La Corse sous la loupe des m�dias
Les m�dias ont ind�niablement une responsabilit� dans la mani�re dont progressent l�actualit� en Corse. Comme dans la plus m�diocre des banlieues parisiennes, il suffit qu�une voiture br�le et qu�elle devienne la une de l�actualit� pour que dix, vingt imb�ciles masqu�s se mettent � br�ler des voitures. Les �v�nements de Luri, caus�s � l�origine par une bande de jeunes d�sirant se venger d�un brigadier de gendarmerie, ont �t� ensuite � valoris�s � par la justice anti-terroriste et utilis�s par des nationalistes. Il n�en a pas fallu plus pour que cela devienne des symboles d�une � �le au bord de la guerre civile �.
Or la tr�s grande majorit� de la population corse observe cette mont�e en puissance de l�imaginaire m�diatique avec effroi et �tonnement. Nous prenons ici deux exemples, celui du Parisien qui sous un titre racoleur � Luri : le coup mont� des nationalistes � raconte au contraire la banalit� d�une bande de jeunes d�linquants, devenus � terroristes � par la faute de l�anti-terrorisme et de la complicit� d�une minorit� du village. L�article est juste et honn�te mais l�intention du titre ne l�est pas et d�ailleurs parait oubli� dans le corps du texte.
Le Figaro, d�sirant venger Christine Clerc, d�crit au contraire et contre toute vraisemblance l�exemple d�une Corse, rebelle � tout, et surtout tr�s co�teuse. Voil� donc la sempiternelle ritournelle de l��le-danseuse qui revient sur le devant de la sc�ne sans que cela r�gle en rien le probl�me corse.
Le Parisien 16 septembre
Luri : le coup mont� des nationalistes
Les deux jeunes mis en examen consid�rent que les manifestations organis�es autour de la gendarmerie de Luri rel�vent d'une manipulation grossi�re de la part des nationalistes.
Les gendarmes n'ont pas �t� les seuls � d�plorer les manifestations houleuses qui se sont d�roul�es autour de la caserne de Luri (Haute-Corse). De mani�re plus surprenante, les deux jeunes, soup�onn�s d'avoir particip�, dans la nuit du 3 au 4 septembre, � deux jets de cocktail Molotov � l'int�rieur de cette gendarmerie, d�noncent � leur tour l'exploitation politique de ce dossier. Anthony Motta, 19 ans, boucher, et Laurent Adjaeff, 22 ans, chef de rayon, �crou�s samedi, se d�solidarisent des militants venus les soutenir : � L'un des mes clients ne conna�t m�me pas le nom de Jean-Guy Talamoni ! soutient M e S�bastion Bono, avocat des deux mis en examen. Ils n'appartiennent � aucun mouvement politique et lancent un appel au calme afin que le juge d'instruction fasse son travail le plus sereinement possible. �
L'action prend une autre tournure
Suite au placement en garde � vue de sept personnes, dans le cadre de cette affaire, une premi�re manifestation, emmen�e par deux figures nationalistes, Jean-Guy Talamoni et Edmond Simeoni, d�non�ant les m�thodes muscl�es des gendarmes, avait d�bouch� sur le cadenassage de la caserne. Le deuxi�me soir, suite au transfert, � Paris, de Motta et Adjaeff, un second attroupement s'�tait sold� par de nouveaux jets de cocktail Molotov � l'int�rieur de la gendarmerie. Une troisi�me manifestation s'est d�roul�e dans le calme. Terroris�es, les familles ont quitt� la caserne, alors que les six militaires affect�s � Luri ont demand� leur mutation.
