Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Liber Bou : La mort d�un honn�te homme
Sep 18, 2003

Liber Bou : La mort d�un honn�te homme

Libert Bou vient de mourir. Edmond Simeoni dira de lui lors de son proc�s : � C��tait un honn�te homme qui a �t� d�bord� �. Lui le premier l�avait clou� au pilori parce que lors d�une r�union devant la Jeune Chambre �conomique de Bastia il aurait r�pondu � ceux qui voulaient que le statut de la Corse �volue : � M�me 200000 Corses ne changeront pas la Constitution �. Cette phrase r�p�t�e par les uns et les autres avaient fait de Liber Bou l�incarnation de la rigidit� � jacobine �. Or Libert Bou avait protest� par voie de lettre aupr�s des responsables de l�ARC sur la mauvaise interpr�tation de cette phrase sortie de son contexte.

Au mois de janvier il avait rencontr� les leaders autonomistes de l�ARC. Au mois d�ao�t avait lieu le drame d�Aleria : des bless�s, deux gendarmes tu�s, Edmond Simeoni et une partie de ses amis emprisonn�s. La Corse venait d�entrer dans le cycle de la violence. Moins d�un an plus tard, les plus radicaux des autonomistes formaient le FLNC.

Nous publions ici plusieurs documents. Le premier la description faite par deux journalistes de la mission de Libert Bou. Elle est extraite d�un ouvrage aujourd�hui �puis� � La poudri�re corse � �crit en 1975 par St�phane Muracciole et Jean-Paul Delors.

Le deuxi�me document est la lettre envoy�e � un dirigeant de l�ARC par laquelle Libert Bou tente de r�tablir la v�rit� sur sa fameuse d�claration. Elle nous a �t� envoy�e par l�un de nos correspondants en Corse. Le responsable autonomiste aujourd�hui d�c�d�, Jean Mannarini, qui portait une grande estime au charg� de mission, tentera en vain de lui rendre cette justice. Pour les autonomistes, il �tait plus commode de pr�senter Libert Bou comme un homme centralisateur.

Le troisi�me document est le pr�ambule de Libert Bou pour la � Charte de d�veloppement �conomique de la Corse � telle qu�elle fut publi�e dans l�hebdomadaire Kyrn (num�ro 55 � Juillet 1975)

Le quatri�me est le discours d�Edmond Simeoni lors du congr�s autonomiste de l�ARC en ao�t 1975 et qui fut une v�ritable d�claration de guerre qui pr�figurait le drame d�Aleria et la naissance du FLNC l�ann�e suivante.

L'AVENTURE LIBERT BOU


Extraits de � La poudri�re corse � de Jean-Paul Delors et de St�phane Muracciole (Ed. Alain Moreau)

Les occupations des terres sur la plaine orientale, la situation catastrophique de l'agriculture et de l'�levage, le mirage industriel, l'augmentation continue du taux de ch�mage et la mise en coupe r�gl�e touristique de l'�le : voil� le tableau que peut afficher aujourd'hui le pouvoir. Cet �tat de fait �tait-il in�luctable? La logique du syst�me capitaliste semble le laisser croire. La Corse, victime � la fois d'un d�veloppement r�gional in�gal et de la course au profit de quelques grosses soci�t�s, a �t� doublement affect�e par le syst�me �conomique dominant. Le pouvoir parisien, quant � lui, n'a jamais voulu ou pu se donner les moyens d'un v�ritable changement. La mission Libert Bou, � cet �gard, est des plus significatives.

RENDEZ-VOUS A RUNGIS

Le 12 d�cembre 1974, le conseil des ministres nomme un nouveau pr�sident pour la Mission interminist�rielle charg�e de l'am�nagement de la Corse. Personne,au demeurant, n'y fait r�ellement attention. Cet homme, qui est le contraire d'un technocrate, passe plut�t pour un � fonceur �. 65 ans, Catalan n� au Maroc (� Mekn�s, il fut un agent privil�gi� du gaullisme pour tenter de d�coloniser - au mieux des int�r�ts fran�ais l'Afrique noire. Ce qu'il r�alisa avec des fortunes diverses (pour m�moire Madagascar). En revanche, l'am�nagement de Rungis, son dernier travail, fut un succ�s. Et certains s'empressent d'y faire r�f�rence � l'annonce de sa prochaine affectation. Dans la presse r�gionale, cela prend des allures d'exploit et d�j�, l'on pr�sente Libert Bou comme le � docteur miracle �. Ne vient-il pas, dit-on, de r�ussir le tour de force de d�m�nager, � en une nuit �, les Halles de Paris! En quelque sorte, une preuve de son sens du dialogue et de la concertation.

Le temps presse, et Libert Bou se met au travail. Il comprend que pour d�geler la situation, fortement bloqu�e en ce d�but 1975, il va devoir jeter toutes ses forces dans la bataille. Et abattre des cartes inconnues des insulaires. Pour cela, il devra s�journer sur l'�le et discuter avec tout le monde. Il y a des cactus, lui a-t-on r�p�t�, ce sont les autonomistes. Un obstacle r�put� insurmontable. C'est donc � celui-ci qu'il va d'abord s'attaquer.

