Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Interview du FLNC dissident et commentaires de � L�investigateur �
Aug 7, 2003
Auteur: L'investigateur

Un nouveau num�ro du mensuel Corsica vient de sortir. Ce journal d�un ton tr�s libre s�est r�cemment renouvel� et pr�sente une image plus moderne, plus people qu�auparavant. Une v�ritable bouff�e d�oxyg�ne apr�s une longue p�riode de premi�res tristes � pleurer. Avant une amusante exposition de bikinis, une enqu�te sur les DJ insulaires, Gilles Millet, ancien journaliste de Lib� et du Vrai-Faux journal de Karl Z�ro, donne une interview du FLNC dissident que nous avons pris l�habitude de d�signer comme le FLNC 3. Les questions pertinentes re�oivent des r�ponses qui, une fois d�pass� l�in�vitable sentiment de d�j�-vu, �tonnent par leur altermondialisme.

Le style rappelle celui de la premi�re interview du FLNC Union des Combattants, donn�e � Jacques Follorou, journaliste du Monde et publi� le 8 f�vrier 2000 sous le titre � Les organisations clandestines corses proposent la � paix des braves �. Les repr�sentants du FNLC-canal historique et du FNLC-5 mai 1996, parlant au nom de plusieurs autres groupes clandestins - Fronte Ribellu et Clandestinu -, apportaient leur soutien � la politique de dialogue propos�e par Lionel Jospin. Cet entretient avait �t� authentifi� la veille le lundi 7 f�vrier par une personne qui avait joint la r�daction de France 3 Corse en validant, gr�ce aux codes utilis�s pour authentifier les revendications d'attentats, les propos que nous avions recueillis, en Corse, dans la semaine du 31 janvier au 4 f�vrier aupr�s de deux nationalistes. Rappelons que les noms de P. M�, de J. L� avaient �t� donn�s lors d�un P.V. concernant le double plasticage de la DDE et de l�URSSAFF.

Nous conseillons vivement � tous ceux qui sont int�ress�s par la situation en Corse d�acheter ce num�ro et d�achever de lire cette interview et les autres articles.

On lira en fin des passages de cette interview la r�action de notre bureau de Corse.

POURQUOI UN NOUVEAU FLNC ?

Parce que nous avons v�cu avec l'U.D.C (N.D.L.R. : Union des combattants) la fin d'un cycle. Ce cycle a d�but�, en mai 1976, et est pass� par quelques victoires et de grandes souffrances pour finir par une r�unification salutaire � travers l'U.D.C. Mais il fallait cr�er une nouvelle dynamique pour �tre en ad�quation avec les �volutions r�centes tout en ne reniant pas les aspirations positives du pass�.


LE FAIT D'UTILISER LE SIMPLE SIGLE FLNC, SANS PR�CISER AUTRE CHOSE, INDIQUE-T-IL QU'AU-DEL� DES CONFLITS ENTRE MOUVEMENTS CLANDESTINS ET L�GAUX, VOUS VOULIEZ RENOUER AVEC LE FLNC � UNI � QUI EXISTAIT AVANT LES AFFRONTEMENTS ?

Nous voulons effectivement renouer avec l'esprit du FLNC de la fin des ann�es soixante-dix, avec la qualit� de l'engagement et la clairvoyance politique dont ses militants ont fait preuve qui �taient et demeurent pour nous un mod�le que nous tentons de suivre.

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QU'EST DEVENU LE � FLNC UNI � DE L'UNION DES COMBATTANTS ? Il s'est �teint avec le cycle pr�c�demment d�crit.

VOTRE APPARITION SIGNIFIE-T-ELLE QUE LE BLOC CANAL HISTORIQUE, AUTOUR DUQUEL S'�TAIT FAIT LE REGROUPEMENT, AVAIT FINALEMENT PRIS LA DIRECTION DE L'UNION DES COMBATTANTS ?

La d�marche d'union au sein de l'U.D.C ne rel�ve pas d'un rapport de force, mais d'une prise de conscience majeure des militants de la lutte clandestine apr�s les affrontements fratricides. Cette union ne s'est pas faite autour d'un mouvement ou d'un autre, elle �tait une d�marche commune � laquelle on a adh�r� sans arri�re-pens�e dominatrice. C'est une exigence salvatrice, commun�ment partag�e, qui s'est impos�e � l'ensemble du mouvement clandestin.