Toutefois, selon les deux mis en examen, l'aspect politique du dossier rel�ve d'une manipulation grossi�re. Tout commence en juillet. Anthony Motta est verbalis� par un gendarme de Luri, alors qu'il conduit sans permis. Quelques jours avant la nuit du 3 au 4 septembre, deux personnes, actuellement en fuite, leur sugg�rent de faire quelque chose contre le gendarme verbalisateur. Au d�but, il est question de s'attaquer... au jardin du militaire, � l'aide de d�sherbant. Ce qui est fait. Cependant, vers 22 heures, l'action prend une autre tournure. Le commando se retrouve dans un bar de Luri, o� une seconde op�ration est d�cid�e. Selon les d�clarations de Motta et Adjaeff, le groupe se scinde en deux �quipes. Adjaeff tient un briquet pendant que son complice inscrit des slogans nationalistes sur le mur. Motta allume, lui, le cocktail Molotov balanc� au-dessus du mur.
Ce dernier n'aurait pris connaissance des graffitis ind�pendantistes que le lendemain matin, une demi-heure avant les gendarmes... Le mat�riel du parfait terroriste (gants, cagoules, bouteille de white-spirit...) retrouv� au domicile de l'un d'eux, aurait �t� laiss� par l'un des deux suspects en fuite. Ces arguments cadrent �videmment avec la strat�gie de d�fense des mis en examen, qui r�clament un traitement de droit commun de leur dossier : � Ils ne fuient pas leurs responsabilit�s, assure M e Bono, mais contestent que les faits reproch�s soient en relation avec une entreprise terroriste. � Cette version discr�dite aussi le soutien marqu� des nationalistes � ces deux h�ros qui disent ne pas les conna�tre... De son c�t�, le ministre de l'Int�rieur, Nicolas Sarkozy, a d�clar� que la gendarmerie de Luri ne fermerait pas et que seraient interpell�s � tous ceux qui auront un comportement contraire � ce qu'un �tat de droit exige �.
Le gouvernement essuie de vives critiques pour ses h�sitations en Corse, mises en lumi�re, selon ses d�tracteurs, par trois jours cons�cutifs d'incidents entre villageois et gendarmes � Luri (Haute-Corse). Le d�put�-maire (PRG) de Bastia, �mile Zuccarelli, s'est dit � choqu� par l'image donn�e de la Corse d'une part, de l'action de l'�tat d'autre part �, regrettant � que les pouvoirs publics n'aient pas (...) agi de fa�on plus lisible. � Le Parti socialiste a critiqu� l'absence, dans le dossier corse, du ministre de l'Int�rieur, Nicolas Sarkozy, qui s'en tient � � des d�clarations de matamore � et a appel� le gouvernement � red�finir un plan sur la Corse. Il r�gne � un d�sordre g�n�ralis� dans les esprits �, a constat�, de son c�t�, Jos� Rossi, pr�sident (UMP) de l'Assembl�e de Corse.
(source Christophe Dubois, Le Parisien , mardi 16 septembre 2003
Le Figaro 16 septembre 2003
Corse : la folie au quotidien
par Jean Chichizola
Deux mois apr�s l'�chec du r�f�rendum, la prise d'assaut d'une gendarmerie illustre la banalisation de l'extr�misme dans une �le � la d�rive
Nicolas Sarkozy a affirm� hier que les gendarmes resteront au village de Luri, au cap Corse, et que d'autres interpellations auront lieu, malgr� les graves incidents provoqu�s par des sympathisants ind�pendantistes (nos �ditions d'hier). �Il n'est pas question que les gendarmes quittent ce village de Luri. Les gendarmes resteront�, a dit le ministre de l'Int�rieur.
Un v�hicule mitraill� pour un article du Figaro et un cocktail Molotov pour un contr�le routier. En dix jours, les attentats de Tolla (Corse-du-Sud) et de Luri (Haute-Corse) sont venus rappeler que, loin de ne concerner que les encagoul�s et les actions �politiques� ou pr�sent�es comme telles, la violence, dirig�e � la fois contre les continentaux et les Corses �mal pensants�, atteint des sommets.
Apr�s les interpellations de jeunes soup�onn�s d'avoir attaqu� la gendarmerie de Luri, les leaders nationalistes ont mis en avant la �disproportion� entre les moyens utilis�s et les faits reproch�s. S'il est une disproportion dans cette affaire, elle r�side plut�t dans le d�calage entre l'ultraviolence de la riposte et la banalit� des faits initiaux.