Le 18 janvier 1975, � ils � sont au rendez-vous de Rungis. Six hommes entourent Max et Edmond Simeoni, Jean-Pascal Pierre, charg� des probl�mes de formation des hommes; Michel Castellani, sp�cialiste des probl�mes d�mographiques; Nicolas Secondi et Christian Mondoloni, les deux �conomistes de l'ARC; Paul-Marc Seta, l'un des plus anciens penseurs du mouvement, commis aux affaires fiscales et Jean Mannarini, charg� des probl�mes commerciaux.

Rien n'a �t� n�glig� dans la mise en condition des repr�sentants de l'ARC. Voyage offert gracieusement, h�tel de luxe, voitures officielles pour les d�placements dans Paris. Sur son bureau, au dixi�me �tage du b�timent administratif, le g�rant des Halles a dispos�, bien en �vidence, quelques num�ros de l'hebdomadaire Arritti et Autonomia, l'ouvrage du mouvement.

� Messieurs, leur dit-il en guise de pr�ambule, nous sommes l� pour parler de tous les sujets qui nous pr�occupent. Je suis pr�t � tout entendre. Vous comprendrez cependant qu'il n'est pas de mon ressort d'�voquer une quelconque remise en cause des institutions. � Cela est dit sans agressivit�. � J'entends, poursuit-il, que nous abordions ici sinc�rement les probl�mes pr�cis du d�veloppement de l'�le, de la sauvegarde de son int�grit�; sans y mettre aucun pr�alable politique. Alors le dialogue sera possible et fructueux, si vous le voulez bien. � Les huit Corses, �tonn�s d'�tre les premiers interlocuteurs de l'envoy� du gouvernement, se demandent comment allier l'int�r�t d'une telle rencontre et la n�cessit� de ne c�der en rien sur l'essentiel.

Max Simeoni, qui est l� pour traiter justement des probl�me politiques, r�affirme que la question corse se situe avant tout au niveau que Libert Bou se refuse d'aborder, mais que, ceci mis � part, ils pourraient tout de m�me �tudier les dossiers que chacun a minutieusement pr�par�s. Ainsi, durant cinq heures, on parle des transports, de l'industrialisation, du commerce, de la d�mographie, de l'emploi, de l'universit� et de la formation des hommes. Paul-Marc Seta �voque m�me la fiscalit�, les structures administratives. Edmond Simeoni et son fr�re ponctuent chaque intervention pour les compl�ter de consid�rations politiques. Libert Bou, attentif, note chaque chiffre, chaque mot cl�. Il questionne, sollicite des pr�cisions.

� La situation est donc grave, conclut-il. Il me revient aujourd'hui de la d�bloquer. B�n�ficiant de toute la confiance du gouvernement, je ferai tout mon possible pour y parvenir. Je voudrais proposer � la Corse une sorte de charte pour son d�veloppement. Je compte sur vous tous pour m'aider � y parvenir.�

En gage de sa bonne foi, il promet que la L�gion �trang�re quittera les citadelles de Corte, Calvi et Bonifacio o� elle est stationn�e. Cela dans les trois mois. Edmond Simeoni s'�tonne. � Vous avez donc un certain pouvoir! � Pour le prouver, Libert Bon confie en apart� au porte-parole de l'ARC : � De tr�s gros efforts seront accomplis sur le plan culturel. Je m'engage � faire admettre tr�s rapidement la n�cessit� du bilinguisme. �

� �trange bonhomme! � commente Christian Mondoloni � la sortie. � Vous rendez-vous compte qu'il a d�j� reconnu l'existence du peuple corse et de son identit�? � - � Nous jugerons aux r�sultats, lui r�pond Edmond Simeoni. Il s'est vraiment trop avanc� sur beaucoup de choses. � - � Peut-�tre, ajoute Max Simeoni, cependant je ne peux m'emp�cher de penser que cet homme est sinc�re, m�me si le pouvoir l'utilise pour nous pi�ger. �

Tout est l� justement. Depuis huit mois, Val�ry Giscard d'Estaing a inaugur� la panoplie du grand r�formateur : politique de la main tendue et des d�marches d�magogiques. Les prisons sont-elles en r�volte ? Il va serrer la main d'un condamn� � la prison Saint-Paul de Lyon, se faisant photographier avec complaisance. La gauche d�nonce-t-elle la chute libre du pouvoir d'achat des travailleur, il d�ne chez un Fran�ais moyen. Le 14 juillet, il arpente la capitale � pied, s'arr�tant pour causer au coin des rues. Ses ministres ont pour consigne de se montrer aussi souvent qu'ils le peuvent et de visiter, � l'improviste, les administrations qu'ils dirigent.

On comprend alors que, pour r�soudre le handicap de l'�le de Beaut�, il y d�l�gue un grand commis rompu � cette mani�re de faire.

En Corse, pourtant, la d�marche para�t suspecte. Vex�s d'apprendre que les autonomistes ont eu les honneurs de Rungis avant eux, les �lus s�empressent de � savonner la planche�. D�put�s et s�nateurs laissent entendre � Paris que l'attitude est grossi�re, que l'on devra y mettre plus de formes si l'on tient � leur collaboration.

Et puis, comment se fait-il que le pr�fet perde ainsi sa supr�matie sur la r�gion? Libert Bou serait-il donc plus qu'un simple chef de mission? De son c�t�, la base du mouvement contestataire critique ses leaders pour s'�tre empress� de jouer les interlocuteurs valables et privil�gi�s. � Maintenant qu'ils sont pris au s�rieux, certains sautent � pieds joints dans le pi�ge �, font remarquer les jeunes qui ne comprennent pas l'attitude de leurs a�n�s. Le 24 janvier 1975, les clandestins du FPCL (Fronte paesanu di liberazione di a Corsica) commettent un attentat. L'avertissement est clair : � D�sormais, nous ne pardonnons plus. � Le lendemain, Libert Bon est � pied d'�uvre.

