Ouvrir dans une nouvelle fen�tre L�incendie de la Gravone menace de s��tendre en Haute-Corse
Jul 24, 2003
Auteur: L'investigateur

L'incendie de la vall�e de la Gravona en Corse-du-Sud, poursuivait mercredi matin sa progression en direction de la vall�e du Cruzzini et de la for�t s�culaire de Vizzavona apr�s avoir parcouru plus de 3.000 ha de maquis et de for�t en une semaine. Il menace maintenant de br�ler en Haute-Corse et de devenir le pire sinistre que la Corse ait jamais connu. Le Premier ministre doit venir pour la troisi�me fois en Corse mais cette fois-ci, pour contempler les feux de maquis.
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"La situation est loin d'�tre stabilis�e", a expliqu� dans la matin�e un responsable des services de secours en indiquant qu'un d�tachement d'intervention h�liport� d'une trentaine d'hommes a �t� transport� � la lisi�re nord-est du feu pour tenter d'enrayer sa progression. Ils sont �paul�s par trois h�licopt�res, deux Pumas et un appareil de reconnaissance et de coordination Gazelle.

De plus, des portions incandescentes rep�r�es sur le col de la Vizzanova laissent craindre une extension de l'incendie au-del� de la montagne, mena�ant le d�partement de la Haute-Corse.

Des conditions m�t�orologiques difficiles avec des pr�visions de vent de 50km/h pour jeudi suscitent en effet l'inqui�tude des secours, qui redoutent une propagation fulgurante si les flammes devaient atteindre cette r�gion foresti�re. Pompiers et personnels de l'Office national des for�ts (ONF) se sont rendus sur les lieux en reconnaissance.

L'action des secours de la Gravona a �t� fortement perturb�e mardi soir par la naissance d'un second incendie d�origine criminelle entre Appietto et Afa, au nord d'Ajaccio. Celui-ci a d�j� parcouru 200 ha et mobilis� une cinquantaine d'hommes et des moyens a�riens. Toutefois, ce feu semblait contenu ce mercredi matin.

Dans la vall�e de la Gravona, les pompiers ont allum� dans la matin�e un "br�lage dirig�" autrement dit un contre-feu, de quelques m�tres de large sur 600 � 800 m de long, pour bloquer la progression de l'incendie avant qu'il n'atteigne la RN 193 qui relie Ajaccio � Bastia. D'autres contre-feux �taient � l'�tude pour enrayer la course de l'incendie, notamment vers la vall�e du Cruzzini. La population se demande pourquoi cette technique qui �tait celle des anciens, n�a pas �t� utilis�e plus t�t.

Les soixante marin-pompiers de Marseille, d�j� pr�sents sur le terrain ont re�u des renforts en mat�riel d'intervention pour am�liorer leur capacit� op�rationnelle. Un d�tachement d'une trentaine d'hommes de la S�curit� civile de Brignoles (Var) est attendu en renfort dans la matin�e.

Pour l'heure, quelque 300 pompiers sont engag�s dans cette zone de cr�te inhabit�e, sur les communes de Vero, Ucciani et Boccognano, Tavera et Pastricciola.

Les cons�quences des incendies


Avec la d�prime agricole, au milieu du XXe si�cle, la disparition des bergers et des transhumances, le tourisme et ses impacts comme les r�sidences de vacances, la for�t m�diterran�enne a progress� en Corse. Elle est surtout devenue peu � peu imp�n�trable, faute d'entretien et de rentabilit�. Les sentiers mal entretenus ont fortement ralenti l�avance des pompiers dans la vall�e de la Gravone. Avec les conditions climatiques estivales souvent caniculaires, ce milieu offre alors au moindre d�part de feu un foyer de combustion id�al � Circonstance aggravante, les arbustes des garrigues rec�lent des "essences" et des "huiles" extr�mement inflammables � et br�lent comme des feux d�artifice. L�heure la plus redout�e des pompiers est celle du z�nith. Les arbres rejettent alors dans l�atmosph�re des gaz inflammables.