QUEL EST VOTRE POSITION A L'�GARD DU FLNC CANAL HISTORIQUE ?

Nous souhaitons clore le d�bat d�finitivement sur ce sujet car, n'en d�plaise aux � observateurs avertis � et aux manipulateurs en tout genre, notre combat ne d�c�le aucun germe de guerre fratricide. Il se nourrit d'une vision renouvel�e de la situation politique et �conomique internationale � l'int�rieur de laquelle la Corse d'aujourd'hui tente p�niblement de survivre

DES CONFLITS ENTRE VOUS SONT-ILS POSSIBLES ?

Certainement pas. Nous sommes totalement en phase avec les accords de Migliacciaru. Des conflits sont par contre possibles avec ceux qui tenteront de nous dresser les uns contre les autres.

COMMENT VOUS SITUEZ-VOUS PAR RAPPORT � INDIPENDENZA ET CORSICA NAZIONE ?

Nous avons fait le choix de la clandestinit� totale pour des raisons de s�curit� et pour �viter de parasiter l'action des mouvements nationalistes publics. Nous ne souhaitons donc pas nous situer par rapport � Indipendenza, Corsica Nazione ou d'autres mouvements publics. Ils sont pleinement responsables de leurs actions militantes. Comme pour l'ensemble des mouvements nationalistes, nous ne nous situons pas face � eux, mais plut�t � leurs c�t�s.

QUE PENSEZ-VOUS DU MOUVEMENT INITI� PAR LES NATIONALISTES � INORGANIS�S � QUI SE SONT R�UNIS � CORTE ?

Il �veille notre curiosit�, car l'union est une pr�occupation majeure de tout engagement politique. Toutefois, il est bon de rappeler que l'union est comme la paix, elle ne se d�cr�te pas, mais se construit. Si la d�marche en cours est seulement � but �lectoraliste, nous le regretterons. Si elle a pour objet de tenter de jeter les bases d'une nouvelle alternative pour la lutte nationaliste, alors elle est sans doute digne d'int�r�t.

QUEL REGARD PORTEZ - VOUS AUJOURD'HUI, SUR LES SANGLANTS CONFLITS QUI ONT OPPOS�S LES CLANDESTINS ? QUI EN PORTE LA RESPONSABILIT� ?

Un regard rempli d'amertume et de souffrance, la guerre fratricide a �t� pour nous un grand aveu de faiblesse. La responsabilit� en revient pleinement � l'�tat fran�ais qui a volontairement instrumentalis� des hommes pour favoriser des affrontements. Nous avons, quant � nous, manqu� de dimension humaine et politique pour r�ussir � nous y opposer et contourner les pi�ges. Nous en avons tir� des le�ons.

LE FAIT M�ME DE L'EXISTENCE DE LA CLANDESTINIT� N'INDUIT-T-IL PAS CE TYPE DE PROBL�ME ?

Non. La clandestinit� dans un mouvement politico-militaire g�n�re des probl�mes lorsque la revendication politique faiblit. Notre d�marche cherche � �viter ce genre de pi�ge. C'est dans notre raison que nous puisons notre force et pas par notre force que nous imposerons notre raison.

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SI UN FLNC DOIT EXISTER, POURQUOI ? ET SURTOUT POURQUOI MAINTENANT ?

Le FLNC doit exister, car il est le levier de r�sistance le plus efficace dans la lutte contre l'�tat fran�ais et le syst�me globalisant. Il doit exister aujourd'hui plus encore qu'hier ne serait-ce que parce que les revendications fondamentales garantes de notre survie n'ont toujours pas abouti : reconnaissance officielle de notre peuple, enseignement et utilisation de la langue � tous les niveaux de notre soci�t�, acc�s � la souverainet� nationale. De plus la situation de notre peuple a empir� en trente ans : d�mographie pr�occupante, colonisation de peuplement flagrante, disparition programm�e de la langue, abandon de l'�conomie rurale, privatisation du littoral. Le FLNC reste, dans cette situation alarmante, un bon outil dans les rapports de force avec l'�tat pour acc�der un jour � l'ind�pendance �conomique, sociale, culturelle et enfin politique.

