Le nouveau pr�fet de Corse Pierre-Ren� Lemas, pr�sent� comme un proche du ministre de l'Int�rieur Nicolas Sarkozy, a pris officiellement ses fonctions lundi � Ajaccio, o� il a rendu hommage � Claude Erignac.
"Je suis tr�s �mu car Claude Erignac a �t� mon patron, mon ami", a-t-il dit lors d'une c�r�monie devant la plaque qui rappelle au palais Lantivy, si�ge de la pr�fecture de Corse, l'assassinat du pr�fet Erignac le 6 f�vrier 1998.
� c�t� de la st�le, sur une table, des bougies, quelques fleurs et le marbre noir bris� le 3 ao�t par des inconnus qui ont d�truit la plaque comm�morative appos�e sur les lieux m�mes de l'assassinat, avenue colonel Colonna d'Ornano.
Auparavant, le nouveau pr�fet avait d�pos� une gerbe au monument aux morts d'Ajaccio. Avant sa nomination � Ajaccio, Pierre-Ren� Lemas, 52 ans, �tait directeur g�n�ral de l'administration.
Triste symbole que ces gestes qui sonnent comme un tocsin dans une Corse encore sonn�e par les attentats de ces derni�res semaines. Ici les hauts fonctionnaires commencent par saluer les morts avant de se mettre au service des vivants.
Il agit comme s�il arrivait en Corse en terre ennemie tenant � saluer d�abord ses morts plut�t que les vivants, un pr�fet assassin� plut�t qu�une population fran�aise qui, elle aussi, a besoin de r�confort.
Et la semaine prochaine, ce devrait �tre Nicolas Sarkozy qui va venir relever la st�le du pr�fet Erignac.
� La Corse conna�t actuellement "un point haut" dans le cycle des violences r�currentes, mais des progr�s sont r�alis�s sur des dossiers de fond "m�me si l'actualit� imm�diate donne l'impression d'une r�gression", avait estim� vendredi le pr�fet de Corse Dominique Dubois son pr�d�cesseur, au dernier jour de ses fonctions dans l'�le.
"La Corse conna�t h�las r�guli�rement des cycles de violences. Nous sommes dans un point haut de ce cycle", a d�clar� M. Dubois, d�sormais pr�fet de la r�gion Champagne-Ardenne, apr�s deux ans dans l'�le de Beaut�.
"Est-ce que la Corse va s'enfoncer dans le chaos plus encore? Il est trop t�t pour le dire. D'autant qu'il y a bien des choses qui vont beaucoup mieux en Corse qu'il y a quelques ann�es, notamment au plan �conomique", a-t-il dit. "L'approche des �lections devrait permettre quand m�me que chacun retrouve le sens des responsabilit�s", a poursuivi le pr�fet de Corse.
"Le probl�me fondamental, c'est que tant que les responsables nationalistes n'auront pas fait leur aggiornamento face au probl�me de la violence, tant que nous resterons la seule r�gion d'Europe, avec le Pays basque, o� une petite minorit� croit que la violence fait avancer les choses alors qu'elle plonge la Corse dans l'impasse, on ne pourra rien construire de durable", a-t-il soulign� oubliant au passage l�Irlande du Nord.
�voquant les dossiers de la d�centralisation et du d�veloppement �conomique, M. Dubois a conclu que "ce sont des choses de fond qui font que l'on progresse m�me si l'actualit� imm�diate donne l'impression d'une r�gression".
Le pr�fet Dubois avait chang� de ton dans une interview donn�e au Parisien du samedi 30 ao�t 2003, se montrant plus alarmiste.
� la question l � �tre pr�fet en Corse, est-ce la m�me chose qu'�tre pr�fet ailleurs ? �
il avait r�pondu : � Non, ce n'est pas le m�me boulot. Il y a beaucoup d'aspects communs, mais la pression des �v�nements et surtout le probl�me de la violence modifient compl�tement la nature de la mission. Quand la s�curit� des personnes et des biens n'est pas assur�e, quand des gendarmes et des policiers se font mitrailler, quand des b�timents publics sont vis�s, vous ne vivez pas dans la m�me ambiance. Il faut assumer tous ces traumatismes et donc il y a un climat tr�s lourd. Ici les ann�es comptent triple �.