L'agression contre la gendarmerie de Luri et ses occupants met la d�rive en pleine lumi�re. Le drame se noue il y a quelques semaines au cours d'un contr�le routier ordinaire. Le ton monte, les insultes contre les gendarmes fusent et des poursuites pour �outrage � agent public et r�bellion� sont engag�es contre leur jeune auteur. �Des affaires d'outrage, pr�cise aujourd'hui un gendarme, constituent notre quotidien en Corse comme ailleurs. Et cet incident n'avait rien de particulier.� Il va pourtant avoir des cons�quences singuli�res.
Dans la nuit du 3 au 4 septembre, un cocktail Molotov lanc� contre la petite gendarmerie de Luri d�truit partiellement un v�hicule de service. Cette �affaire de gosses�, pour reprendre l'expression de Jean-Guy Talamoni, n'est pas aussi b�nigne que le souhaiterait le responsable nationaliste. Les six gendarmes de Luri ne vivent pas seuls : leurs �pouses et leurs enfants, douze au total, sont pr�sents. Si les militaires savent qu'ils constituent des cibles faciles et presque habituelles pour les encagoul�s, ils redoutent qu'un jour un cocktail Molotov, un pain d'explosif ou un mitraillage ne touchent leurs proches.
Dans le contexte de tension grandissante entre le gouvernement et les nationalistes, les inscriptions relev�es sur les murs de la gendarmerie sont plus qu'inqui�tantes. �IFF (I Francesi Fora, Les Fran�ais dehors)�, Liberta per i patrioti, FLNC : autant de signes qui, pour les autorit�s judiciaires, justifient de confier le dossier au parquet antiterroriste de Paris. Les gendarmes sont co-saisis avec la division nationale antiterroriste comme pour la plupart des attentats perp�tr�s contre des gendarmeries. L'enqu�te avance vite. D�s le 11 septembre, les gendarmes sont pr�ts � l'intervention. L'op�ration est men�e par la brigade de Luri, aid�e de la brigade de recherches de Bastia et de la section de recherches d'Ajaccio.
L'homme qui a insult� les gendarmes d�but septembre avant d'�tre soup�onn� d'avoir lanc� des cocktails Molotov se fait donc cueillir. De source proche de la gendarmerie, on conteste la version des nationalistes, selon lesquels les militaires auraient agi avec violence contre des jeunes gens d�sarm�s. Les gendarmes parlent, eux, d'une op�ration �r�glementaire�. �On a parl� d'un chien d'attaque, pr�cise un militaire, mais il s'agissait d'un chien sp�cialis� dans la recherche d'explosifs dont la pr�sence �tait largement justifi�e au vu du dossier !�
Aux yeux de leurs assaillants, les gendarmes de Luri sont avant tout coupables d'avoir appliqu� la loi. Un point de vue partag� par les nationalistes mobilis�s avec une bonne partie du village, le conseil municipal poussant l'outrance jusqu'� formuler une demande de changement des effectifs de la brigade ! Vendredi, une �affaire de gosses� a de nouveau pris pour cible la gendarmerie de Luri. Un quart d'heure durant, le b�timent a �t� vis� par plusieurs cocktails Molotov et un caillassage en r�gle. Les agresseurs avaient pris le soin de dissimuler leurs visages.
De l'autre c�t� de la haine, derri�re le mur des b�timents attaqu�s, se terraient d'autres �gosses�, fils et filles des six gendarmes. Bilan de la nuit : les six militaires �taient hier toujours � leur poste, mais leur mutation ne fait gu�re de doute. Quant � leurs familles, elles ont pr�f�r� partir de leur propre initiative � bord de leurs voitures particuli�res, moins les trois v�hicules incendi�s par les assaillants. Dix jours plus t�t, Christine Clerc, journaliste au Figaro, voyait sa voiture mitraill�e pour avoir publi� un article sur une histoire �trangement semblable : celle d'un policier forc� au d�part apr�s qu'on eut fait sauter son v�hicule. En Corse, la haine remporte victoire sur victoire.
