Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Le racket, entreprise majeure en Corse
Aug 18, 2003

Les propri�taires de l'H�tel Ibis qui a ouvert ses portes � Bastia dans le quartier du Fango � la fin du mois dernier devraient prochainement attaquer en justice le groupe Accor.

Ce dernier, � la suite des nombreux plasticages commis contre l'h�tel en construction ces derniers mois, avait en effet d�cid� en mai dernier d'interrompre la franchise le liant avec l'h�tel de Bastia, une franchise qui courrait sur 12 ans.

Pour les propri�taires d'IBIS Bastia parmi lesquels Jean-Nicolas Antoniotti, il s'agit l� d'une d�cision unilat�rale. Ils s'interrogent aussi sur le fait que le complexe Marina Viva, plastiqu� lui aussi, continue d'avoir les faveurs d'ACCOR.

Nous avons d�j� relat� dans des articles dat�s des 12 et 15 mai 2003, les m�saventures de l�h�tel Ibis de Bastia plastiqu� � deux reprises pour avoir refus� de verser � l�imp�t r�volutionnaire � au secteur bastiais du FLNC ou plut�t pour en avoir contest� le montant. C�est tout � l�honneur de cet ancien dirigeant du FLNC aujourd�hui membre du PNC et surtout initiateur de Femu Qu�, une soci�t� � capital-risque destin�e � aider des entrepreneurs locaux.

Le probl�me est qu�� Bastia et en g�n�ral dans la r�gion bastiaise, il n�est pas une entreprise qui ne soit soumise au racket du grand banditisme ou de l�Union des Combattants.

Cette forme d�imposition souterraine a d�ailleurs �t� int�gr�e au chiffre d�affaire des entreprises quand elles ne sont pas pass�es sous la tutelle de leurs � protecteurs � occultes. Mais la plupart du temps, il s�agit d�une tutelle discr�te mais ch�re pay�e. Aujourd�hui une grande partie des concessions automobiles de marque est ainsi � prot�g�e �, tout comme le caf� insulaire, l��lectrom�nager et bon nombre d�entreprises de travaux publics.

Mais le grand banditisme vient de remporter une belle victoire en p�n�trant le march� du transport insulaire. En d�finitive, on peut ainsi d�crire l��conomie insulaire : un secteur public directement sous perfusion de l��tat, un secteur priv� d�pendant en grande partie des march�s avec le public � prot�g� � par le grand banditisme et la clandestinit� et une agriculture qui, sans les diverses subventions et les moratoires de dettes, succomberait en quelques mois.

Un tel bilan pourrait �tre am�lior� si le p�le �conomique du parquet remportait quelques victoires. De tels r�sultats inciteraient m�me les entrepreneurs � porter plainte. Or, ce p�le mis en place � grands renforts de m�diatisation lors de l�installation du procureur Legras, ne peut qu�aligner un bien maigre bilan.

La derni�re grosse affaire de racket a �t� tenue � bout de bras dans la r�gion d�Ajaccio par les Renseignements g�n�raux d�Ajaccio et la gendarmerie. Il n�a pu aboutir que gr�ce � l�ent�tement de la victime et il faut bien le dire � une volont� de la justice qui a condamn� sur une intime conviction plus que sur des preuves.

Mais il s�agissait de � faire tomber � des hommes pr�sum�s barons de la Brise-de-Mer et donc d�envoyer un message fort aux tenants du grand banditisme bastiais qui conna�t une pleine expansion dans la Corse-du-sud.

Cette d�faite en rase campagne de la justice est compr�hensible et participe d�un cercle vicieux. En l�absence de plainte, la justice ne peut d�montrer que l��tat de droit est respect�. Et parce que la justice est d�ficiente, les plaintes sont inexistantes.

Policiers et gendarmes sont persuad�s que les trois-quarts des entreprises sont rackett�s. Et ce d�autant que le grand banditisme doit blanchir les fonds qu�il a acquis par des moyens malhonn�tes. Un autre facteur entre aussi en cause. La clandestinit� dure depuis trente ans. Elle est devenue une entreprise � elle toute seule, avec ses employ�s, sa client�le clanique, ses besoins propres.

