Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Affaire Al�gre : malgr� la chaleur, l�enqu�te continue
Aug 8, 2003

Nous avons tenu � suivre cette affaire presque jour apr�s jour parce qu�elle nous para�t symptomatique d�une certaine situation sociale, m�diatique et morale de la France. Nous reproduisons ci-dessous les articles de la D�p�che.

� Le plus difficile, l'insupportable, c'est l'amalgame �


Elle passe sa main dans ses cheveux blonds et, naturellement, sourit. Tr�s vite, pourtant, le visage se ferme. � Parfois, j'ai envie de sourire mais au fond de moi, d�s que je pense � tout �a, que de souffrances� �.

La respiration de Dominique Lecocq, 60 ans, devient plus lourde. Sa voix tremble l�g�rement. Sa fille, Val�rie Tariote, avait 21 ans quand elle a �t� d�couverte morte dans son studio du quartier Jolimont � Toulouse, en f�vrier 1989. La police et la justice ont longtemps consid�r� que cette jeune femme, qui songeait au mariage, s'�tait suicid�e. Patrice Al�gre a r�tabli la v�rit� huit ans plus tard, un jour de d�cembre 1997, en avouant le meurtre aux gendarmes de la section recherches� Un d�chirement, un de plus, pour la maman de la victime et ses proches. Quatorze ans ont pass� depuis cette terrible v�rit�. La douleur reste intacte.

Lourdement handicap�e, Dominique Lecocq se d�place dans un fauteuil roulant. Chaque mouvement constitue une �preuve. Pourtant Dominique Lecocq est revenue � Toulouse. Pour ses amis, sa famille. Pour Val�rie aussi. Quoi qu'il en co�te. Sa peine illustre aussi la douleur sans fond des familles victimes de Patrice Al�gre. Des parents, des proches qui ne sont pas �pargn�s par les rebondissements de la deuxi�me affaire Al�gre qui a remis � la Une de l'actualit� le tueur de leur enfant.

Entretien exclusif avec une m�re meurtrie qui esp�re toujours � apprendre la v�rit� �.

Quel sentiment vous procurent les d�veloppements actuels de la deuxi�me affaire Al�gre ?

Du d�go�t ! Et l'impression que ce gar�on aux facettes multiples a �t� exploit�. Des gens se sont servis de lui, d'un tueur qui a v�cu des vies tr�s diff�rentes. Le Patrice Al�gre tueur de prostitu�es, ex�cuteur des basses �uvres, n'est pas celui qui a �trangl� ma fille.

Val�rie et Patrice Al�gre se connaissaient.

Ils avaient travaill� ensemble au bar de la gare Matabiau, � Toulouse. Un job comme un autre pour ma fille. Ils avaient sympathis�. Quelques semaines avant sa mort, je faisais les magasins avec Val�rie, � Toulouse. Rue Alsace-Lorraine, nous avons crois� Al�gre. Elle me l'a pr�sent�. Ce qui m'a frapp�, ce sont ses yeux. C'�tait un bel homme. Ils ont discut� quelques minutes. Apr�s, je me souviens que Val�rie m'a dit : � Tu te rends compte, il a juste 20 ans et il va bient�t �tre p�re �. Elle semblait l'appr�cier.

Les cons�quences de cette relation ont �t� terribles.

L'annonce de la mort de Val�rie a �t� �pouvantable. Je l'avais eue au t�l�phone quelques jours auparavant. Elle tremblait, semblait tr�s inqui�te. Elle m'a dit sa peur. Je ne comprenais pas (lire ci-dessous). Elle aurait �t� � Paris, j'aurais pris ma voiture. L�, depuis la Belgique� Je ne me pardonne pas de ne pas avoir saut� dans un avion. Elle a �t� assassin�e quelques jours plus tard�

L'enqu�te a conclu au suicide.

Je ne l'ai jamais accept�. Avec mon fr�re et ma belle-s�ur, nous nous sommes battus avec les policiers, avec les juges. C'est une honte. Une parodie d'enqu�te. Une autopsie indigne. Rien ne collait. Pourtant personne n'a voulu nous entendre. Ni les policiers, ni plusieurs juges. Ce vrai scandale d�bouche sur une s�rie de crimes. Moi je n'oublie pas les autres victimes d'Al�gre. Celles que l'on conna�t et toutes les autres� Elles ne devraient pas exister.