QUELLE ANALYSE FAITES-VOUS DE LA SITUATION CORSE ACTUELLE ?

La Corse est plus que jamais menac�e par le nouvel ordre mondial. Les choix qu'auront � faire les Corses dans les mois � venir sont cruciaux.

PLUS PR�CIS�MENT, COMMENT VOUS SITUEZ-VOUS PAR RAPPORT AU R�F�RENDUM ET AUX PROJETS GOUVERNEMENTAUX. ALLANT VERS PLUS DE D�CENTRALISATION, VOIRE UNE FORME D'AUTONOMIE ?

La d�centralisation de Raffarin est une r�forme qui cherche � diviser les territoires : les riches et les pauvres. Et � cr�er une scission encore plus grande � l'int�rieur de ceux-ci. C'est une mani�re pernicieuse de pousser les territoires les plus pauvres � instaurer une v�ritable politique lib�rale. notamment � travers la privatisation. En aucun cas, elle ne prenait en compte les revendications du peuple corse (peuple, langue, culture, terre, pouvoir l�gislatif).


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�TES-VOUS OPTIMISTES ? NE CROYEZ-VOUS PAS QUE LES CORSES DEVENANT MINORITAIRES CHEZ EUX, L'�CONOMIE RESTANT MORIBONDE (D�SERTIFICATION DES MONTAGNES, MANQUE D'ENTREPRISES ET DE PROJETS, ETC.) ET LA MONDIALISATION, VERSION CAPITALISTE AVAN�ANT A GRAND PAS, LA CORSE, SON IDENTIT�, SES VALEURS, SOIENT APPEL�ES A DISPARA�TRE ?

Nous sommes r�alistes. Le n�olib�ralisme fait d'�norme d�g�t � l'�chelon de la plan�te. De cette petite �le, le syst�me n'en fera qu'une bouch�e lorsqu'il aura la caution de ses responsables ! Nous nous devons de construire, pour contrer cela, une �conomie de r�sistance et non pas un d�veloppement �conomique avec comme seul objectif l'augmentation rapide de la croissance
directe. Ce qui nous reste de nos valeurs, de notre identit�, de notre culture et de notre histoire peut �tre un bon terreau pour y implanter une �conomie alternative au syst�me. Culturellement, les �v�nements de ces derni�res semaines prouvent que l'ensemble du peuple corse tient encore fermement � certaines valeurs. Quelles sont les solutions de r�sistance ? Celles qui permettront la mise en synergie de toutes les forces vives de notre �le souhaitant, � travers la r�sistance, le changement au syst�me uniformisateur.

EXISTE-T-IL DES SOLUTIONS PUREMENT INSTITUTIONNELLES, COMME CELLES QU'A PROPOS�ES L'ACTUEL GOUVERNEMENT VIA SON REFERENDUM ?

Il n'y a pas de solution qui soit uniquement institutionnelle. Une solution institutionnelle doit s'accompagner d'une mise en mouvement de toutes les forces d'�mancipation de notre pays.


AFFAIRE ERIGNAC. COMME VOUS SITUEZ-VOUS PAR RAPPORT A L'ACTE LUI-M�ME ? SES AUTEURS ? DEPUIS LE D�BUT ILS SONT APPARUS TERRIBLEMENT ISOL�S.

L'acte en lui-m�me est un acte de r�sistance, extr�me, mais de r�sistance au sens litt�ral : se dresser contre l'autorit�. Notre solidarit� envers les auteurs est totale, leur probit� n'est pas � mettre en cause. Ils ont �t� effectivement isol�s du simple fait qu'ils �taient en retrait des structures. Ce fut une erreur de la part de l'ensemble du mouvement national, un manque de maturit� politique, la peur d'une certaine perte de pouvoir. La poursuite du combat, en tentant de ne laisser aucune place � la m�diocrit�, est la meilleure preuve de soutien que nous puissions leur donner.

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PLUS G�N�RALEMENT, QUEL SONT LES V�RITABLES DANGERS POUR LA CORSE ?