LA S�DUCTION

Mais pas question de s'installer � Ajaccio et attendre que l'on vienne � lui, comme le pr�fet le propose. Notre homme, au contraire, en ex-rugbyman qu'il est, va � au contact �. Trois mois durant, il sillonne les mauvaises routes de l'int�rieur et du littoral, s'arr�te partout, discute, interroge. S'il rend quelques visites aux �lus, il leur pr�f�re la population et les responsables socio-professionnels. Au demeurant, ceux-ci acceptent volontiers de le rencontrer y compris �mile Belgod�re, le pr�sident du syndicat agricole MODEF (3). Pour lui, c'est la premi�re entrevue officielle avec un repr�sentant de l'Etat.

A Calvi, Libert Bou conseille de s'opposer aux promoteurs et d'interdire toute construction sur le site de la Revellata. Il se prononce, au contraire, pour son ouverture au public. A Pigna, petit village de Balagne, bastion des artisans de la Corsicada de Tony Casalonga, il partage � u spuntinu � (le casse-ro�te) avec ce dernier et ses amis. Ceux-ci lui soumettent un plan qui leur tient � cour.

� Nous voulons traiter ici la laine de nos moutons et pour cela installer une filature de dimension modeste. En aurons-nous les moyens? � Le grand am�nageur r�fl�chit. � La soci�t� Roquefort c�de une laiterie inutilis�e � Ponte Leccia. Cela vous irait-il? � - � Assur�ment, mais un apiculteur est sur le coup. L'affaire est en passe d'�tre r�alis�e. � - � N'ayez aucune inqui�tude. Vous aurez la priorit�. � Malheureusement, l'apiculteur r�ussit � acheter les b�timents.

Libert Bou ne se laisse pas d�courager. Au contraire, il ne cesse de promettre davantage. Des broutilles peut-�tre, compar�es au but de son intervention, mais qui satisfont maires et conseillers g�n�raux soucieux de profiter de l'aubaine. � Un stade pour Cervione? C'est acquis, vous l'aurez � � La r�novation du tout-�-l'�gout � Corte? D'accord, je m'en occupe. �

Peut-�tre en fait-il trop... � Si vous avez besoin d'une voiture, dit-on � la cantonade, allez donc la lui demander! � Certains �lus ne d�mordent pas. Cet envoy� sp�cial n�glige un peu trop les r�gles du clan et ne se m�fie pas assez des autonomistes. Pire, il les cr�dibilise. � Vous savez, lui dit un jour Pierre Pasquini, maire UDR de l'Ile-Rousse, je puis moi aussi b�n�ficier d'une belle influence aupr�s des minist�res! � Libert Bou ne daigne pas r�pondre. Il a seulement conscience d'�tre sur la bonne voie de l'ouverture si les clans s'agitent ainsi.

A la longue, pourtant, le scepticisme s'empare des plus combatifs du mouvement autonomiste. � Comment donc tous ces hommes, qui, hier, critiquaient le sch�ma d'am�nagement r�gional de 1971, ne s'aper�oivent-ils pas qu'ils participent, aujourd'hui, � sa remise � jour? � explique Vincent Stagnara, un des ex-examinateur du PPCA (Parti du peuple corse pour l'autonomie) qui estime que � le pouvoir central veut d�tendre l'atmosph�re en accordant � la classe moyenne une partie de ce qu'elle exige �.

Mais c'est compter sans la base, en particulier la jeunesse. � De tout temps, explique un autonomiste socialiste, le colonialisme a fait de l'am�nagement du territoire la solution miracle aux probl�mes politiques. Il y a, dans la mission Libert Bou, un c�t� r�cup�rateur et dangereux, dont il est urgent de prendre conscience �. Plus virulents encore, ceux de la � Consulta di studienti corsi � (CSC), groupe �tudiant � majorit� ARC implant� � Nice, refusent de � se pr�ter � la man�uvre �. Dans leur journal, U Ribombu (L'�cho), ils interpellent le charg� de mission : � Monsieur Bou, nous ne croyons pas en vous. Le probl�me corse reste un probl�me de rapports de force que nous ne r�soudrons que par un affrontement. �

� M�ME 200 000 AUTONOMISTES... �

Le 17 avril, � Bastia, la Jeune Chambre �conomique organise un d�ner-d�bat � l'intention de Libert Bou. Lorsqu'il prend place dans la salle du restaurant � La Taverne �, celui-ci sait tr�s bien ce que repr�sente l'association des JCE sur l'�le. Son pr�sident n'est autre que Jos� Stromboni, incarc�r� en 1974 alors qu'on l'accusait, � tort, d'�tre le chef des plastiqueurs. Contrairement � la majorit� des JCE du continent, celles de Corse regroupent bon nombre de contestataires, dont certains sympathisants des th�ses autonomistes. Il sait que ces derniers seront l�, en force. Nerveux, fatigu� par une journ�e marathon dans la r�gion de la Castagniccia, il affronte de suite les questions.
- � Monsieur Bou, l'interpelle quelqu'un, vous promettez beaucoup, mais o� sont les cr�dits pour assurer toutes ces belles r�alisations? �
- � Ils existent, mais il faut attendre les d�cisions du minist�re des Finances. �
- � Vous vous faites le champion de la concertation, mais croyez-vous vraiment qu'il y ait encore quelque chose � esp�rer de certains de nos �lus ? �
- � Les �lus sont pour moi une planche pourrie. Ce n'est pas celle-l� qu'il faut choisir pour traverser un fleuve. � Chacun alors se rem�more une anecdote connue depuis quelques jours. Libert Bou, rencontrant le d�put� Rocca-Serra � Propriano, lui aurait confi� :� Faire parler les gens, voil� ce qui est n�cessaire, ensuite on d�cide et l'on agit comme on veut! �

