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Corse . un non et un grand rendez-vous manqu�
Jul 6, 2003
Auteur: L'investigateur

C�est un grand rendez-vous de manqu�. Mais la Corse en a l�habitude. Alors que la participation d�passait les 60%, ce qui repr�sentait une victoire pour Nicolas Sarkozy, le � non � s�est impos� en Corse � 2% pr�s.

Car le camp du non, un camp qui rassemblait le Front National, les chev�nementistes, le Parti communiste, les gauchistes, une partie de la clandestinit� et un r�seau de petits maires clanistes, l�a emport�. Qu�est-ce que cela changera ? Rien du tout. Ou plut�t si : la Corse va se r�veiller avec la gueule de bois. Nicolas Sarkozy avait subordonn� ses promesses de don � la victoire du � oui �. Il va donc falloir y renoncer. � minuit le carrosse est redevenu citrouille. Plus grave, c�est une Corse craintive, incons�quente et incapable d�assumer ce choix populaire qui l�a emport�e. Bastia a donc suivi son maire sur la voie du � non �. Pr�s des trois quarts des Bastiais ont refus� les propositions du gouvernement.

Ajaccio, ville traditionnellement � droite et accidentellement de gauche, a retrouv� le chemin du � bonapartisme �. Bonjour l�avenir radieux !

Et pour aller vers o� ? Comment ? Il �tait presque confondant d��couter le discours de Marie-George Buffet, la � patronne � du PC expliquer dans une attitude schizophr�ne qu�il ne fallait surtout rien toucher et que tout �tait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour ajouter tout aussit�t que rien n�allait. Les nationalistes ont jou� la politique du pire apr�s l�arrestation d�Yvan Colonna d�laissant les urnes quand ils ne votaient pas non. En agissant ainsi, ils ont condamn� la politique des seuls hommes capables de leur apporter un semblant de victoire. C�est en effet un terrible d�saveu pour les �lus de Corsica Nazione et pour Jean-Guy Talamoni en particulier.

L�accident cardiaque, m�me mineur de Charles Pieri, et la mont�e en puissance du FLNC 3, place le leader nationaliste dans la pire des situations � la veille des territoriales de 2004. L�homme est souple. Il va se couler dans la nouvelle situation en se liant plus encore qu�avant � l�Union des Combattants. Il finira par y perdre son �me si ce n�est d�j� fait.

Dans la classe politique traditionnelle, la situation frise l�absurde. Ceux qui dirigent l�assembl�e � savoir Jos� Rossi et Jean Baggioni sont d�sormais minoritaires. Leur l�gitimit� s�en trouvent fortement entach�e. Les vainqueurs de la situation, particuli�rement �mile Zuccarelli et Nicolas Alfonsi seraient en droit de demander la dissolution de la nouvelle assembl�e. Mais pourquoi faire ? La fonction m�me de ces partis qu�on appelle les clans est de jouer la courroie de transmission avec le pouvoir central. Sans une telle relation, ils n�ont plus de fonction puisque leurs choix ne sont pas id�ologiques mais alimentaires. Par ailleurs, l�assemblage h�t�roclite du non est li� par un sentiment de peur : peur de la nouveaut�, peur de l�ind�pendance, peur de l�Europe, de la jeunesse.

Ce n�est pas avec la peur qu�on motive une soci�t� vieillissante, craintive et aujourd'hui confront� au plus grand pari que l�histoire lui ait donn� de r�gler en un si�cle voire plus.

Le � oui � n��tait pas la panac�e mais au moins permettait-il de mettre en place de nouveaux moyens, une �quipe qui croyait un peu au d�veloppement de la Corse autrement que par le truchement de subventions toujours plus fortes. C�est un grand rendez-vous de manqu�. Mais la Corse en a l�habitude.

Nicolas Sarkozy conna�t une d�faite largement temp�r�e par son attitude durant les gr�ves sur les retraites et l�arrestation d�Yvan Colonna. Il s�en sortira. La Corse c�est moins certain.

Le grand drame de toute cette lamentable affaire est que la Corse va se trouver avec un parti majoritaire incapable de la diriger. Les nationalistes qui n�avaient plus de grain � moudre, vont expliquer qu�il n�y a rien � attendre de la France alors que c�est la Corse qui vient de repousser la main tendue de Nicolas Sarkozy.

Et qu�on ne vienne pas nous seriner que les continentaux ont vot� pour le � non �. Ce sont nous les Corses qui vivons ici qui avons repouss� l�alternative propos�. Nous et personne d�autres. La faute n�en revient pas � de malheureux � pinzuti � qui voteraient le d�crochage de la lune pour �viter des probl�mes. C�est encore moins la faute de ces malheureux immigr�s qui ne votaient. Non c�est bien nous qui avons les id�es p�trifi�es et le r�ve en berne.

Les nationalistes vont h�las opter pour un retour � la violence. Ils croient que c�est l� le seul langage que conna�t l��tat. Nicolas Sarkozy ne pourra y r�pondre que par la r�pression. Et nous allons rentrer dans le cycle infernal � r�pression-solidarit� � dont la Corse cr�ve depuis trois d�cennies.

Coinc�e entre son propre immobilisme, la violence des uns et l�incapacit� au progr�s des autres, la voie est �troite. Craignons seulement que le temps des assassins ne revienne. Car alors il faudra que tous ceux qui l�esprit commun chevill� � l��me se dresse pour qu�il n�y ait plus jamais d�Erignac, pr�fet ou �lu, continental ou �lu. Craignons ces le�ons des t�n�bres qui laissent filer les ann�es et d�truisent des g�n�rations.

Yvan Colonna a fait la diff�rence

En n�allant pas voter un certain nombre de nationalistes, qui entendaient protester contre l�arrestation d�Yvan Colonna, a fait la diff�rence la preuve que l�arrestation du militant recherch� n��tait pas � un bon coup � pour le oui. Il aurait suffit de 2000 voix pour que le camp du � oui � l�emporte. Selon nos informations, la plupart des militants d�Indipendenza a pr�f�r� aller � la p�che � la ligne trouvant scandaleux qu�on ait arr�t� Yvan Colonna. Ils auraient certainement pr�f�r� que celui-ci continue une cavale � laquelle les dirigeants du FLNC avaient d�ailleurs largement contribu� en � donnant � les membres du commando Erignac. Jean-Guy Talamoni a d�ailleurs rejet� la faute de Nicolas Sarkozy qui a d�clar� avoir arr�t� � l�assassin du pr�fet Erignac �. Un tel argument est particuli�rement infantile. Pourquoi ne pas oser dire que la Corse est rest�e archa�que et qu�elle a des difficult�s � avancer. Mais encore faudrait-il ajouter que les archa�smes se retrouvent chez les � l�galistes � mais aussi chez les partisans de la violence et de l�ind�pendance.

Belle victoire donc pour les partisans du � pire � qu�ils soient nationalistes ou anti-nationalistes. Leurs fr�res ennemis ont remport� la victoire tirant la Corse dix ans en arri�re.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s