Ouvrir dans une nouvelle fen�tre Affaire Al�gre : des policiers confus
Jul 29, 2003
Auteur: L'investigateur

Pourquoi la police a-t-elle cafouill� de pareille mani�re apr�s l�assassinat de Line Galbardi, 29 ans, battue � mort dans la nuit du 2 au 3 janvier 1992, � l'h�tel de l'Europe, par le tueur en s�rie et son complice pr�sum�, Lakdhar Messaoud�ne ? Y-a-t-il eu volont� de saboter l�enqu�te de la part des policiers et, si oui, pourquoi ? Le juge d'instruction, Serge Lemoine, cherche surtout � savoir si le substitut, Marc Bourragu�, d�j� mis en cause par Patrica, s�est rendu � l�h�tel de l�Europe.

Selon Le Parisien qui a eu acc�s � des dossiers de l�instruction, le 10 avril, le commandant de police, Jean-Pierre Zerr, 53 ans, un ancien officier de la S�ret�, affect� au groupe de recherche criminelle, a indiqu� au juge Lemoine s'�tre rendu sur les lieux du meurtre � 14 heures. � Il y avait le commissaire Authier et un substitut, je ne me rappelle plus lequel et je n'ai pas indiqu� son nom sur le proc�s-verbal. En effet, c'est une pratique r�cente que de personnaliser le membre du parquet. � Sous entendu � l��poque �a ne se faisait jamais. Il serait donc normal que le nom du subsitut ne soit pas mentionn�.

Toujours selon le Parisien, le 17 avril, un autre commandant en poste � la S�ret�, Francis Bernadou, 49 ans, le d�ment : � Il m'est arriv� de faire des proc�s-verbaux de transport sur les lieux d'un crime et si le substitut se d�pla�ait, on mentionnait de qui il s'agissait. � Cet officier ajoute : � C'est toujours comme cela. �

Mais le plus �tonnant, note le Parisien, c'est le t�moignage du commandant, Jean-Claude Jolibert, 51 ans, le 14 avril, devant le juge : � En ce qui concerne la mention du magistrat du parquet, je sais que je l'indiquais. Je dois vous dire que ce matin, je suis all� voir mon coll�gue Zerr, qui m'a pos� la question de savoir si je m'en souvenais. Je lui ai dit que non et il m'a dit que c'�tait M. Bourragu�. �

Jean-Pierre Zerr aurait donc cherch� � orienter le souvenir de ses coll�gues alors que lui-m�me a pr�tendu ne pas se rappeler du nom du substitut qui s��tait rendu sur place. Le juge Lemoine aurait, par ailleurs, fait photocopier les proc�s-verbaux de cinq dossiers criminels o� � le nom du substitut pr�sent est toujours indiqu� �. � De quoi ajouter � la confusion � �crit � juste titre J-M. Ducos dans le Parisien. Et cela n�apporte aucune lumi�re quant � la pr�sence ou � l�absence du substitut Bourragu�.

Le tableau de permanence des magistrats du parquet du 28 d�cembre 1991 au 4 janvier 1992 a �t� retrouv�. Le substitut de garde �tait le num�ro 23, Brigitte G., qui ne se serait pas d�plac�e. En d�autres termes, si son coll�gue Bourragu� �tait sur place, cela aurait �t� � titre officieux et donc � titre douteux.

� propos du r�le du veilleur de nuit, Gilbert Cartayrade, mis en examen pour complicit� d'assassinat de la prostitu�e et remis en libert� d�but juillet, Le Parisien note une contradiction entre le t�moignage du commandant Jolibert, qui, dans un rapport sur la mort de la prostitu�e notait � propos du veilleur de nuit, : � Je le soup�onnais de ne pas avoir dit � qui il avait donn� la cl� (NDLR : de la chambre d'h�tel), et qui avait utilis� la chambre. �

Tandis que de son c�t� le commandant Zerr affirmait le contraire au juge Lemoine : � � aucun moment, nous n'avons pens� que le veilleur de nuit puisse avoir un r�le quelconque. �.

Le r�le des policiers reste donc tr�s trouble. L�article du Parisien rappelle que Patricia avait r�v�l�, le 8 janvier de cette ann�e, avoir assist� au meurtre de Line. Elle assure qu'� l'�poque, terroris�e, elle n'avait rien dit sur l'ordre d'un policier. � Le 3 janvier 1992, poursuit-elle, elle est all�e voir le commandant Lionel Z., car � (elle) lui faisait confiance. �

� Je lui ai r�v�l� ce qui s'�tait pass� pour Line. Il me r�pond que, pour moi, il est temps de partir, que je dois faire une d�position et m'indique de n'en rester qu'aux g�n�ralit�s� Il m'accompagne devant ses coll�gues, qui, d'ailleurs, ne me poseront aucune des questions que vous me posez� Lionel m'avait dit que l'affaire allait �tre class�e. �

Le commandant Zerr, qui a produit, chez le juge, le tableau des vacances des policiers, sign� du chef de service, assure de son c�t� que Lionel Z. �tait � absent du 30 d�cembre au 16 janvier 1992. � En pareil cas, il n�aurait donc pas pu recevoir Patricia.

