Le journaliste Laid Sammari de l�Est r�publicain pense que l�arrestation d�Yvan Colonna est une reddition. Nous publions ci-dessous son article paru dans l�Est R�publicain du 5 juillet 2003.
Totalement disculp� par ses co-accus�s, Yvan Colonna a choisi le bon moment pour se faire arr�ter.
En Corse, plus que partout ailleurs, l'arrestation de l'homme le plus recherch� de France a fait l'effet d'une bombe car elle est intervenue � la veille du r�f�rendum et � quelques jours de la fin du proc�s du commando Erignac. Cette interpellation n'a � rien � voir � avec le r�f�rendum sur la r�forme institutionnelle en Corse, s'est empress� d'affirmer hier le ministre de l'Int�rieur Nicolas Sarkozy, en d�mentant toute � n�gociation � avant l'arrestation d'Yvan Colonna. Il faut dire qu'on a rarement vu un gouvernement se pr�valoir de telles m�thodes avec des terroristes. Cette arrestation a pourtant permis � � Sarko � de mobiliser les m�dia une grande partie de la journ�e d'hier.
Alors que cette � arrestation � est intervenue dans le cadre d'une proc�dure judiciaire confi�e � des juges d'instruction, en th�orie ind�pendants et ma�tres des recherches, c'est Nicolas Sarkozy en personne qui a comment� l'op�ration du Raid en pr�sence des sept plus hauts responsables de la police. Auparavant, ses services avaient fait savoir qu'il recevrait l'�pouse et les enfants du Pr�fet Erignac dans son bureau.
Les anecdotes de Sarkozy
Alors que l'assassin pr�sum� du pr�fet n'avait toujours pas �t� mis en examen, le ministre avait convoqu� une large conf�rence de presse o� se pressaient de nombreux journalistes. Comme il sait le faire pour capter son auditoire, M. Sarkozy, qui affichait de larges sourires, s'est amus� � livrer diff�rentes anecdotes li�es � la traque de Colonna durant ces quatre ann�es et aux conditions de son arrestation. Le ministre, qui �tait entour� des grands patrons de la police, n'a pas manqu� de souligner le formidable travail des enqu�teurs. M�me si cette arrestation aurait, si l'on en croit les enqu�teurs, �t� rendue possible gr�ce � un renseignement anonyme. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-m�me, Nicolas Sarkozy n'a pas oubli� de se f�liciter de � cette victoire de l'Etat de droit en Corse �. Au passage, ses collaborateurs soulignaient insidieusement que � Sarko � n'avait pas commis l'erreur de sabrer le champagne avec ses flics comme l'avait fait Jean-Pierre Chev�nement apr�s l'arrestation du commando.
Toute la couverture � lui
� Nico, tu en fais trop ! �, ironisait hier un de ses proches pour expliquer que le ministre de l'Int�rieur exag�rait peut �tre un peu alors que l'enqu�te �tait encore loin d'�tre boucl�e. Il faut dire que le premier flic de France ne s'est pas g�n� pour tirer toute la couverture � lui, oubliant que ses pr�d�cesseurs n'avaient pas non plus l�sin� sur les moyens pour tenter de capturer le fugitif.
De son c�t�, l'avocat de Colonna, Me Antoine Sollacaro, a d�menti toute n�gociation mais reconnu qu'il avait, comme nous le r�v�lions dans notre �dition d'hier, rencontr� r�cemment le num�ro 2 de la Direction centrale des Renseignements g�n�raux, Bernard Squarcini. Nous pouvons m�me pr�ciser qu'un autre avocat, du barreau de Paris, participait � cette rencontre qui ne devait rien au hasard.
L'entourage des � Colonna �
L'affirmation de Nicolas Sarkozy d�mentant tout lien entre cette arrestation et le r�f�rendum a laiss� pourtant bien des Corses sceptiques. D'une part en raison des troublantes co�ncidences et surtout parce que tout le monde savait en Corse que certains services de police, et notamment les renseignements g�n�raux, ont multipli� les approches en direction de l'entourage des � Colonna � ces derniers mois.
� Pour la famille d'Yvan Colonna, c'est quand m�me une sorte de soulagement �, reconna�t, sous couvert d'anonymat, un ami de la famille. � Garder le maquis depuis quatre ans, c'est extr�mement dur �. Et tombe � point nomm� pour celui que la police a d�sign� comme l'assassin du pr�fet Erignac.
En effet, personne n'a jamais pens� que le berger de Carg�se passerait toute sa vie en cavale alors que les ministres de l'Int�rieur qui se sont succ�d� depuis qu'il a pris la fuite n'ont pas m�nag� leurs efforts pour l'arr�ter. D'autre part, comment imaginer qu'un homme puisse vivre cache durant des ann�es, sans argent, et surtout loin de sa famille. Outre son attachement � son fils �g� de 13 ans, Yvan Colonna est tr�s li� � ses parents, � son fr�re et � sa soeur. Il fallait donc qu'il envisage un jour de revenir. La question �tait de savoir qu'elle serait le bon moment.
Reddition n�goci�e ou arrestation, ce retour tombe � pic pour celui qui a toujours clam� son innocence. Yvan Colonna n'ignore rien de l'�tat de la proc�dure judiciaire qui le concerne.
Aucune preuve mat�rielle
Le nationaliste sait parfaitement que le dossier d'accusation ne contient que les d�clarations de certains des co-accus�s. Rien de plus. Aucune preuve mat�rielle, pas d'empreintes et de surcro�t les enqu�teurs n'ont pas retrouv� sa trace via les t�l�phones portables comme cela a �t� le cas pour le reste du commando.
Or, aujourd'hui, force est de constater qu'il ne reste pratiquement plus rien pour l'impliquer depuis que ses co-accus�s l'ont d�douan� devant la cour d'assises.
Alors si le dossier d'instruction toujours en cours le concernant restait en l'�tat, il sera tr�s difficile de faire tenir l'accusation. Et Yvan Colonna le sait, et c'est peut �tre pour cela qu'il a accept� d'�tre transf�r� � Paris d�s vendredi soir alors que la loi lui permettait de r�sister quelques jours.
Le berger de Carg�se, qui a eu le temps de pr�parer sa d�fense, peut en outre compter sur les conseils avis�s de son avocat, Me Antoine Sollacaro, qui a une connaissance approfondie du dossier dans son ensemble. L'avocat d'Ajaccio �tant d�j� pr�sent dans la proc�dure pour le compte d'un des membres du commando. Et si l'on se r�f�re � la col�re sourde des militants nationalistes mass�s vendredi soir devant le commissariat d'Ajaccio, Yvan Colonna sait qu'il aura le soutien des ind�pendantistes dont l'efficacit� dans les rapports de force avec le pouvoir a d�j� fait ses preuves. Et l'aide d'une famille qui ne lui a jamais fait d�faut.
La�d SAMMARI
|
|