L'espoir �lectoral du gouvernement
Jean-Pierre Raffarin compte sur la campagne r�gionale pour faire reculer la violence
Guillaume Tabard
Tenir encore six mois. Apr�s l'�chec du r�f�rendum du 6 juillet, le gouvernement fait le pari qu'il sera possible de rouvrir le dossier de l'avenir politique de la Corse au lendemain des �lections territoriales du printemps 2004. �Je suis persuad� que le d�bat institutionnel pourra reprendre avec les assembl�es locales qui se mettront alors en place. Avec ces nouveaux �lus, nous pourrons travailler � un projet �Corse 2010�, d�clarait Jean-Pierre Raffarin dans son entretien au Figaro du 4 septembre.
En deux semaines, le premier ministre n'a pas chang� de position, m�me si l'attaque de la gendarmerie de Luri rend un peu plus improbable �le retour de la s�curit� et le respect de l'�tat de droit�, dont il faisait, dans ce m�me entretien, le premier pilier de sa politique corse. A ses yeux, les deux questions, s�curitaire et institutionnelle, restent pourtant li�es. �La campagne des r�gionales se fera sur le th�me : pour ou contre la violence�, confie-t-il souvent. De ce th�or�me, il en d�duit que plus les �lections approcheront plus les actions violentes reculeront. Au motif que la population sanctionnera ceux qui ne prendront pas clairement leurs distances avec de tels actes. Un pari optimiste. D'autant que le chef du gouvernement situe au mois de janvier le d�but de la campagne �lectorale.
Si l'on calcule bien, il ne faudrait plus attendre que trois � quatre mois pour que la tension se rel�che dans la r�gion insulaire. Quatre mois au cours desquels l'�tat doit malgr� tout d�montrer sa capacit� � se faire respecter. D�s samedi, Nicolas Sarkozy pr�venait que �l'action d�termin�e de l'�tat ne s'arr�terait pas�. Hier, en marge d'un d�placement � Lyon, le ministre de l'Int�rieur a enfonc� le clou : �La brigade de Luri ne fermera pas et nous interpellerons tous ceux qui auront un comportement contraire � ce qu'un �tat de droit exige. Ceux qui ne respecteront pas la loi en Corse, comme ailleurs, en rendront compte. Ils seront interpell�s et ils seront condamn�s.�
�D�clarations de matamore�, comme veut le faire accroire le socialiste Julien Dray ? Apr�s avoir �t� contraints d'approuver la politique corse du gouvernement, qui s'inscrivait peu ou prou dans la lign�e du Processus de Matignon, les anciens amis de Lionel Jospin tentent d'endosser � nouveau une tenue d'opposant.
Nicolas Sarkozy est bien d�cid� � ne pas donner prise aux critiques en affichant au plus vite des r�sultats. Apr�s neuf voyages en � peine plus d'un an, le ministre de l'Int�rieur a certes chang� de tactique. Ses vols r�guliers pour Ajaccio ou Bastia sont suspendus. M�me son d�placement pour r�installer la st�le en hommage au pr�fet �rignac, d'abord annonc� pour septembre, ne semble plus envisag� avant le mois d'octobre.
Mais, de la place Beauvau, il entend maintenir la pression. Il s'est r�joui des succ�s r�cents dans l'enqu�te sur l'assassinat de Claude Erignac avec notamment l'incarc�ration de Marc Simeoni. Hier, il se f�licitait �galement de ce que les deux jeunes qui avaient lanc� les cocktails Molotov contre la gendarmerie de Luri soient en prison. �A chaque plasticage, le but c'est d'interpeller les coupables et de les transf�rer devant la justice�, a-t-il conclu. Dans son entourage, on promet d'autres arrestations �dans les prochains jours�.
Pour l'heure, le gouvernement ne r�v�le pas quelle sera son attitude si de nouveaux succ�s policiers ne conduisent pas � une diminution des actes violents. Outre son attente des �lections locales de mars 2004, Jean-Pierre Raffarin veut prouver sa bonne volont� en s'engageant � poursuivre la mise en �uvre du plan d'investissement exceptionnel de deux milliards d'euros inscrits dans la loi Jospin-Vaillant de janvier 2002. Sur cette question au moins, les Corses gardent toute leur affection pour l'�tat...