L�achat d�armes n�est que marginal. Depuis longtemps, la clandestinit� a abandonn� l�id�e d�un affrontement avec l��tat. Les plasticages sont �conomiques depuis que le nitrate-fuel coupl� � des bouteilles de gaz a remplac� le plastic ou la dynamite. Ce qui co�te cher c�est l�entretien d�individus qui, sans rien faire de pr�cis, doivent nourrir leur famille.

Quelques centaines de personnes dans une telle situation suffisent � donner au racket une importance �conomique d�mesur�e surtout dans une �conomie an�mi�e.

Jean-Nicolas Antoniotti et ses associ�s sont aujourd�hui victimes d�un syst�me qu�il a contribu� � b�tir lorsqu�il �tait dirigeant du FLNC. Il ne fait aucun doute que cet homme a rompu avec de telles m�thodes. Aujourd�hui il se trouve de l�autre c�t� de la barri�re, victime de pratiques parasitaires qui mettent � genoux l��conomie corse. � la question de savoir pourquoi Accor a d�cid� de rester � Porticcio Marina Viva et de laisser tomber Bastia, nous pouvons apporter des r�ponses circonstanci�es.

Lorsque l�h�tel de Marina Viva a �t� victime d�un plasticage, il s�agissait du � mouvement d�humeur � d�un dirigeant du FLNC Union des Combattants d�Ajaccio et non pas d�une entreprise de racket. Les r�actions de la mairie de Porticcio ont par ailleurs �t� tr�s� vives. Or le FLNC sudiste veut surtout �viter de telles confrontations.

� Bastia, Jean-Nicolas Antoniotti est un concurrent direct d�entrepreneurs locaux qui ont les faveurs du FLNC Union des combattants. Il est par ailleurs d�fendu par le Parti national corse. Enfin, pour le FLNC Union des Combattants de Bastia : c�est un principe, Accor doit payer l�imp�t r�volutionnaire.

Mais Jean-Nicolas Antoniotti devrait cesser de jouer les na�fs. Il conna�t la r�gle de ce sinistre jeu mais il veut �viter de mettre en cause un FLNC qui l�a soutenu lorsque son nom a �t� prononc� comme �tant celui de la taupe du pr�fet Bonnet.

Si Nicolas Sarkozy a �chou� en Corse, c�est bien dans le domaine du grand banditisme. C�est un point nodal qui d�termine l�attitude de la clandestinit�.

Ce serait une erreur de penser que tous les clandestins sont des racketteurs. Mais tous admettent un tel syst�me. Les plus corrompus en profitent directement. Les autres pensent que si ce n�est pas le FLNC qui en profite ce sera le grand banditisme v�cu � la fois comme un ennemi et parfois un complice.

Nicolas Sarkozy avait soulev� le probl�me de ce grand banditisme bastiais lors de r�unions du minist�re de l�int�rieur. Il avait demand� � ses services de se pencher sur le probl�me. Visiblement, ils sont encore pench�s dessus et ont oubli� de se relever. Or c�est l� que les Corses attendent l��tat fran�ais : dans la r�pression de ce grand banditisme racketteur qui vient essentiellement du nord de l��le.

On est d�ailleurs �tonn� de la relativisation du ph�nom�ne par le maire de Bastia, �mile Zuccarelli, pourtant grande gueule lorsqu�il s�agit de d�fendre l��tat de droit mis � mal par les nationalistes. Cet homme qui se pique de courage est presque muet sur le sujet de la Brise-de-Mer.

Le probl�me risque encore de s�aggraver du fait des assurances qui menacent de supprimer le risque attentat par le pool des risques aggrav�s pour les entreprises du b�timent et des travaux publics. Le pr�sident de l'Ex�cutif de corse, Jean Baggioni, vient d�ailleurs d'appeler l'attention des ministres Nicolas Sarkozy et Alain Lambert sur les cons�quences majeures que pourraient avoir de telles mesures.

Cela signifierait entre autres choses que le grand banditisme et la clandestinit� pourraient mettre � genoux les r�calcitrants � coups d�attentats r�p�t�s. Cela signifierait une d�faite majeure pour l��tat de droit en Corse et il est heureux qu�au moins un homme politique insulaire se soit fait l��cho des inqui�tudes des professionnels.

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