- � �tes-vous bien certain, Monsieur Bou, de ne pas d�tenir, avec le d�veloppement pr�vu de la Corse, une solution id�ale pour le maintien en activit� des entreprises que vous avez cr�� pour r�aliser Rungis ? �, lance un convive.

L'�pret� des d�bats le surprend. Depuis quelque temps, il doute de pouvoir atteindre son but sans encombre. Le climat social s'est alourdi au d�but du mois avec les manifestations des transporteurs, et les nuages de la contestation s'amoncellent au-dessus de la mission interminist�rielle. Les autonomistes euxm�mes commencent � se m�fier.

� Pourtant, dira-t-il plus tard, s'ils m'ont regard� au d�but comme une sorte de d�l�gu� colonialiste, ils ont vite compris la vraie nature de cette mission et ont accept� le dialogue. � Sait-il qu'il vit ce soir le grand tournant, la fin des illusions ? Les craquements, dans le milieu autonomiste, se font chaque jour plus bruyants. Pour tenter de rassurer ses troupes, Max Simeoni a envoy�, fin f�vrier, une lettre � chaque d�l�gu� �tranger aupr�s de l'ONU pour l'informer de la � situation r�elle en Corse �, en pr�vision d'une �volution in�vitablement plus radicale, � si Paris ne fait pas droit aux l�gitimes revendications des Corses �. Plus m�me, dans leur hebdomadaire Arritti (du 21 mars 1975), les autonomistes d�noncent la � conjoncture Bou-Ponia-Giscard � : � La matraque et la diplomatie, y lit-on, ont pour point commun de rejeter la solution institutionnelle autonomiste.

Chacun peut se rendre compte que pour exceptionnelle qu'elle puisse �tre, ne touchant en aucune fa�on au syst�me centraliste, la mission Bou ne peut aboutir � aucun r�sultat positif pour le peuple corse. � Mais les fr�res Simeoni n'en ont pas moins poursuivi leurs rencontres avec le chef de la mission interminist�rielle.

Au d�tour d'un repas, il a abord� avec eux le probl�me de la violence, pour tenter de les gagner contre les clandestins. � Je suis conscient que la violence n'est pas de votre fait, leur a-t-il assur�, mais vous comprendrez qu'elle me porte tort. � Aujourd'hui, Edmond Simeoni reconna�t : � Nous avions adopt� la tactique de le suivre, pour mieux le d�samorcer le jour venu. � Jeu dangereux qui ne manque pas de leur attirer des critiques de la part de leurs militants. La cage d'escalier qui m�ne au local de l'ARC s'orne d'un slogan, peint � la bombe: � Edmond, choisis, la canne � p�che ou le fusil! � Il faut donc r�agir, avant qu'il ne soit trop tard. Le leader autonomiste a d�cid� de le faire ce 17 avril 1975. Ii accroche Libert Bou sur le probl�me du pr�alable politique qu'il a toujours refus� de prendre en consid�ration. Il ne m�che pas ses mots, ses amis eux-m�mes en sont surpris.

- � M�me si la Corse comptait deux cent mille autonomistes, lui r�pond Bou, cela ne ferait pas changer la Constitution! � Dans la salle; c'est un toll� g�n�ral.

Jos� Stromboni surench�rit : � Nous avons suivi avec attention vos d�placements, vos contacts, vos d�clarations. Nous pouvons affirmer sans pr�tention que nous y avons vu appara�tre les faiblesses de l'analyse. Nous sommes surpris que beaucoup de vos interlocuteurs aient interpr�t� vos propos comme un langage nouveau. Comment ne pas pr�dire, d'ores et d�j�, l'�chec de votre mission?

La situation actuelle de la Corse d�coule des dix derni�res ann�es de politique coloniale qu'elle a subie. Il ne faut tromper personne : la situation, d'�conomique est devenue politique. Ce n'est pas un pseudo � plan de Constantine � qui y changera quelque chose. �

- � Oui, vous allez � l'�chec �, ponctue une partie de l'assistance. Un de ses adjoints, Th�o Bald, s'interpose.
- � Arr�tez, arr�tez, vous l'enfoncez. �

Mais d'autres questions arrivent, auxquelles Libert Bou ne parvient plus � r�pondre. Livide, il quitte � la Taverne �, laissant l� ses adversaires, disant simplement: � J'ai besoin d'un peu d'air. �




RIEN QUE LA CHARTE

Le r�ve d'une s�duction possible serait-il an�anti? Sur le terrain, quatre groupes de travail r�digent les grandes options de la future charte. A Corte, un � directoire �, constitu� essentiellement d'autonomistes, �tudie le dossier � Formation des hommes et mise en place d'un institut m�diterran�en technique � : l'universit� corse nouvelle version. A Ajaccio, on r�fl�chit sur la possibilit� de � cr�er un tourisme g�n�rateur d'emplois � et Guillaume Leca, syndicaliste h�telier responsable du PPCA, est du nombre. A Sart�ne, une �quipe met sur pied le � plan de d�veloppement industriel �.