La recolonisation par les v�g�taux et la faune est variable selon l'intensit� et les surfaces d�vast�es. Selon Louis Trabaud, du centre d'�cologie fonctionnelle et �volutive du CNRS elle peut prendre 5 ans. Mais quand le feu passe successivement sur certains sites, il para�t difficile la diversit� floristique d'origine se r�g�n�re. Le sol est alors colonis� par les esp�ces les plus r�sistantes et donc le plus souvent par des esp�ces allog�nes. Dans l'ordre, les insectes rampants et les papillons sont parmi les plus touch�s par les incendies (100 %) puisqu'ils n'ont aucun moyen de fuir la fournaise. En Corse, par exemple, beaucoup d�esp�ces de papillon sont d�truites apr�s le passage d�un incendie. Araign�es et scorpions sont aussi enti�rement d�truits. Les reptiles, les couleuvres en Corse, p�rissent aussi. La tortue d'Hermann, autrefois pr�sente dans tout le Sud de la France et aujourd'hui relictuelle dans les Maures et en Corse, meurt faute de pouvoir s��chapper. Les oiseaux cavernicoles (pics, m�sanges, sittelle �), pris dans les fum�es, br�lent souvent en propageant le feu qui a pris dans leurs plumes tout comme les renards et dans une moindre mesure les sangliers.. S�ils survivent ils perdent leur niche et se replient vers d'autres r�gions.

Puis il y aura les cons�quences : la r�gion bois�e m�diterran�enne est un site d'hivernage pour des millions de passereaux d'Europe du nord et dans le cas de grands incendies, ces oiseaux ne trouvent plus leur site de nourrissage habituel o� les baies abondent en saison froide (lentilles, myrte, viorne, arbousier �). � cela s'ajoute la disparition du couvert v�g�tal, qui entra�ne l'�rosion de sols souvent peu �pais, laissant la roche � nu, l'effet �ponge des for�ts ne retient plus l'eau.

Si l�automne est pluvieux, il s�en suivra des effets dits canyoning qui entra�nent des inondations souvent catastrophiques qui emportent tout sur leur passage. Il suffit de constater dans la r�gion de Corte les effets des incendies allum�s par les bergers pour se rendre compte que contrairement � une l�gende tenace, le maquis ne retrouvent pas toujours ses droits.

Les responsabilit�s humaines


Depuis 1973, o� a �t� initi� le programme Prom�th�e, une base de donn�es sur les incendies dans les 15 d�partements des r�gions PACA (Provence, Alpes, C�te d'Azur), Corse et Languedoc, plus de 731 000 ha de for�ts, de garrigues et de landes sont parties en fum�e d�truisant parfois irr�m�diablement le patrimoine naturel m�diterran�en. Selon les statistiques du CEMAGREF*, associ� au programme Prom�th�e, au moins 80 % des feux auraient pu �tre �vit�s, sans l'irresponsabilit� humaine. Flore et faune disparaissent souvent pour plusieurs ann�es pour des centaines d'esp�ces. En m�prisant l'environnement, en urbanisant les abords des for�ts, en multipliant les infrastructures routi�res, ferroviaires, les lignes �lectriques� et pour des causes irrationnelles (n�gligences, impr�voyance, b�tise, criminalit� �) l'homme produit presque � chaque fois l'�tincelle incendiaire. La foudre, seule cause naturelle, ne provoque que 6 % de d�parts de feu. Travaux agricoles et forestiers, jardinage (compost, br�lis, tondeuse �), barbecues, cigarettes sont � l'origine de 42 % des incendies selon l'observatoire de la for�t m�diterran�enne. 13 % sont occasionn�s par les automobiles et les trains et 9 % par les lignes �lectriques. Les d�p�ts d'ordures entra�nent des d�parts de feu dans 6 % des cas. Quant � la malveillance, elle est variable selon les r�gions, mais peut atteindre 14 % de l'origine des d�parts de feu. Jalousie, conflits de voisinage c�toient la pathologie des pyromanes fascin�s par le feu ou par les canadairs. En Corse, l'�cobuage irresponsable et la tradition pastorale consistant � incendier le maquis pour d�gager le passage des b�tes est vraisemblablement � l'origine d'une grande part des sinistres, les traditions techniques rigoureuses de ces pratiques �tant pass�es � la trappe : on allume et basta ! Il faut aussi y ajouter la jalousie entre sections de chasseurs. Ainsi, les deux d�partements corses totalisent plus de 29 000 incendies depuis 30 ans et chaque ann�e pr�s de 10 000 ha br�lent : un record ! Malgr� la loi qui soumet durant au moins 10 ans l'octroi d'un permis de construire, sur un site bois� ayant br�l�, � une autorisation minist�rielle, il semble au vu de l'urbanisation galopante dans les r�gions "r�sidentielles" que les contingences de cet article soient assez souples. En Corse en tous les cas, un incendie n�a jamais emp�ch� l�octroi de permis de construire.

