Quand la Corse joue une nouvelle fois la peau de banane de la R�publique
Jul 8, 2003
Auteur: L'investigateur

Nicolas Sarkozy, l'homme press� du gouvernement, � u pristinu � en langue corse, a subi sur le dossier corse un �chec qui montre les limites de sa m�thode, essentiellement ax�e sur l'action, avec pour corollaire un certain manque de respect pour les hommes et les femmes qu�il a � � traiter �.

Ainsi Nicolas Sarkozy tout comme d�autres ministres de l�int�rieur tel que Gaston Defferre, Pierre Joxe, Charles Pasqua ou Jean-Louis Debr�, s�est cass� les dents sur la Corse. Le Premier ministre Raffarin a gliss� sur cette peau de banane tout comme Pierre Mauroy, Michel Rocard ou Lionel Jospin. La Corse ne porte pas chance � ceux qui ont le malheur de s�en occuper. La qualifier de d�sesp�rante est encore un doux euph�misme. Nicolas Sarkozy avait d�ailleurs du mal � contenir sa rage lors de son tr�s bref discours, dimanche soir o� il a plut�t �t� question de r�pression que d�acceptation.

Habitu� depuis 13 mois � voler de succ�s en succ�s, le ministre de l'Int�rieur a vu son itin�raire d�enfant g�t� se briser sur ce caillou dans la mer. Dimanche soir, Nicolas Sarkozy s'est efforc� devant quelques journalistes de d�dramatiser le rejet de sa r�forme du statut de l'�le. Il s'est �galement voulu beau joueur en affirmant que la victoire du � non � au r�f�rendum de dimanche n'�tait pas une sanction pour l'ensemble du gouvernement ce qui n�est �videmment pas exact puisque le grand projet d�centralisateur de Raffarin risque fort de s��tre �chou� sur les c�tes insulaires. Furieux, Nicolas Sarkozy a mis cette d�faite sur le compte de la gr�ve des fonctionnaires et sur la ville de Bastia. Il n�a pas tort mais l�explication est un peu rapide.

� C'est un �chec pour moi, de peu, mais c'est un �chec �, a-t-il dit. � Incontestablement, c'est une d�ception. Mais �a n'a pas beaucoup d'importance, la d�ception est pour la Corse �.

Il semble d�sormais faire le pari que l'opinion retiendra plus de ce mois de juillet 2003 l'arrestation d'Yvan Colonna que sa d�faite au r�f�rendum sur son projet institutionnel pour la Corse. C�est en tous cas indispensable pour son projet de carri�re. Selon des indiscr�tions, il comptait, apr�s une victoire du � oui � d�missionner et jouer, aux territoriales la carte de la pr�sidence de l��le de France. Il pouvait ainsi attendre au chaud de futures �ch�ances.

Aujourd�hui, il est redevenu un ministre de l�int�rieur surdou� mais un ministre de l�int�rieur dont la mission premi�re est la s�curit� de ses citoyens.

Quoiqu�il dise, son �chec rejaillit n�anmoins sur l'ensemble de l'�quipe gouvernementale, en particulier sur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui s'est rendu trois fois dans l'�le, contre huit d�placements pour Nicolas Sarkozy.

� Il y avait un sc�nario id�al, d'un c�t� la modernit�, le mouvement, et de l'autre le r�tablissement de l'�tat de droit. On avait besoin des deux volets. Maintenant, il n'y en a plus qu'un � a-t-il soupir� dimanche soir.
Nicolas Sarkozy va n�anmoins devoir tirer les le�ons de cet �chec. Elles sont de plusieurs ordres. D�passons l�immobilisme de la soci�t� corse qui faisait partie du deal de d�part et abordons la mani�re d�agir du ministre de l�int�rieur.

Nous l��crivions dans ces colonnes : d�s le cinqui�me voyage, les Corses avaient le sentiment qu�il en faisait trop mais surtout qu�il cherchait � instrumentaliser la Corse au profit de sa carri�re. La deuxi�me venue du Premier ministre et sa calamiteuse visite bastiaise ont achev� de ternir son image.

Le ministre de l�int�rieur a fait des cadeaux inconsid�r�s � la frange nationaliste telle que la mise hors norme de l�universit� donnant l�impression l� encore de vouloir acheter une client�le sans prendre de grands �gards.

Il s�est adress� aux �lus d�une fa�on telle qu�elle devenait contradictoire avec l�id�e que ces derniers pouvaient prendre l�avenir de l��le en main. Les dirigeant, les engueulant, les conseillant � l�exc�s, il est aujourd�hui accus� de s��tre comport� comme un pr�sident fran�ais en visite dans un confetti de l�empire.
Il n�a cess� d�alt�rer son projet de mani�re � faire plaisir � tout le monde et donc � contrarier tout le monde.

Ultime maladresse : la lettre du pr�sident de la r�publique dont on se demande qui a pu l��crire tellement elle contenait de remarques blessantes.

Reste un aspect de ce r�f�rendum : sa date. Il tombait � l�issue de la gr�ve des fonctionnaires dans une �le de fonctionnaires. La CGT et FO ont r�gl� leurs comptes en appelant � voter non.

L'arrestation surprise d'Yvan Colonna n'a pas port� chance non plus au ministre de l'Int�rieur car une partie des nationalistes persuad�s d'un � coup m�diatique � a vot� blanc ou nul.

Une carte �lectorale de la Corse d�montre que les deux grosses villes, Ajaccio et Bastia, ont suffi � faire pencher la balance. Ce sont en effet les deux villes dans lesquelles r�sident beaucoup de fonctionnaires insulaires. Il faut insister sur cela car les villes � habitation individuelle o� r�sident souvent les fonctionnaires venant du continent ont plut�t vot� � oui �. C�est donc une certaine Corse, celle du service public, la client�le de l��tat, qui a vot� � non �. Les nationalistes ne pourront plus gu�re d�signer � les oiseaux voyageurs � comme cause de l�immobilisme. C�est aujourd�hui la majeure partie du � peuple corse � qui s�est montr� plus jacobin que le gouvernement. Une le�on � m�diter� En ce sens la victoire du � non � est justifi�e. La Corse est telle que la dessine la carte �lectorale : bic�phale, h�sitante, plut�t r�trograde et en tout cas nourrie par le client�lisme puisqu�une partie de l��lectorat du � oui � l�a fait pour des raisons alimentaires : PEI, effacement de la dette agricole etc.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s