Corse : les v�rit�s de Sarkozy
LE FIGARO. � On a vu � Luri des gendarmes assi�g�s dans leur caserne. Le gouvernement aurait-il, comme certains le disent au PS, perdu la main en Corse depuis l'arrestation de Colonna ?
NICOLAS SARKOZY. � Venant de ceux qui ont laiss� trois ann�es de cavale � Yvan Colonna, l'attaque ne manque pas de sel ! D'abord, les gendarmes de Luri vont rester sur place, n'en d�plaise � la rumeur. Ce ne sont pas trois ou quatre agit�s qui emp�cheront l'Etat d'�tre pr�sent � Luri, comme sur chaque centim�tre de l'�le. Quant aux socialistes, ils sont mal plac�s pour nous faire la le�on : non seulement nous avons rattrap� Yvan Colonna, mais les complices de sa cavale se retrouvent interpell�s les uns apr�s les autres. Par ailleurs, pour la premi�re fois depuis 1997, un poseur de bombes a �t� arr�t� en flagrant d�lit, � Ajaccio, le 4 septembre dernier. Deux autres ont connu le m�me sort dans les faubourgs de Bastia. A Luri m�me, que s'est-il pass� ? Deux cocktails Molotov ont �t� jet�s dans la cour de la gendarmerie, au risque de blesser ou de tuer les enfants et les femmes de gendarmes qui y vivent. Les auteurs de ces l�chet�s sont aujourd'hui derri�re les barreaux. Si les nationalistes manifestent si bruyamment, c'est pr�cis�ment parce que, pour une fois en Corse, l'�tat arr�te les auteurs de ces actions intol�rables. Il y aura d'ailleurs d'autres interpellations afin de r�clamer des comptes � ceux qui ont br�l� les voitures.
Que vous inspire le souhait unanime du conseil municipal de la ville de voir partir les gendarmes ?
C'est inadmissible au plan r�publicain et absurde en termes d'int�r�t m�me de la commune. Sur les 53 �l�ves accueillis � l'�cole de Luri, 13 sont des enfants de gendarmes. Les �lus de Luri veulent-ils vraiment qu'une classe ferme ? Leur r�action �tait malheureusement pr�visible. Ils ont toujours �t� proches des th�ses nationalistes. Sachez en outre que, depuis mon arriv�e place Beauvau, 160 personnes ont �t� interpell�es en Corse, dont 136 pour des faits de terrorisme et 19 pour des actes de grand banditisme. La seule ann�e 2003 a permis de r�aliser 87 interpellations. Jamais l'�tat n'a �t� aussi r�actif. Mais il l'est de fa�on sereine, sans exc�s, et en gardant toujours pr�sent � l'esprit que le r�tablissement de l'ordre par la police est un pr�alable, pas une fin. Le but, c'est bien le d�veloppement �conomique, un emploi pour chaque jeune Corse et une identit� culturelle respect�e.
Mais l'ordre r�publicain n'est pas encore r�tabli...
Comme une majorit� de Corses qui en sont les premi�res victimes, je le regrette, et je mettrai tout en oeuvre pour que ce d�sordre prenne fin. Le probl�me, c'est que le sens commun tend � s'estomper sur l'�le. Et pas seulement dans la t�te d'une poign�e de terroristes et de mafieux. Quand je vois 600 personnes d�filer pour dire que Marc Simeoni n'a rien � voir avec le terrorisme, alors que, tout le monde le sait, on a trouv� � son domicile un fusil � pompe, des munitions, une empreinte de Colonna et les relev�s de cartes de cr�dit qui ont permis d'acheter ce qui se trouvait dans le sac du fugitif, je suis stup�fait. Qu'on parle de sens de l'hospitalit� pour ceux qui ont permis la cavale d'Yvan Colonna, quand, dans le m�me temps, on plastique sur l'�le les villas des continentaux, me r�volte tout autant. Nous devons malgr� tout d�passer les r�actions d'humeur, pour construire l'avenir de la Corse.
Que proposez-vous ?
Mobilisons-nous sur un projet fort. Le r�cent renouvellement de l'�quipe pr�fectorale insulaire a constitu� une premi�re �tape. Nous allons maintenant travailler sur l'am�nagement du territoire, sur le d�veloppement �conomique, pour donner davantage d'autonomie � la Corse. Car c'est la seule solution. On peut progresser dans le cadre du statut existant.
Mais comment relancer le d�bat localement ?
J'ai cru � la solution du r�f�rendum. La Corse s'est divis�e sur cette question. Le non l'a emport� de peu. Il n'en reste pas moins que l'�le a besoin d'une meilleure coordination institutionnelle, de comp�tences nouvelles qui pourraient �tre transf�r�es par l'�tat et de moyens renforc�s pour les exercer. Avec le rendez-vous des �lections territoriales, elle se dotera d'une �quipe politique avec laquelle il faudra travailler pour donner � l'�le un avenir de paix et de d�veloppement.
En ayant tendu la main aux extr�mes, ne craignez-vous pas de les avoir l�gitim�s ?
A quels extr�mes ? Je n'ai dialogu� qu'avec des �lus du suffrage universel. C'est le contraire qui serait choquant. Si l'Etat vous reconna�t le droit d'�tre candidat et que les �lecteurs vous �lisent, au nom de quoi devrais-je refuser un dialogue de bonne foi ? Je n'ai jamais eu de contacts secrets avec qui que ce soit. Et je persiste � penser qu'il faut, envers et contre tout, poursuivre ce dialogue avec tout le monde. Il existe des autonomistes qui refusent la violence. Il faut les encourager sur cette voie, comme il faut dialoguer avec les partisans du non, qui ont une place importante sur le chemin de la reconstruction, et avec ceux qui ont vot� oui parce qu'ils croient au rassemblement de tous.
(Propos recueillis par Jean-Marc Leclerc, Guillaume Tabard et Jean de Belot )
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