Ce que l'�tat d�pense pour l'�le
Un effort public de 1,78 milliard
M. Vt.
La Corse co�te nettement plus cher � la collectivit� nationale que les autres r�gions. Avec ses 260 000 habitants, c'est la r�gion qui contribue le moins au produit int�rieur brut, avec un des PIB par habitant parmi les plus faibles du pays (18 652 euros en 2001 contre une moyenne nationale de 24 376 euros), qui a le plus faible taux d'actifs et la plus grande proportion d'assujettis aux minima sociaux. Elle ne r�ussit pas � surmonter les handicaps de l'insularit� et � rattraper ses retards en mati�re d'infrastructures, d'�quipements et de services � la population. L'effort public, en 2001, s'�levait � 1,78 milliard d'euros et tenait compte de toutes les sp�cificit�s de la r�gion (pauvret� de l'�conomie, fortes proportions d'emplois publics).
Le plus gros poste de d�penses est constitu� des salaires et retraites de la fonction publique (747 millions d'euros), dans une r�gion o� l'on compte plus de fonctionnaires que dans toute autre en France (92 fonctionnaires pour 1 000 habitants, pour une moyenne fran�aise de 76 pour 1 000 habitants). Un autre effort important porte sur le financement de la continuit� territoriale. La facture s'�levait � 152 millions d'euros. Il s'agit, entre autres, d'aides accord�es aux compagnies a�riennes et de navigation, en compensation des co�ts de transport dus � l'�loignement. �La Corse a des comp�tences particuli�res, elle a donc des dotations particuli�res�, explique un expert.
A cela, s'ajoutent enfin les aides � l'investissement. La part de l'�tat dans le contrat de plan �tat-r�gion 2000-2006 est de 956 euros par habitant (contre 285 euros en moyenne pour la m�tropole). Le �non� au r�f�rendum n'a aucunement remis en cause le plan exceptionnel d'investissement vot� par le Parlement d�but 2002, qui porte sur 2 milliards d'euros sur quinze ans. En 2001, la dette par habitant s'�l�ve � 365,2 euros en Corse, contre 128,5 euros en moyenne nationale.
Par ailleurs, les pr�l�vements fiscaux en Corse sont faibles. Les entreprises b�n�ficient, entre autres, d'un r�gime sp�cial sur la taxe professionnelle. En ce qui concerne la zone franche � qui permet des d�rogations fiscales et de charges sociales pour les entreprises�, Bruxelles et la France sont toujours en n�gociation sur la prolongation de ce syst�me. Les entreprises sont nombreuses � �tre �rackett�es, ce qui explique la fuite des investisseurs, malgr� toutes les exemptions dont ils b�n�ficient�, explique la derni�re �dition de L'�tat des r�gions fran�aises.
Objectif de ces d�penses particuli�rement importantes et de ces divers avantages : moderniser les routes, les chemins de fer, les h�pitaux, am�liorer l'acheminement de l'eau ou encore cr�er des centres de formation... Mais aussi, r�sorber le ch�mage � il s'�levait � 10,5% en d�cembre 2002 contre 9,1% en moyenne �, d�velopper le tourisme, ou encore attirer les entreprises. Bref, �� promouvoir le d�veloppement �conomique et social�, selon le texte de la loi de 1994 qui d�finissait le statut fiscal de la Corse.
Charles Pasqua : �Il faut que s'exprime la majorit� silencieuse�
Solidaire du gouvernement, l'ancien ministre de l'Int�rieur Charles Pasqua invite la �majorit� silencieuse� corse � sanctionner la logique de violence des nationalistes lors des �lections r�gionales de l'an prochain.
