Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Marc Simeoni en attente d�une mise en examen
Aug 29, 2003

Pr�s de 200 personnes se sont rassembl�es dans le calme mercredi soir devant le commissariat de Bastia pour manifester leur soutien � Marc Simeoni, en garde � vue depuis mardi matin dans le cadre de l'enqu�te sur la cavale d'Yvan Colonna, l'assassin pr�sum� du pr�fet Claude Erignac.

Edmond Simeoni, p�re de Marc et figure embl�matique du nationalisme corse, a d�clar� en sortant du commissariat que "nous ne sommes pas ici pour discuter du bien-fond� des accusations de la Direction nationale antiterroriste (DNAT) qui, depuis des ann�es, se comporte comme une police d'�tat violant all�grement la pr�somption d'innocence, cr�ant de faux coupables, traitant la Corse et les Corses avec morgue, m�pris et racisme".

Edmond Simeoni a pourtant chang� d�attitude. Alors que jusqu�� maintenant, il niait fermement que son fils ait pu �tre en quoi que ce soit impliqu� dans une quelconque aide � Yvan Colonna, il soutient aujourd�hui ceux qui ont pu agir dans ce sens.
"Quoi qu�il en soit, a-t-il ajout�, que Marc soit au regard de la loi fran�aise coupable ou innocent, notre solidarit� lui est acquise comme elle est acquise � Fr�d�ric Paoli, Andr� Colonna d'Istria, Claude Serreri", les autres personnes soup�onn�es d'avoir aid� Yvan Colonna pendant sa cavale de quatre ans.

Edmond Simeoni a d�clar� � la presse qu'il aurait lui aussi h�berg� Yvan Colonna, arguant que "l'hospitalit� est dans la culture corse, le plus sacr� des devoirs". Les personnes pr�sentes ont entonn� le "Dio vi salve Regina", l'hymne national corse.

Parmi les personnes venues soutenir Marc Simeoni figuraient Jean-Guy Talamoni, l'un des huit �lus ind�pendantistes � l'assembl�e de Corse, ainsi que des membres du parti de la nation corse (PNC, mod�r�) et du collectif nationaliste A Chjama Naziunale dont Edmond Simeoni est l'un des fondateurs.

"La politique du b�ton est vou�e � l'�chec car la situation est devenue pr�occupante", a dit � la presse le chef de file de Corsica Nazione.

Les enqu�teurs se demandent aussi s'il n'a pas h�berg� l'assassin pr�sum� du pr�fet Erignac avant qu'il ne passe des examens m�dicaux � Bastia, en mars dernier, durant sa fuite.

Jean-Guy Talamoni a laiss� entendre que des poursuites contre Marc Simeoni pourraient aggraver la situation sur l'�le o� les attentats se multiplient depuis juillet.

"Les attentats sont l'une des expressions de la tension palpable, aujourd'hui, en Corse. La raison doit pr�valoir et pour cela, il faut que change l'attitude parisienne", a d�clar� l��lu nationaliste.

"� travers le cas de Marc, se pose aujourd'hui le probl�me de la politique gouvernementale men�e en Corse. On ne voit appara�tre aucune ouverture et nous sommes tr�s pr�occup�s par la radicalisation de certains groupes, bien entendu, mais aussi par le refus de dialogue".

"La DNAT distille des informations au goutte � goutte � la presse. On reprocherait � Marc d'avoir h�berg� Yvan Colonna, ce qui est loin d'�tre infamant, mais la presse indique �galement qu'il conteste formellement cette accusation", a ajout� l'�lu.

Me Gilles Simeoni, fr�re a�n� de Marc, a d�clar� qu'il attendait avec "s�r�nit� et impatience le d�bat judiciaire" sur les charges pesant sur son fr�re, qu'il repr�sente.

Derri�re la manifestation de Bastia, on peut noter les faits suivants. C�est d�abord le nombre ambigu des participants. 200 personnes, c�est beaucoup si on le compare � la cinquantaine de militants d�Indipendenza qui viennent � veiller � leurs camarades arr�t�s � Bastia ou � Ajaccio.

On peut donc en d�duire que l�arrestation du fils d�Edmond Simeoni a mobilis� une frange plus large que celle qui se sent touch�e par les arrestations de militants ind�pendantistes.