Plusieurs responsables des mouvements revendicatifs s'associent aux travaux. D'autres, au contraire,
s'�tonnent de ce qui leur est propos�. Yves le Bomin, par exemple, pr�sident des PME.

Il rencontre en mars, � deux reprises, Libert Bou. Ils en viennent � �voquer les n�cessit�s d'une cimenterie insulaire. � Peut-�tre avez-vous raison, conc�de le haut fonctionnaire, mais il serait souhaitable que Lafarge (les Ciments) y soit associ� �. � Serait-ce donc cela l'ind�pendance �conomique de la Corse ? � questionne Jos� Stromboni pr�sent.

A Bastia, l'�quipe qui comprend Fran�ois de Casabianca et Tony Casalonga - membres du Parti socialiste et de l'association � A rustaghja � pour la renaissance de la Castagniccia - travaille �galement sur les questions de � r�novation rurale en Corse int�rieure �. Un lourd dossier, oubli� jusqu'� ce jour par la SOMIVAC malgr� les ordres qu'avait donn�s, en 1974, le premier ministre Pierre Messmer. Le projet formul� int�resse 20 000 hectares et 300 exploitations. Y figure le d�veloppement de l'�levage, de l'artisanat de service et d'art, du tourisme en g�tes ruraux, camping � la ferme et chambres d'h�tes. L'industrialisation � grande �chelle y est refus�e au profit d'un artisanat de transformation alli� aux productions agricoles locales (ch�taignes, olives, miel et produits laitiers) (8). Au total, quelques grandes id�es dont il reste � fixer les modalit�s d'application. A moins que les �lus, qui sont appel�s � se prononcer, ne rejettent en bloc le r�sultat de ces travaux.

Le 16 juin 1975, devant le Comit� �conomique et social et le Conseil r�gional r�unis, Libert Bou pr�sente sa � charte� (70 feuilles dactylographi�es sous une couverture bleue) au palais Lantivy d'Ajaccio. Dans l'h�micycle trop petit on se serre sur les bancs. Au premier rang, les chefs de clans. L'importance de la journ�e n'�chappe � personne, mais visiblement les �lus font grise mine. Le document qu'ils ont entre les mains a �t� �labor� sans que f�t demand� leur avis; pire encore, on y sent l'influence de la contestation. Ne trouve-t-on pas dans le pr�ambule le mot cl� de � peuple corse � si cher aux autonomistes?

Ce texte r�v�le une excellente interpr�tation du probl�me; l'analyse de la situation ne manque pas de finesse. En filigrane, il avance des propositions hardies. � Il s'agit, y est-il �crit, de faire d�finir par les Corses eux-m�mes une politique du d�veloppement �conomique permettant de concilier les exigences du pr�sent avec les valeurs fondamentales du pass�... En Corse, cette crise de croissance se traduit par des d�s�quilibres graves, g�n�rateurs de tensions sociales, �conomiques et politiques contradictoires.

Il conviendra d'y rem�dier en orientant le d�veloppement �conomique dans un sens plus conforme aux besoins de l'�le, de sa population et surtout de sa jeunesse �. Libert Bou tente de m�nager les susceptibilit�s. � Cette charte, dit-il, doit �tre la v�tre, il ne s'agit pas pour vous de l'accepter en bloc, mais de l'amender, la modifier et, le cas �ch�ant, la compl�ter. Ensuite, je me fais fort de la faire accepter par le gouvernement. � Ces paroles conciliatrices ne r�chauffent pas l'atmosph�re. On se quitte sans d�bat; apr�s avoir pris rendez-vous, avec le Comit� �conomique et social (C.E.S.) pour le 24 juin suivant, avec le Conseil R�gional pour le 4 juillet.

La journ�e du 24 juin sera plus int�ressante. Le Comit� �conomique et social - qui regroupe les repr�sentants des organisations professionnelles, des Chambres de Commerce et des organismes sociaux - diss�que longuement le texte et l'enrichit de nombreuses donn�es. Le rapport de synth�se, pr�par� par le journaliste Paul Silvani (10), marque sans doute l'apog�e de la � charte de d�veloppement � de l'�le. Paul Silvani, journaliste au Proven�al Corse, et correspondant du Monde en Corse, conna�t bien son �le, ses points forts, ses points faibles; il sait aussi que la situation pr�sente r�clame des solutions audacieuses. Son rapport, qui sonne comme un cri d'alarme, est un cri d'espoir.

La charte, compl�t�e par le C.E.S., se d�clare en faveur d'un tourisme qui sauvegarde les sites et l'identit� culturelle, et qui favorise la promotion des initiatives locales. Le rapport met l'accent sur la ma�trise fonci�re et sur l'aide � l'h�tellerie familiale. La r�novation rurale et le d�veloppement de l'int�rieur de l'�le font aussi l'objet de propositions pr�cises. Il invite encore � la cr�ation d'une �cole h�teli�re. En ce qui concerne le secteur industriel, la charte pr�conise la cr�ation d'entreprises diversifi�es, de petites unit�s non polluantes. Enfin, elle pose le probl�me de la corsisation des emplois et retour prioritaires des Corses du continent.