LE FIGARO. � Comment expliquez-vous la d�gradation profonde de la situation en Corse, dont t�moignent les graves incidents de Luri ? Charles PASQUA. � Ces incidents sont inacceptables, et rel�vent de la provocation. Cela veut dire que les dirigeants nationalistes ne savent plus trop o� ils en sont. Ils ont cherch� � faire une liste commune aux prochaines �lections r�gionales, mais ils n'y sont pas parvenus parce que certains ne veulent pas renoncer � la violence. Or ce sont les m�mes qui, le jour, dirigent les mouvements nationalistes et, la nuit, portent des cagoules.
Comme ancien ministre de l'Int�rieur, avez-vous d�j� eu � affronter des provocations aussi manifestes que celles que les forces de l'ordre ont v�cues ces derniers jours ? Nous avons d�j� connu ce type de situation, qui �volue de mani�re cyclique. A certains moments, on pense que les nationalistes ont retrouv� un peu de raison, � d'autres, on constate que les choses d�rapent. Cela peut s'expliquer par le fait qu'� intervalles r�guliers des dirigeants de ces mouvements se rendent compte que la violence ne d�bouche sur rien. Alors, ils semblent accepter les propositions faites par les gouvernements, l'int�gration dans le processus politique normal. Mais ils sont r�guli�rement d�bord�s par les plus extr�mistes, les plus radicaux, et je dirai m�me les plus fous.
Apr�s l'�chec du r�f�rendum en Corse, le premier ministre a indiqu� que le d�bat institutionnel sur la Corse �pourrait reprendre� apr�s les �lections r�gionales de 2004. Qu'en pensez-vous ? On ne peut pas reprendre le d�bat tout de suite. Je suis moi aussi d'avis de laisser passer les �lections r�gionales. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a choisi la r�forme institutionnelle comme un �l�ment permettant le dialogue avec les nationalistes les plus mod�r�s. Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy ont tr�s bien compris qu'une majorit� de Corses refusent l'aventure, et veulent rester au sein de la R�publique. Est-ce que cela doit interdire toute �volution ? Certainement pas. Il faut donc que le gouvernement conduise � la fois une politique de fermet�, pour remettre � la raison ceux qui d�fient l'�tat, et fasse �voluer les choses. Mais il y a un pr�alable � tout cela, c'est la volont� affirm�e d'abandonner toute forme de violence. Aucun �tat ne peut discuter avec des responsables qui refusent de condamner une minorit� qui veut imposer son point de vue par la force.
Ne serait-il pas plus clair de demander aux Corses s'ils veulent, oui ou non, prendre leur ind�pendance ? Je pense que 80% des Corses diraient non � l'ind�pendance tout simplement. Il faut d'ailleurs que la majorit� silencieuse s'exprime. Elle aura une belle occasion de le faire, � l'occasion des �lections r�gionales de 2004. Mais je reste convaincu, comme en 1995, qu'il faut poser aux Corses la question de fond : �Voulez-vous que chaque Corse trouve dans l'�le les moyens du d�veloppement �conomique et de l'�panouissement personnel ?� Si la r�ponse est oui, alors on pourra avancer. C'est l'int�r�t des Corses, et notamment pour pr�parer l'avenir des plus jeunes. Or qui va se d�cider � investir aujourd'hui dans l'�le ? Personne. Le gouvernement doit donc mettre chacun devant ses responsabilit�s. Pour cela, il dispose d'un atout consid�rable : la dur�e. Je n'ai donc pas d'inqui�tude � terme, car le gouvernement a la volont� de conduire une politique de fermet� et de dire aux nationalistes que, quoi qu'il arrive, il ne c�dera pas.