(source d�une partie de l�information C.WEISS, les journalistes �crivains pour l��cologie )

Les incendies ne sont pas une fatalit�


AMBIANTE N� 17 ( octobre � d�cembre 2000) publiait un appel d�U levante une organisation �cologiste corse dat� du 27 ao�t 2000 apr�s le terrible incendie qui avait d�vast� durant l��t� 2000 la vall�e de la Ristonica et une partie des hauteurs de Vivario. Aujourd�hui l�incendie parti de la vall�e de la Gravone menace de faire la jonction avec les montagnes d�vast�es il y a trois ans. D�autres for�ts s�culaires comme celle de Calenzana ont �galement �t� r�duites en cendres. Contre une telle catastrophe �cologiste, provoqu�e par des criminels insulaires, l�appel d�U Levante reste h�las d�actualit�.

Nos for�ts sont un patrimoine exceptionnel en M�diterran�e. Un patrimoine � haute valeur �cologique et �conomique. Aucune autre �le m�diterran�enne ne poss�de ces extraordinaires for�ts d'altitude, aux arbres pluricentenaires. Aujourd'hui Vizzavona, Muracciole, Sorba, Ghisoni, Bastelica, A Restonica, U Tavignanu br�lent. Demain toute la Corse.
La Restonica, notre Restonica est en cendres.
C'�tait pourtant un lieu merveilleux. C'�tait une rivi�re b�nie des Dieux. C'�tait un joyau.
Aujourd'hui nous savons que vous pleurez comme nous pleurons une vall�e et des for�ts que nous aimons tous du plus profond de notre coeur.
Nous savons que notre tristesse est votre tristesse, notre col�re est votre col�re, notre d�go�t votre d�go�t, notre r�volte votre r�volte.
Une partie du patrimoine de la Corse est en cendres. Regardez le cortenais.
Hier, derri�re vous le Tomboni, pel�, la colline au dessous du relais, pel�e, la pente au dessus de St Pancrace, pel�e, aujourd'hui A Restonica et U Tavignanu. C'est une honte.
Mais les incendies ne sont pas une fatalit�. Les feux ne sont pas accidentels.
Un incendie ne part pas tout seul. Il ne part pas sans une allumette craqu�e par un ou des incendiaires. Et les incendiaires ne sont pas des touristes. Ne nous mettons pas des ∫ill�res : les incendiaires sont parmi nous. Ce sont des habitants d'ici. Ils attendent que les conditions m�t�orologiques soient d�favorables, l'�t�, les jours de grand vent ou les p�riodes de grande s�cheresse et alors, tous ensemble, ils allument chacun dans leur coin leur incendie. Il n'y a alors plus aucun moyen ni au sol ni a�rien qui puisse arr�ter 50 feux r�partis sur toute l'�le y compris autour des villages mettant en danger les vies humaines.
Et si nous avons honte pour les incendiaires, nous avons aussi la rage contre eux. Car ils mettent le feu volontairement. Ils allument volontairement les incendies. Qu'ils veuillent se venger d'un tel ou d'un autre, qu'ils soient �leveurs ou chasseurs ou n'importe quoi, malades ou non, ce sont des criminels.
Et qu'on ne nous fasse pas dire ce que nous ne disons pas. Tous les �leveurs ne sont pas des brebis galeuses, tous les chasseurs ne sont pas des sangliers enrag�s, loin de l�. Et nous le savons.
Mais tous les incendiaires sont des assassins. Ils assassinent les for�ts, ils assassinent la faune, ils tarissent les sources, ils mettent � nu la roche. Ils installent le d�sert. Ils assassinent la Corse et les Corses. Eux n'aiment pas la Corse.
Allons-nous laisser d�truire tout notre patrimoine sans nous r�volter? Allons nous laisser � nos enfants une terre br�l�e et st�rile?
Puisque les incendiaires ont d�clar� la guerre � la vie et � la Corse, d�clarons la guerre aux incendiaires. Car ils ne nous laissent pas le choix. Car nous n'avons pas d'autres choix.
Nous sommes l� pour le crier. Nous sommes l� pour les condamner car nous les condamnons. Ces criminels doivent �tre arr�t�s et mis hors d'�tat de nuire.
Si vous connaissez des incendiaires, allez les voir, tentez de les raisonner, de les convaincre. Certains d'entre vous l'ont d�j� fait avec succ�s. Dites leur que jamais plus vous n'accepterez qu'ils mettent le feu. Car c'est un appel citoyen que nous lan�ons. Que tous ceux qui connaissent un incendiaire interviennent et agissent pacifiquement mais de mani�re d�termin�e.
Nous qui essayons de vivre dignement et simplement dans cette �le que nous aimons et que nous respectons, nous disons aux incendiaires qu'ils ne m�ritent pas d'habiter cette terre de Corse.
Et que la honte soit sur eux.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s