Libert Bou y fera r�f�rence au lendemain d'Al�ria : � Je dois souligner, expliquera-t-il dans une interview � Kyrn, que le Comit� �conomique et social avait mis un pr�ambule politique � la charte, un pr�ambule qu'il faudrait relire maintenant. � Que dit Paul Silvani? Que les cons�quences du malaise corse � peuvent �tre irr�ductibles, du seul point de vue de la paix civile, si le pouvoir ne se r�sout pas � parler de probl�mes politiques.

La charte, poursuit-il ne saurait en aucun cas constituer une fin en soi. Si l'on d�sire qu'elle atteigne ses objectifs, il importe absolument de mettre en place des institutions nouvelles et originales par l'�lection du Conseil R�gional au suffrage universel et � la proportionnelle... et de mettre un terme � la pratique institutionnalis�e de la fraude �lectorale. Ce qui vient d'�tre dit doit avoir pour le gouvernement la valeur d'une solennelle mise en garde�.

Libert Bou dans sa r�ponse esquive le probl�me. Il n'est pas l� pour �a. Quant au Conseil R�gional, le 4 juillet, il ne tiendra pas compte de l'avertissement de Paul Silvani. Pas question de parler politique. Il supprimera m�me les mots qui le g�nent, comme � peuple corse �. A l'issue de leur r�union, les conseillers r�gionaux votent un texte �dulcor�, banalis� � l'extr�me. Les quelques propositions �conomiques int�ressantes �mises par le C.E.S. sont balay�es. A leur mani�re, les clans ont ainsi pris leur revanche.

Huit jours apr�s, le conseil des ministres et le Comit� interminist�riel d'am�nagement du territoire avalisent la charte de d�veloppement de la Corse. La � charte�, ? Le mot semble trop solennel � Jacques Chirac, alors premier ministre. Il rebaptise le texte � programme �. 25 millions sont d�bloqu�s imm�diatement, � titre exceptionnel, pour permettre d'engager les onze op�rations d'am�nagement retenues.

Le Conseil R�gional a inscrit en priorit� l'universit�, un plan de r�novation rurale, l'am�nagement urbain et suburbain d'Ajaccio, de Bastia et de Bonifacio; l'am�nagement touristique, industriel et hydraulique... Enfin, le gouvernement annonce son intention de consacrer, en 5 ans, 250 millions de francs au d�veloppement de � l'�le de Beaut� �. A regarder de plus pr�s les diff�rentes op�rations pr�vues, les Corses d�couvrent, avec stupeur, que � leur � charte n'est en fait qu'une version quelque peu remani�e du sch�ma d'am�nagement de l'�le, refus� en 1971 par les autonomistes.

Les r�formes � tout va, � la mani�re Giscard ont d�j� fait leur temps. Le pouvoir a si peu appr�ci� les m�thodes de son envoy� sp�cial qu'il d�cide, tout simplement, de le mettre � la retraite. Le 5 f�vrier 1976, et par un d�cret minist�riel, il est mis fin aux fonctions de Libert Bou.

Deux mois avant, Libert Bou avait lanc� une derni�re fois, � l'adresse du gouvernement, un avertissement d�sesp�r� : � Il faut appliquer la charte, rien que la charte, mais toute la charte! � Le nouveau pr�fet de la Corse, Jean-�tienne Riolacci - qui, dit-on, n'accepta sa nomination dans l'�le qu'� la condition que Libert Bou soit �cart� - r�pondra � cet appel lors de l'ouverture de la session des assembl�es g�n�rales, le 3 f�vrier 1976. � La charte, dit-il, est une base sur laquelle on s'appuie ou un horizon vers lequel on tend. Il ne faudrait point en faire une Bible... Bref, ce serait p�cher contre l'esprit de s'en tenir au slogan de la charte, toute la charte, rien que la charte. � La cause est entendue.

Lettre de Libert Bou, charg� de mission du gouvernement � Jean Mannarini, dirigeant de l�Action pour la Renaissance de la Corse (ARC)



R�PUBLIQUE FRAN�AISE
Libert� . �galit� . Fraternit�

Mission Interminist�rielle
pour l'Am�nagement et l'�quipement
de la Corse

D�cret du 7 f�vrier 1975 N 75-81

LE PR�SIDENT DE LA MISSION
D�l�gu� au D�veloppement �conomique
de la Corse
LB/LG- CAB. N� 75/ 98
Paris, le 1 8 JUIN 1975

Monsieur MANARINI
Directeur G�n�ral des Ets. MATTEI
Route du Cap Toga
20200-BASTIA

Cher Monsieur,

Par ses divers communiqu�s, l'ARC continue � me pr�ter le propos suivant : "M. BOU a affirm�, "lors d'une r�union de la JCE de BASTIA, que 200 000 Corses " autonomistes ne pourront jamais faire modifier la Constitution" Cette affirmation qui est s�par�e de son contexte lui donne une allure de d�fit ou de provocation qui ne traduit absolument pas le fond de ma pens�e.

Le mouvement autonomiste est un mouvement l�gal et je respecte ses opinions. J'ai pris des contacts avec lui parce que je consid�re que nos �changes de vues sur le plan �conomique pourraient �tre utiles � la Corse.

Sur le plan politique, je n'ai exprim� qu'un point de vue strictement personnel, � savoir que je doutais de la possibilit� d'obtenir pour une petite fraction des 52 millions de fran�ais une modification de la Constitution, car cela poserait d'autres modifications du m�me genre, en faveur d'autres collectivit�s r�gionales et mettrait en jeu l'unit� m�me de la R�publique fran�aise.