Un des dangers majeurs aujourd'hui est le pi�ge d'une �conomie � tout tourisme� qui ach�verait l'agriculture, l'artisanat et le petit commerce, qui rendrait exsangue les zones rurales � vocation non-touristique, grossissant ainsi les banlieues bastiaises ou ajacciennes. Cela entra�nerait, de fait, la mort de notre culture, de notre langue, de notre savoir-faire et rapidement de notre peuple.


COMMENT VOUS SITUEZ-VOUS PAR RAPPORT A LA MONT�E D'UN CERTAIN RACISME A L'�GARD DES POPULATIONS MAGHR�BINES ?

Nous condamnons tout acte raciste et, � ce titre, nous sommes vigilants, au sein m�me de notre structure, pour d�celer toute d�rive x�nophobe ou raciste. Les flux migratoires internationaux sont une des cons�quences voulues de la mondialisation lib�rale. Ils en deviennent des outils de d�stabilisation, mais nous n'avons jamais confondu dans notre histoire, les victimes et les bourreaux. Le th�me de l'immigration reste toutefois un tabou typiquement fran�ais. Le simple fait d'en parler, vous catalogue imm�diatement dans le camp des tyrans. Vous constatez vous-m�me que notre peuple est minoritaire sur sa terre, alors forc�ment la situation d'injustice que nous subissons � travers la colonisation de peuplement, induit des exc�s d�plorables, mais pr�visibles. Pour un peuple ma�tre de son destin, l'immigration est un facteur d'enrichissement culturel, pour un peuple bafou� dans ses droits, elle devient malheureusement un facteur d'affaiblissement culturel.

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Commentaires :


Le nouveau FLNC a beau ne pas vouloir de se d�finir comme un concurrent de l�Union des Combattants. Il en est un de fait et ses dirigeants ont �t� des fondateurs de l�Union des Combattants. Bon nombre de militants de l�Union des Combattants qui sont attir�s par le nouveau FLNC le sont aussi � cause de cette � l�gitimit� � historique.

Le langage du nouveau FLNC est beaucoup plus radical (au sens de gauche) que celui de l�Union des Combattants m�me s�il le rejoint par bien des aspects. Les quelques points majeurs qui les s�parent sont la structuration du nouveau FLNC en seule organisation politico-militaire tandis que les rapports entre le FLNC Union des Combattants et Indipendenza ont vari� au fil des ans au point qu�Indipendenza dispose d�une certaine libert� th�orique. Parfois, m�me certains conflits d�int�r�t �clatent entre la structure clandestine et sa vitrine l�gale. Un tel cheminement peut �tre r�versible. C�est par exemple ce qui s�est pass� au Pays basque entre Batasuna et l�ETA.

Une autre divergence tient � l�appr�ciation du r�f�rendum. Le FLNC Union des Combattants l�avait approuv� quand le nouveau FLNC l�a condamn� n�y voyant qu�un outil de la politique lib�rale du gouvernement. Le nouveau FLNC tient d�ailleurs des arguments qui pourraient �tre ceux de l�extr�me-gauche sur les risques d�in�gale r�partition des richesses fran�aises. Un argument pour le moins curieux pour des personnes se r�clamant de la rupture avec la France.

Et c�est bien l� un des aspects les plus int�ressants de l�interview.Jamais le mot d�ind�pendance ou d�auto-d�termination n�y est pr�sent�. On parle simplement de ma�trise de son destin. On parle d�absence de d�mocratie, d�in�galit� r�gionale, de lib�ralisme � tous crins, de � fric �. Serait-ce que le nouveau FLNC serait dirig� par l�aile la plus � gauche � du parti communiste ? C�est en tous les cas une bien curieuse impression qui s�en d�gage. Radical dans la parole, le nouveau FLNC serait plus � droite que le vieux FLNC moins assur� dans le verbe mais jusqu�au boutiste dans les intentions. Cette ti�deur est peut-�tre � rattacher � la sympathie que le nouveau FLNC �prouve vis-�-vis du mouvement des � inorganis�s �.

Le soutien ouvertement affich� aux assassins du pr�fet Erignac nous semble �tre un argument de circonstances destin� � contre le FLNC Union des Combattants. Il est en effet totalement en contradiction avec les autres arguments avanc�s. On se demande surtout comme Indipendenza aurait pu avancer en soutenant une telle position.

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