� Avez-vous un sentiment de frustration apr�s vos deux ann�es pass�es ici ? �
� Oui, bien s�r. Il faut d'abord dire que beaucoup de choses ont �t� faites. La Corse est aujourd'hui la r�gion de France la plus d�centralis�e. On a mis en �uvre un programme exceptionnel d'investissements. La Corse n'est plus au ban des r�gions fran�aises pour la rentr�e des imp�ts. Il y a eu par ailleurs un redressement de l'application de la loi. En m�me temps, ce qui me laisse un go�t amer, c'est l'impression que cette violence ne s'arr�tera pas malgr� les efforts de la police. La Corse est � cet �gard, avec le Pays Basque, la seule r�gion d'Europe o� il y a une petite minorit� qui pense pouvoir imposer sa loi � la majorit� par la violence. C'est cela qui est scandaleux et qui reste incompr�hensible, m�me apr�s deux ans de s�jour. Cette minorit� utilise les m�canismes classiques du terrorisme : l'intimidation sur l'�tat et sur l'opinion. �
� Quel sentiment avez-vous eu apr�s le saccage de la st�le � la m�moire du pr�fet Erignac ? �
� Ce m�lange de rage, de haine et de b�tise de la part de cr�tins est consternant. Que des vivants s'attaquent aux morts, c'est un acte inqualifiable. Est-ce que la Corse est entr�e dans une p�riode sombre ? Nous ne sommes pas � l'abri d'un tr�s grave �v�nement. Est-ce que pour autant nous rentrons dans un ph�nom�ne basque ? Je n'en suis pas s�r. N�anmoins, on peut le craindre. La Corse se caract�rise souvent par des cycles de violence, et puis cela retombe. Il y a une chose qui devrait permettre de revenir � plus de raison, c'est que chacun va se retrouver devant les �lecteurs dans quelques mois. Ce n'est pas en d�posant des charges explosives de nuit sur des b�timents publics que l'on va faire avancer la Corse. Le bulletin de vote peut avoir une valeur de sanction. �
� On a l'impression que les auteurs des attentats sont rarement arr�t�s... �
� Il y a plus d'une cinquantaine de d�tenus en Corse pour des faits de terrorisme. Ce n'est pas rien. Cela n'emp�che pas qu'il y a effectivement une poursuite de la violence. Il y aura d'autres interpellations. Mais le temps entre le moment o� les attentats sont commis et l'arrestation de leurs auteurs cr�e un sentiment de frustration et peut donner l'impression d'une impuissance, mais qui n'est pas r�elle. �
� Ce climat tendu ne risque-t-il pas d'enfoncer la Corse dans une r�cession �conomique ? �
Depuis 1997, la Corse a fait beaucoup de progr�s sur le plan �conomique. Nous avions un taux de ch�mage de 14 %, nous sommes aujourd'hui � 10 %. La Corse est la seule r�gion de France o� les cr�ations d'emplois sont plus importantes que les pertes d'emplois. Si cette violence se poursuivait et s'aggravait, il est �vident qu'il pourrait y avoir un risque �conomique, pas maintenant, mais pour 2004-2005. Il faudrait estimer le co�t des 200 � 250 attentats annuels, ce serait assez spectaculaire. �
� Consid�rez-vous que le non au r�f�rendum a �t� un frein pour l'avenir ? �
� Le vote en faveur du non, qui est parfaitement respectable - les �lecteurs se sont exprim�s -, a suscit� un sentiment de vide, de trou d'air. La Corse, peut-�tre par son insularit�, a besoin d'un projet fort sur la dur�e. �
� Reviendrez-vous en Corse ? �
� Oui, j'y reviendrai avec le plaisir de savourer tous les bons c�t�s. 99 % des habitants vivent dans la douceur de vivre. J'ai pr�vu d�s l'�t� prochain de faire des randonn�es de montagne dans le nord de la Corse. �
� Est-ce que votre fa�on de vivre en Champagne-Ardenne va changer ? �
� Oui, je vais retrouver une libert� bien agr�able. En Corse, j'avais une protection polici�re. M�me si je ne me sentais pas menac�, rien ne peut �tre exclu. �
Et bonne chance � son successeur et surtout aux Corses !
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