Un autre policier, Michel Moreau a affirm� que c��tait lui qui avait re�u le t�moignage de la prostitu�e. � Interrog� par le juge Lemoine, le major Michel Moreau explique que c'est lui qui a interrog� Patricia � l'�poque : � Mon sup�rieur me demandait de trouver des filles susceptibles d'avoir travaill� en m�me temps qu'elle. Il �tait envisageable que Patricia, que je connaissais, puisse me donner des renseignements. Je l'ai convoqu�e. � Pourtant cette derni�re a maintenu son t�moignage.

Autant de t�moignages � �claircir afin de savoir si nous nous trouvons devant une op�ration savamment mont�e pour �touffer l�assassinat de Line Galbardi ou devant des m�moires d�faillantes. En attendant, l�enqu�te cons�cutive � ce meurtre a �t� en dessous de tout. Il y a eu pour le moins de graves fautes professionnelles et, au pire, un sc�nario digne d�un mauvais film am�ricains traitant des ripoux.

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*** Pourquoi le prox�n�te Lakhdar Messaoud�ne a-t-il pu �chapper � la justice aussi longtemps ? ***

L'ex-prox�n�te n'avait pas m�me �t� interrog� en 1992 sur la mort de Line Galbardi alors qu'il �tait soup�onn� d��tre son souteneur et de viols sur mineure. Pourquoi de telles lacunes ?

Lakdhar Messaoud�ne, 40 ans, a �t� aussit�t mis en examen pour complicit� d'assassinat dans le meurtre de la prostitu�e Line Galbardi, commis dans la nuit du 2 au 3 janvier 1992. Et parce que son alibi �tait justifi� par une for�t de tampons sur un passeport devenu illisible, il a �t� �galement mis en examen pour � faux et usage de faux documents administratifs �. Le passeport est en cours d'expertise au laboratoire de la gendarmerie nationale.

Mais ce sinistre personnage, qui a longtemps �chapp� � la justice �tait pourtant convaincu de prox�n�tisme et de viol. Selon les dossiers de justice, Lakhdar Messaoud�ne avait fait l'objet d'une enqu�te pour prox�n�tisme aggrav� d�s le 17 novembre 1991.

Le Parisien donne des pr�cisions sur cette enqu�te : � Une jeune fille de 16 ans, Magalie, est surprise dans une voiture en train de se prostituer par une patrouille de gendarmes. Elle leur raconte comment elle a �t� prise en main par Lakhdar qui lui fournit des v�tements sexy et l'h�berge depuis septembre. Elle explique aussi comment Patricia, le t�moin cl� de l'affaire Al�gre, l'a mise en contact avec ce souteneur. Lakhdar lui prend tout l'argent des passes (jusqu'� quatorze par soir) et la viole � son domicile. Pendant trois semaines, les gendarmes filent le prox�n�te et rep�rent ses points de chute.

La mineure d�pose plainte ainsi que son p�re le 3 f�vrier 1992. Entre-temps, Nathalie, une autre prostitu�e, �g�e de 19 ans � l'�poque, � l'enfance douloureuse et m�re d'un petit gar�on de 2 ans plac� � la Ddass, vend ses charmes pour subsister dans le quartier de la gare Matabiau. Patricia l'a aussi pr�sent�e � Lakhdar, qui, assure Nathalie, � me prenait tout l'argent et me procurait les pr�servatifs �. Mais le prox�n�te a des projets pour la jeune femme, qu'il veut placer sur le trottoir � Marseille.

Elle refuse car elle veut surtout conserver son droit de visite � son fils tous les quinze jours. Elle d�pose plainte et Lakhdar sera finalement arr�t� le 24 janvier 1992 � son QG, le bar de la Meuni�re, par les inspecteurs Brousse et Bernadou de la s�ret� toulousaine.

Jean-Marc Ducos conclut : � Mais jamais Lakhdar, qui �tait alors le souteneur de Line Galbardi, n'a �t� interrog� sur le meurtre de cette derni�re, commis trois semaines plus t�t ni sur son emploi du temps � l'�poque. Nathalie a d�clar� le 27 janvier 1992 devant les gendarmes que, selon elle, � le 20 d�cembre, il est parti en voyage en Espagne avec sa voiture �. � Magalie, il a dit qu'il �tait parti aux Canaries ou au Maroc. � Pourquoi, lorsqu'on arr�te un prox�n�te connu et surveill�, ne lui pose-t-on pas la moindre question sur une fille assassin�e dans le quartier ? �trange non ? Cet homme a la baraka �, s'indigne Me Georges Catala, l'avocat de la famille de Line.

Lakhdar, incarc�r� le 27 janvier 1992, a �t� condamn� � trois ans de prison par le tribunal correctionnel, le 4 novembre 1992 pour � prox�n�tisme aggrav� �. Il sera expuls� en Alg�rie au terme de sa peine au printemps 1995. � Les deux viols commis sur Magalie ont �t� pass�s � la trappe, rel�ve M e Catala. � l��poque, � Toulouse, on peut se faire violer � 16 ans sans que cela entra�ne un r�flexe de l'institution judiciaire. �

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