N�anmoins, le chiffre de deux cents reste extr�mement modeste si on veut bien consid�rer qu�il s�agissait d�un regroupement de tous les nationalistes. Il faut appr�cier la pr�sence de Jean-Guy Talamoni � l�aune de l�absence d�un Charles Pieri ou d�un Fran�ois Sargentini.

Car derri�re l�attitude des uns et des autres se joue la partie �lectorale de 2004. Le PNC auquel appartient le fr�re de Marc Simeoni est oppos� � la violence clandestine. Et il s�appr�tait � faire bande � part avec le soutien des Verts fran�ais. Jusqu�alors le PNC avait n�anmoins jou� une carte ambigu� en participant aux op�rations politiques d�Edmond Simeoni dans le cadre du rassemblement des � inorganis�s � en avril dernier. Ou encore en signant l�appel d�A Tramula. Ou alors en participant sans r�ticence � toutes les manifestations de soutien � aux prisonniers � parmi lesquels les assassins du pr�fet Erignac.

Aujourd�hui, la marge de man�uvre du PNC se r�duit comme peau de chagrin. S�il devait, par pure solidarit�, cautionner l�attitude de Marc Simeoni, il perdrait en force de repr�sentation nationale ce qu�il gagnerait en sympathie dans le mouvement ind�pendantiste.

Comment en effet pourrait-il continuer � �tre le joker du gouvernement Raffarin en justifiant l�aide apport�e � l�assassin pr�sum� du pr�fet Erignac ? Il se retrouverait par ailleurs pi�g� dans le filet �touffant du bloc Indipendenza- Union des Combattants. Otage des logiques de solidarit�, il ne pourrait que retomber dans une attitude qui � expliquerait � la violence � d�faut de la justifier.

Edmond Simeoni conna�t �galement ce type de probl�matique. En tant que p�re et en tant que Corse, il ne peut moralement laisser planer le moindre doute quant au soutien qu�il apporte � son fils.

Disons-le sans pr�caution excessive : les �l�ments qui ont pouss� le juge Brugui�re � agir sont s�rieux et peuvent justifier une mise en examen ainsi qu�un placement en d�tention. Ce serait l� une mesure ultime qui ne jouerait pas en faveur d�un apaisement. Mais c�est une hypoth�se vraisemblable.

Le PNC a r�agi comme le font les nationalistes depuis des d�cennies. D�s qu�une arrestation frappe un de ses militants, il crie au complot. Nous avons �crit hier que le juge Brugui�re avait vraisemblablement agi avec duplicit�. Mais il en a peut-�tre les moyens juridiques. Nous avons dans ces colonnes largement trait� du probl�me de la solidarit� envers les fugitifs.

Il est vrai que culturellement la soci�t� corse �vite ouvertement les cons�quences de la d�lation. Souterrainement, elle r�agit comme toutes les autres soci�t�s rurales en d�non�ant ceux qui � g�nent �. Des �tudes r�centes sur le banditisme d�montrent que la plupart des bandits ont �t� tu�s par les gendarmes apr�s avoir �t� donn�s.

Quand Edmond Simeoni parle de � devoir sacr� � il se fait plaisir en voulant croire que la Corse mythique de M�rim�e ressemblerait � la Corse moderne de 2003. Il d�fend surtout son fils. Si celui-ci est emprisonn�, Edmond Simeoni sera pr�t � toutes les concessions pour devenir un rempart. Et il se pourrait qu�il fasse des pieds et des mains pour qu�il n�y ait aux �lections qu�une seule et unique liste nationaliste de mani�re � pouvoir faire pression plus efficacement sur le gouvernement et donc, dans l�esprit corse, sur la justice.

Car le probl�me des prisonniers est en train de devenir le probl�me majeur de la Corse. Derri�re le FLNC 3, il y a celui des prisonniers du FLNC du 5 mai. Derri�re les tensions au sein de l�Union des Combattants il y a encore et toujours celui des prisonniers. D�sormais le PNC risque fort d�avoir lui aussi son probl�me de prisonniers.

Dans le FLNC, la question des prisonniers a toujours �t� au c�ur des crises voire des scissions. Les familles font aujourd�hui sentir une formidable pression sur les appareils officiels ou clandestins qui ont besoin de ces voix pour exister. Dans une culture o� la solidarit� est sacralis�e � d�faut d��tre vraiment sacr�e, la question du rapprochement des prisonniers, de leur lib�ration voire de l�amnistie reste le probl�me r�curent et fondamental de la situation corse.

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