Ces derniers mois, Al�gre est revenu � la Une de l'actualit�. Est-ce une douleur suppl�mentaire ?

Une douleur � laquelle je ne peux pas �chapper. M�me en Belgique, que ce soit � la t�l�vision, � la radio, dans les journaux, tout le monde en parle. Avec beaucoup d'erreurs et d'inepties. Le plus difficile, l'insupportable, c'est l'amalgame r�alis� par certains. Ils m�langent tout. Ma fille n'�tait pas une prostitu�e. Al�gre n'a pas toujours �t� le m�me individu. Il a connu diff�rents stades dans sa vie de d�linquant et de tueur.

Croyez-vous aux accusations qui sont port�es aujourd'hui ?

Comment tout cela pourrait-il �tre invent� ? Y en a de trop. Aux gendarmes et � la justice de faire leur travail.

Avez-vous confiance en la justice ?

Absolument pas.
Cette histoire n'ira pas au bout. Certains paieront pour tous les autres mais on ne saura jamais la v�rit�, toute la v�rit�




� Patrice Al�gre n'a pas dit toute la v�rit� sur la mort de Val�rie �


Il y a eu le proc�s, l'an dernier auquel Dominique Lecocq, tr�s malade, n'a pu assister. � Ma belle-s�ur me t�l�phonait deux fois par jour pour me raconter �. Il y a la lettre qu'Al�gre a �crite � la m�re de Val�rie comme � toutes les familles parties civiles au proc�s. � Il n'y dit rien. Juste qu'il ne se souvient pas, qu'il a d�goupill�, qu'il est d�sol� �. Et il y a, aussi, les questions que Dominique Lecocq se pose, toujours. � Je suis convaincue, et ma belle-s�ur �galement, que Val�rie n'a pas �t� tu�e comme l'a racont� Patrice Al�gre. Trop de choses ne collent pas �.

� Val�rie s'entendait bien avec Patrice. Je crois qu'elle l'appr�ciait. Que s'est-il pass� ? Lui a-t-il confi� des secrets ? A-t-elle vu quelque chose ? Le soir o�, au t�l�phone, elle m'a dit sa peur, elle m'a dit que je ne pouvais pas comprendre, qu'elle m'expliquerait plus tard� Val�rie �tait une jeune femme tr�s pudique. Elle aimait recueillir les confidences des uns et des autres mais restait toujours tr�s discr�te. Est-ce �a qui l'a tu�e ? �.

� Al�gre sait. Il n'a pas oubli�. C'est impossible. A-t-il ex�cut� Val�rie sur commande ? Je ne sais pas. Mais seule la v�rit� me permettra enfin de refermer cette histoire. Seule la v�rit� me permettra de gagner un peu de paix int�rieure, de faire enfin le deuil de Val�rie �. J.-C.

Patricia libre et d�termin�e � se battre pour la v�rit�


C'est une femme libre et qui rit. Heureuse. � J'ai retrouv� la libert� et ma t�te s'est mise � tourner� Quand on passe pr�s de deux mois enferm�e 20 heures sur 24 dans une cellule de 10 m�tres carr�s, c'est assez difficile. Maintenant j'ai rejoint ma famille, mes enfants, mes fr�res, mes s�urs. �a va� �. Patricia respire le soleil du B�arn et elle sourit en laissant derri�re elle la prison de Pau.

Hier matin, le juge d'instruction toulousain Thierry Perriquet a donn� son feu vert � la remise en libert� de cette femme incarc�r�e depuis le 19 juin apr�s sa mise en examen pour � complicit� de d�nonciation de crime ou d�lit imaginaire et t�moignage mensonger�. La justice reprochait � � cette m�re de famille � l'origine des r�v�lations de la deuxi�me affaire Al�gre d'avoir influenc� Djamel. Ce travesti d'origine ha�tienne, un peu paum�, avait provoqu� une sacr�e temp�te fin mai. Sur TF1 puis France 2, il avait port� des accusations graves, �voqu� des soir�es sadomasochistes impliquant des enfants et des notables. Apr�s les m�dias, Djamel avait fait courir les gendarmes de la section recherches. Des v�rifications � La Rochelle et Toulouse n'avaient rien donn� L'histoire s'�tait termin�e par sa mise en examen. Il avait alors � charg� � Patricia, vieille connaissance de gal�re.