(Propos recueillis par Sophie Huet )
Les gendarmes laissent filtrer leur �ras-le-bol�
La l�gion de gendarmerie a subi une cinquantaine d'attentats et de tentatives ces deux derni�res ann�es
Ajaccio : Dominique Costa
�Si les choses ne se calment pas, je pense que je vais demander � ma femme de partir quelque temps chez ses parents avec les enfants.� Sous couvert d'anonymat, ce gendarme en poste � Ajaccio avoue craindre pour les siens. Assi�g�s par une centaine de manifestants qui ont cadenass� les grilles de leur cantonnement, vis�s par des jets de pierres et de cocktails Molotov, ses coll�gues de la brigade de Luri ont d�j� franchi le pas et mis leurs familles � l'abri. Certains pourraient recevoir leur mutation dans les jours � venir, apr�s des incidents qualifi�s de �tr�s graves� par leur ministre de tutelle, Mich�le Alliot-Marie. Sur l'�le, les militaires semblent aujourd'hui soucieux ne pas jeter de l'huile sur le feu.
Pour sa part, l'Union nationale des personnels retrait�s de la gendarmerie (UNPRG) a soulign� hier �le ras-le-bol� des gendarmes bas�s en Corse, auxquels elle apporte un �soutien inconditionnel�. Les gendarmes retrait�s �s'associent au �coup de gueule� du commandant de la l�gion de gendarmerie de Corse, le colonel Roland Gilles, qui d�nonce �la multiplication des attaques irresponsables contre ses troupes� et �les tentatives de banalisations de ces actes terroristes�.
Les �v�nements survenus dans le cap Corse la semaine derni�re ont marqu� les esprits et suscit� l'incompr�hension des gendarmes. �Il est �vident qu'un �pisode comme celui-l� vous porte � vous interroger sur votre m�tier et sur l'int�r�t de rester ici. Mais moi, ma femme est corse : qu'est-ce que je fais ? Je la force � s'exiler sur le continent avec les gosses ?�, confie l'un d'entre eux. Il ne se dit pourtant pas d�courag�, s'�l�ve contre le proc�s collectif trop souvent fait aux insulaires. �Tous ne sont pas des terroristes et j'ai m�me plut�t le sentiment que les gens honn�tes appr�cient le travail que nous faisons ici parce que c'est pour leur s�curit�.�
Tenus par un devoir de r�serve, peu acceptent de s'exprimer. Lorsqu'ils le font, quasiment tous �voquent l'�p�e de Damocl�s qui p�se en permanence sur leur t�te. Comme ce gendarme de Bastia qui relate les difficult�s de vivre dans une caserne sachant �que chaque nuit une charge peut exploser sous la fen�tre ou qu'une rafale peut �tre tir�e de l'ext�rieur�. Et ce, malgr� les mesures de protection prises apr�s l'escalade de la violence enregistr�e ces derni�res semaines.
Au lendemain de la victoire du �non� au r�f�rendum sur l'avenir institutionnel de l'�le � �chec politique pour les ind�pendantistes qui en rejettent d�sormais la responsabilit� sur le gouvernement �, de l'interpellation d'Yvan Colonna et du verdict du proc�s Erignac, les poseurs de bombes ont mis les bouch�es doubles. Consid�r�s comme des �forces d'occupation�, de �r�pression�, harcel�s depuis pr�s de trente ans, les gendarmes sont plus que jamais les victimes d�sign�es des nationalistes clandestins.
�Symbole de l'�tat� � au m�me titre que des magistrats qui, eux aussi, estiment leur vie menac�e �, la l�gion de gendarmerie de la Corse a essuy� ces deux derni�res ann�es une cinquantaine d'attentats et tentatives, dont 16 depuis janvier 2003. Perp�tr�es contre des casernes, ces actions visent �galement les biens personnels des militaires. Le fait d'�tre mari� � des Corses ne les met pas � l'abri d'un pain de plastic. En t�moignent les attentats qui, en juillet, ont ras� les villas en construction de deux gendarmes en fin de carri�re qui esp�raient prendre leur retraite � Ventiseri, dans le village de leurs �pouses. Alors que les clandestins n'h�sitent pas � frapper en plein jour, maintenant sur l'�le un climat d�l�t�re, le pire a jusque-l� �t� �vit�. Seuls des d�g�ts mat�riels sont � d�plorer. Reste que les forces de l'ordre ont d�j� pay� un lourd tribut � la violence �politique�. Depuis 1975, une douzaine de gendarmes et de policiers ont �t� tu�s en Corse.
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