Par contre j'ai beaucoup insist� sur les possibilit�s qu'offraient les textes sur la r�gionalisation dans le cadre de la Constitution actuelle. Possibilit�s qui n'avaient pas �t� exploit�es � fond pour r�soudre le probl�me Corse sur le plan politique..

Pourriez-vous contribuer � r�tablir la v�rit� de mes propos parmi vos amis. Je vous laisse le soin de choisir le moyen qui vous conviendra pour effectuer la mise au point n�cessaire.

Je vous en remercie � l'avance et vous prie de croire � mes sentiments les plus cordiaux.


Libert Bou

Le pr�ambule de la Charte de d�veloppement �conomique de Libert Bou


� De toutes les r�gions fran�aises, la Corse, � cause de son insularit�, est celle qui pr�sente l'unit� g�ographique naturelle la plus �vidente. Elle est la seule qui n'ait jamais subi de modification territoriale due i l'action des hommes.

� cause de son caract�re montagneux et de l'extr�me cloisonnement de ses vall�es transversales, elle offre, en outre, le spectacle d'une extr�me division g�ographique en micro-r�gions fortement individualis�es.

Cette contradiction fondamentale n'a pas manqu� d'agir, � la fois sur l'histoire du peuple corse qui a su garder son originalit�, sa culture et, sa langue, et sur son d�veloppement �conomique g�n�rateur de d�s�quilibres graves et de situations contrast�es.

Unit� et division extr�mes, tel est le paradoxe fondamental qui fait qu'en Corse rien n'est simple et que toute d�cision des Pouvoirs publics en vue de r�soudre ce que, de tout temps, on a appel� le � probl�me corse � doit, pour n'�tre pas contest�e, tenir compte de cette contradiction et s'inscrire dans une politique traduisant les aspirations profondes de l'�le.

Il ne s'agit donc pas aujourd'hui d'adopter un plan technocratique �labor� dans l'abstrait ou un nouveau sch�ma d'am�nagement, il s'agit de faire d�finir par les Corses eux-m�mes une politique du d�veloppement �conomique permettant de concilier les exigences du pr�sent avec les valeurs fondamentales du pass�.

Concevoir le d�veloppement �conomique pour l'homme, au lieu de soumettre l'homme � ce d�veloppement, telle est, par ailleurs, la le�on que les hommes politiques et les �conomistes tirent de la crise de croissance qui affecte aujourd'hui le monde occidental dont la Corse fait partie.
En Corse, cette crise de croissance se traduit par des d�s�quilibres graves, g�n�rateurs de tensions sociales, �conomiques et politiques contradictoires. Il conviendrait d'y rem�dier en orientant le d�veloppement �conomique dans un sens plus conforme aux besoins de l'�le, de sa population, et surtout de sa jeunesse.
Or, les jeunes Corses, qui autrefois s'expatriaient volontiers, veulent d�sormais gagner leur vie en Corse m�me, sans renoncer pour autant � vivre une vie de qualit� dans une �le dont les beaut�s naturelles ont �t� miraculeusement sauvegard�es par leurs habitants en face d'un monde saccag� par l'urbanisme � outrance et la pollution.
La mise en valeur du pays doit donc �tre conduite avec le souci majeur de sauvegarder son originalit� et de permettre aux jeunes Corses de trouver, sur place, des emplois nouveaux correspondant � leurs aspirations, l� leurs qualit�s d'intelligence ou d'habilet� manuelle et � leur culture. � cet �gard, la recherche de la qualit� doit �tre pour la Corse une donn�e politique fondamentale.
Cette recherche syst�matique conduira � bannir les productions et les activit�s de masse pour tirer le meilleur parti possible de la diversit�
des terrains et sauvegarder ainsi les richesses naturelles de l'�le.

Extraits du rapport politique d'Edmond Simeoni au congr�s de l'ARC, le 17 ao�t 1975 � Corte.


Au cours de son discours tr�s radical o� il devait citer Che Guevara, le leader autonomiste avait pos� � l'assistance cette s�rie de questions qui d�montre soit que le probl�me corse n�a pas �volu� soit que les nationalistes n�ont pas �volu�.

Edmond Simeoni y cite la phrase de Libert Bou prise au contraire de sa signification et y justifie la violence clandestine.


1 - Y a-t-il un peuple corse?

2 - Ce peuple corse a-t-il droit � la vie?

3 - La Corse est-elle une colonie?

4 - La Corse doit-elle �tre d�colonis�e ?

5 - Faut-il cr�er des milliers d'emplois pour les jeunes Corses?

6 - Faut-il corsiser � 80 % la fonction publique et parapublique,
le secteur bancaire?

7 - Faut-il cr�er les conditions objectives du retour de nombreux
exil�s?

8- Faut-il donner � notre langue et notre culture tous les moyens techniques de leur sauvetage et de leur promotion?

9 - Faut-il revendiquer un bilinguisme int�gral, tant � l'�cole que dans les actes de la vie administrative?

10- Faut-il d�sali�ner Casabianda? Et rendre ses terres � la vocation communautaire de nos jeunes ruraux?

11 - Faut-il chasser les colons escrocs? Et rendre leurs terres � la vocation communautaire de nos jeunes ruraux?

12- Faut-il chasser les promoteurs rapaces? Et rendre leurs terres � la vocation communautaire de nos jeunes attir�s par le tourisme?

