherches ADN sur l'enfant ne concernent que deux anciens militaires� Fanny continue malgr� tout d'�voquer des soir�es tr�s violentes en pr�sence de Marc Bourragu� et notamment une rencontre priv�e � l'h�tel de l'Op�ra, place du Capitole. L� encore, la jeune femme a � boug� � dans ses d�clarations. Apr�s avoir mis en cause un myst�rieux � homme du Capitole � et l'ancien procureur g�n�ral Jean Volff, elle a finalement disculp� le magistrat, r�cemment, devant le juge Nicole Bergougnan. Une versatilit� difficile � suivre qui pourrait s'expliquer par certaines pressions s'exer�ant sur des t�moins sous influences�
5/ Les manipulations
Apr�s l'intervention t�l�vis�e de Dominique Baudis, il a beaucoup �t� question de � complots �, tour � tour pornographiques, syndicaux, politiques ou m�diatiques ou de manipulations pour expliquer le scandale provoqu� par la deuxi�me affaire Al�gre. Il n'est pas impossible que des jeux d'influences tr�s particuliers soient jou�s par certains protagonistes du dossier. Apr�s la lettre d'aveux envoy�e par Patrice Al�gre � Karl Z�ro, celle de sa r�tractation envoy�e ensuite au procureur g�n�ral sous la dict�e d'un cod�tenu proche du milieu marseillais, les valses d'avocats et l'arriv�e du tr�s m�diatique Me Gilbert Collard, il est difficile de faire la part des choses. Certaines personnalit�s, notamment des magistrats, ont-elles �t� d�nonc�es pour faire diversion et masquer les v�rit�s du dossier ? Fanny le laisse entendre en parlant des menaces qu'elle a subies de la part d'un policier qui lui aurait conseill� sur les conseils d'un sup�rieur de � donner des noms � L'agression dont elle dit avoir �t� victime au mois de mars par ce policier correspond � la fracture d'une dent relev�e lors de son expertise bucco-dentaire. Comme si, en coulisses, se r�glaient des comptes tr�s anciens autour des dysfonctionnements patents de l'institution judiciaire dans les ann�es quatre-vingt-dix et la kyrielle de meurtres non �lucid�s ou class�s suicide. Il y a aussi l'affaire Djamel, ce travesti sorti de nulle part et soudain apparu � la t�l�vision sur TF1 et France 2 pour rench�rir sur les accusations de Patricia et Fanny. Convaincu de faux t�moignage, Djamel a dit qu'il avait �t� influenc� par Patricia avant de se r�tracter, d'innocenter l'ex-prostitu�e et de confirmer ses d�clarations. Tous deux, mis en examen, ont pass� quelques semaines en prison avant d'�tre remis en libert�. Entre-temps, l'�nigmatique intrusion de Djamel a dynamit� le dossier en renversant les r�les. Les notables mis en cause devenant les victimes d'une diffamation�
6/ Les interrogations
L'affaire Al�gre a r�v�l� une �tonnante s�rie de rat�s des services de police et de la justice toulousains. Meurtres class�s, suicides imaginaires, enqu�tes et autopsies douteuses� Parmi les bizarreries, figure l'impossibilit� de savoir quel procureur de la R�publique s'est rendu sur la sc�ne du crime de Line Galbardi. Un policier a avanc� le nom de Marc Bourragu� mais personne, pas m�me l'int�ress� ne s'en souvient. Quant aux scell�s de l'affaire Claude Martinez, ils ont �t� d�truits par la justice et son carnet d'adresses a disparu� Il y a aussi le cas Lakhdar Messaoud�ne rentr� d'exil en juin et seul suspect encore emprisonn� avec Patrice Al�gre. En 1992, son arrestation et sa rapide condamnation � 3 ans de prison, puis son expulsion en Alg�rie ne correspondaient pas aux charges pesant pourtant sur lui : viol et prostitution de mineure� Comme s'il fallait qu'il disparaisse de la circulation. Il n'a jamais �t� interrog� alors sur le meurtre de Line Galbardi dont il �tait le souteneur. Autre myst�re. Des questions se posent aussi sur la pertinence des investigations. Les personnes mises en cause, policiers, magistrats, notables, n'ont toujours pas �t� entendues et la cellule Homicides 31 est maintenant r�duite � trois personnes dont le gendarme Roussel, � l'origine de l'enqu�te. Certains de ses confr�res commencent � mettre en doute les m�thodes de Michel Roussel. Ils consid�rent que les accusations des prostitu�es � s'effondrent comme un ch�teau de sable �. Mais seules les approximations des ex-prostitu�es sont point�es et leurs vies fouill�es, les magistrats instructeurs ne semblant pas press�s, � l'inverse, de mettre leurs contradicteurs � la question. Des auditions sont, malgr� tout, annonc�es dans le courant du mois de septembre et des d�veloppements importants sont attendus � l'initiative notamment des avocats des ex-prostitu�es.
(source La D�p�che du midi, Gilles-R. SOUILLES)
Affaire Al�gre
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