� Je tiens la route �


Aujourd'hui les deux t�moins sont libres. Seul, Djamel se pose des questions (lire ci-contre). Patricia, entour�e des siens, pense surtout � l'anniversaire de son fils : � Il a eu 9 ans le 1er ao�t. J'�tais en prison. Triste anniversaire. Ce soir (hier N.D.L.R.) tous ensemble, nous allons souffler les bougies. La f�te sera belle �. La joie de retrouver ses proches ne gomme pas tout. Patricia n'oublie ni sa d�tention, ni les dossiers toulousains. � Je tiens la route. Avec mes avocats, j'irai jusqu'au bout �.

Elle pr�f�re s'arr�ter l�. Trop parler lui a jou� des tours et co�t� plus de six semaines de libert�. D�sormais elle laisse son avocat, Me Rapha�l Darrib�re, �voquer les dossiers : � Patricia a �t� tr�s longuement d�tenue dans une affaire p�riph�rique alors que, depuis le d�part, elle a aid� les enqu�teurs et la justice � progresser dans leurs investigations. Sa volont�, son courage et sa d�termination sont intacts. La semaine derni�re, une nouvelle fois, elle amaintenu ses accusations contre Dominique Baudis, Patrice Al�gre et Lakhdar Messaoud�ne devant lejuge Bergougnan" pr�vient l'avocat.

Personne ne sait aujourd'hui ce que va devenir ce dossier de faux t�moignage o� Dominique Baudis, s'est constitu� partie civile. L'affaire pourrait se conclure devant le tribunal correctionnel. Auparavant, il faudra que les autres dossiers progressent. La semaine prochaine, Lakdhar est attendu par le juge Lemoine.

Dans 15 jours, Patrice Al�gre doit revenir s'expliquer. L'instruction de la deuxi�me affaire Al�gre ignore la tr�ve estivale


Jean COHADON.




Djamel, libre et toujours aussi paum�



Nerveux, il tire sur sa cigarette, les yeux dans le vague. Hier � 14 h 20, Djamel, alias Sacha pour ses amis, Pierre-Olivier pour l'�tat civil, a quitt� la maison d'arr�t de Perpignan apr�s plus de deux mois de d�tention.�Dans un dossier o� jamais il n'aurait d� �tre incarc�r� �, estime son nouvel avocat, Me Pierre Le Bonjour. L'int�ress�, �g� officiellement de 23 ans, ne sait pas. � Quand je me suis retrouv� en prison, j'ai cru que c'�tait la fin de ma vie. J'avais l'impression que je ne sortirais jamais...�

Une bouff�e de blonde suppl�mentaire et la voix se trouble. Pendant sa d�tention, son copain a choisi de partir. � Il a eu peur de me rejoindre en prison. Il a tout laiss�, m�me notre appart. Je suis � la rue... �

La rupture apr�s trois ans � de gal�re mais aussi d'amour �, plus que ses deux mois de prison, p�se sur le moral.

Djamel, pourtant, ne regrette rien de ses d�clarations de la fin mai. Il affirme, encore, avoir subi des agressions sexuelles dans son enfance. Il cite des noms, accuse ses parents adoptifs. Le dossier Al�gre s'�loigne. Tout se m�lange. Quel cr�dit peut-on donner � ses accusations ? Son dos, marqu� de traces de br�lures de cigarettes et de coups de ceinture (?) d�montrent une vie pass�e terrible. � Toulouse, dans des maisons bourgeoises lors de parties sadomasochistes ? Ailleurs ? Trop de douleur pour savoir.

Djamel ne sait pas ce qui l'attend demain. La justice ? � Je ne lui accorde pas beaucoup de cr�dit. Je dois faire ma vie...� Il esp�re pouvoir changer de sexe, vivre tranquille mais n'y croit pas. �Un accident est si vite arriv�...�. Le sourire est forc�. Son avocat attend les pi�ces du dossier pour �forger son opinion�.

Le juge Thierry Perriquet n'a pas d�voil� ses intentions. Le contr�le judiciaire n'est pas tr�s contraignant. Djamel va tenter de faire face. Ce sera dur.

J.C.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s