13 - Faut-il �viter � tout prix les affrontements entre Corses?

14 - Faut-il oublier nos divisions pour une urgente et n�cessaire unit�
de combat?

15 - Devons-nous proscrire le racisme odieux, inutile, d�shonorant?

16 - Le peuple corse sous peu minoritaire chez lui, est-il en danger de mort?

17 - Le peuple corse priv� de tous ses biens est-il en l�gitime d�fense?

18- L'A.R.C. doit-il baisser les bras ou doit-il se battre pour un statut d'autonomie interne?

19- Pouvons-nous utiliser, de fa�on responsable, r�fl�chie, d�termin�e, tous les moyens qu'implique cette l�gitime d�fense?

20- Et, question de confiance, capitale,
- �TES-VOUS pr�ts � assumer la lutte dure, in�gale � nos c�t�s?
- �TES-VOUS pr�ts � nous soutenir financi�rement?
- �TES-VOUS pr�ts � nous donner les moyens d'une meilleure information?
- �TES-VOUS pr�ts � d�clencher des gr�ves et des manifestations de soutien si l'on nous emprisonne?
- �TES-VOUS pr�ts � continuer une lutte sans merci si l'on nous tue?

La clart�, la vigueur, l'ampleur, la foi de vos r�ponses ne sont pas une surprise pour nous, car nous n'avons jamais dout�. Aujourd'hui nous pouvons dire, sans grandiloquence inutile, que nous avons pris rendez-vous avec l'Histoire, que les lampions de la f�te s'�teignent et que l'on peut envisager sereinement la continuation des luttes.

I - Les buts de notre lutte.

Un statut d'autonomie interne avec la reconnaissance juridique du peuple corse. C'est la revendication de base globale non s�paratiste.
Des objectifs prioritaires � court terme, par ordre chronologique et
de pr�f�rence:
- Cr�ation de 3 000 emplois � cent pour cent corses;
- Corsisation � 80 % des emplois existants;
- Charte de retour des exil�s;
- Promotion de la langue et de la culture corses, bilinguisme;
- R�cup�ration des terres agricoles et touristiques;
- R�cup�ration du domaine de Casablanca.
Ces premi�res mesures sont 'ossature palpable de notre revendication globale.

2 - La strat�gie:

Nous allons nous battre � visage d�couvert.
Une telle lutte ne supporte pas l'improvisation, l'irresponsabilit�, elle implique une mobilisation n�cessairement lente de tous nos moyens, de toutes nos �nergies; elle implique une concertation large avec toutes les forces syndicales, socio-professionnelles, culturelles, �conomiques et naturellement les autres forces autonomistes.
- L'�tat et son r�gime;
- Non la France;
- Non le peuple fran�ais;
- Le colonialisme sous toutes ses formes.

4 - Les moyens:

Tous ceux dont dispose notre peuple et ceux qu'il saura cr�er par la lutte.


En conclusion:

Notre strat�gie, nos objectifs sont clairs; notre foi sublim�e par l'importance de l'enjeu est in�branlable; d�sormais notre lutte ne se contentera plus de promesses ou de demi-mesures. Avant d'en terminer, je veux effectuer:

1 - Une solennelle mise en garde � l'�tat colonialiste qui a cr�� de
toutes pi�ces la situation actuelle et qui doit la d�nouer conform�ment
aux int�r�ts de notre peuple.
- Une solennelle mise en garde aux provocateurs de tous ordres,
quelles que puissent �tre leurs motivations. Pas de cadeaux,
- Une solennelle mise en garde aux colonisateurs qui ont d�sormais
mang�. leur pain blanc, et � leurs hommes de paille, corses et non corses.

2 - Je veux effectuer un appel aux chefs de clans et � leurs partisans qui ne doivent voir dans nos actions aucune menace physique contre leurs biens ou contre leurs personnes. Toute autre interpr�tation serait volontairement erron�e et porterait en elle le germe des affrontements fratricides, inutiles et enfin, profitables aux v�ritables ennemis de la Corse.
- Je veux effectuer un appel � nos fr�res corses qui sont par n�cessit� dans les forces de r�pression et qui peuvent dans certaines circonstances particuli�res refuser de tuer leurs fr�res ou de mourir des mains de ceux-ci.

3 - Je veux effectuer un appel solennel et respectueux au pr�sident: de la R�publique dont l'intelligence doit lui permettre d'appr�hender la r�alit� et la nature politique du probl�me corse, r�alit� et nature qui lui sont masqu�es par trop de conseillers int�ress�s.., ou mal inform�s.
La dissolution intempestive et inutile de l�A.R.C. n'aurait d'autres r�sultats que de pr�cipiter des milliers de militants, parfaitement connus et luttant l�galement, dans une clandestinit� f�roce, tragique, inutile.

� Libert bu, qui a parfaitement compris la nature politique du probl�me comme il l'a dit � plusieurs reprises, mais qui n'a pas les moyens de le r�soudre, � Libert Bou qui a dit publiquement � un repas de la jeune chambre �conomique de Bastia: � M�me 200 000 Corses autonomistes ne sauraient faire modifier la constitution �, fermant ainsi la porte � la voie l�gale, nous r�pondrons par la phrase d'un r�volutionnaire sud-am�ricain c�l�bre : � Un r�volutionnaire ou il gagne, ou il meurt �.


Quelques jours plus tard �clatait le drame d�Aleria.

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