� Hospitalit�, solidarit�, complicit� �
Corse Matin a publi� la libre opinion M. Jean-Fran�ois Profizi, directeur de cabinet du pr�sident du conseil g�n�ral de Corse-du-Sud. Elle est int�ressante et courageuse en ce sens qu�elle prend � contre-pied la mode actuelle hospitali�re.
� Certains ont, pour justifier l'aide apport�e � Yvan Colonna pendant sa fuite, fait r�f�rence � cette valeur ancestrale de l'�le que les Corses seuls peuvent comprendre, parce qu'ils ont, comme l'a dit un orateur nationaliste, un cerveau diff�rent : l'hospitalit�. On a ainsi entendu de braves gens r�p�ter aux micros qui se tendaient e m�me refrain si un homme frappe � ma porte pour demander le g�te et le couvert, je les lui accorde sans chercher � savoir qui il est, d'o� il vient, ce qu'il a fait.
Cette fable ne saurait r�sister � un simple examen, si l'on prend la peine de faire appel � la raison et non au r�flexe, ce qui n'est pas facile dans une �le o� certains se vantent de n'�tre pas cart�siens. Elle masque en r�alit� une man�uvre politique habilement conduite par ceux qui savent utiliser tous les pr�textes et toutes les na�vet�s pour faire avancer leur cause.
Malgr� les m�les d�clarations faites ici ou la, on ne trouvera gu�re de gens, dans l'�le, suffisamment inconscients pour h�berger dans leur propre foyer un inconnu surgi en pleine nuit d'on ne sait o�, sauf � y �tre contraints.
Yvan Colonna le savait parfaitement. Aussi s'est-il bien gard� d'aller frapper � la premi�re porte rencontr�e pour y demander une assiette de soupe et un lit pour la nuit. Il a pr�f�r�, avec raison, s'appuyer sur des amis s�rs pour circuler, se loger, se nourrir, se v�tir, se soigner, se distraire, en un mot pour vivre. Cela ne s'appelle pas de l'hospitalit� mais de la solidarit�.
Cette forme de solidarit� est effectivement une tradition en Corse. Souvent due, autrefois, � la crainte que faisaient r�gner les bandits, elle fut et reste aussi une des principales manifestations du clanisme. Celui-ci, ph�nom�ne profond�ment identitaire, distinct du client�lisme, et li� � l'archa�sme de la soci�t�, alla longtemps de pair avec la vendetta qui mobilisait l'ensemble du clan.
La solidarit� manifest�e par ses amis � l'�gard d'Yvan Colonna est parfaitement compr�hensible. Elle est, moralement, tout � leur honneur, surtout s'ils avaient conscience de ce qu'ils risquaient. Elle n'en reste pas moins, juridiquement, un d�lit passible de poursuites p�nales. Quant � la solidarit� manifest�e par les amis des amis d'Yvan Colonna aujourd'hui incarc�r�s, elle est parfaitement justifi�e � une condition qu'elle apporte une aide mat�rielle et un soutien moral sans viser � faire �chec � la justice.
On me permettra de rappeler, au passage, que des Fran�ais, auxquels certains ont reproch� r�cemment de ne rien comprendre � l'hospitalit�, ont, pendant la derni�re guerre, dans les zones occup�es par les Allemands (ce qui n'�tait pas le cas de la Corse), prot�g� des Juifs, innocents de tout crime ou d�lit, sans ignorer les risques qu'ils couraient la d�portation ou la mort.
J'ajoute que l'on ne peut pas, comme essaient de le faire certains, �riger la solidarit� et l'hospitalit� en valeurs supr�mes.
D'abord parce qu'on sait tr�s bien que des manifestations ne seraient jamais organis�es en faveur de gens qui seraient poursuivis pour avoir apport� leur aide aux quatre �vad�s de la prison d'Ajaccio ou � des incendiaires ou � un violeur assassin d'enfant. La solidarit� et l'hospitalit� ne sont donc pas sans lien avec l'acte qui les d�clenche.
Ensuite parce que l�galiser au nom de la culture corse comme l'a demand� une association - la complicit� avec tout individu recherch� par la justice, conduirait in�luctablement au retour de la vengeance priv�e. Celle-l� m�me qui a provoqu� les centaines d'assassinats qui endeuill�rent annuellement la Corse au XIXe si�cle.
En r�alit�, les mouvements nationalistes sont solidaires de l'acte dont est soup�onn� Yvan Colonna, trait� en h�ros de la r�sistance � l' � oppression fran�aise � et donc consid�r� de fait, par eux, comme coupable. Ils essaient de mobiliser, au nom des valeurs ancestrales d'une soci�t� archa�que, ceux qui condamnent cet acte.
Ils esp�rent ainsi �largir le foss� que certains d'entre eux ont ouvert, par leurs actions violentes, entre la Corse et le continent, pour atteindre le but qu'ils n'ont jamais cess� de viser l'ind�pendance.
TOUT LE DOSSIER CORSE
|
|