Proc�s Erignac : un sentiment de confusion
Jun 9, 2003
Auteur: L'investigateur

La Corse corse, voil� le ciment (on n�ose � peine dire id�ologique) des huit nationalistes qui comparaissent devant la cour d'assises sp�ciale de Paris pour l'assassinat du pr�fet Erignac, tant ils sont apparus diff�rents lors de l'examen de leur personnalit�. Ce proc�s est � l��vidence celui d�un assassinat commis pour des raisons politiques et non de droit commun. C�est �vident et le nier ne sert qu�� rabaisser des hommes qui, au vu de leur solitude, ne manqueront pas un jour de regretter leur acte.

Agriculteurs, comptable, gardien de nuit ou enseignants, tous sont nationalistes et tous ont grandi politiquement dans une violence omnipr�sente dont ils n�ont m�me plus conscience. Comprendre leur geste n�est certainement pas l�excuser mais au contraire le diss�quer afin qu�il ne se reproduise plus jamais.

Affirmons d�abord qu�il est un geste unique dans l�histoire de la Corse. En ce sens il ne saurait �tre consid�r� comme l�a fait � A Tramula � comme la cons�quence de trente ann�es de lutte. Affirmons �galement que le nationalisme est une partie incontestable de l��chiquier politique corse. Mais il est souvent l�expression de frustrations et de m�contentements plus que d�un v�ritable projet politique.

Le seul qui fasse exception dans le lot est Jean Castela. C�est un Ni�ois �lev� dans le culte de l�ind�pendance puisque son p�re se bat � Nice pour la s�cession de cette avec la France. Il est tomb� sous le charme de l��le et a voulu y rester. Son �pouse �tait militante de la Cuncolta, organisation qu�il a � son tour int�gr�. Tous ceux qui l�ont connu d�crivent un homme intelligent, terriblement ambitieux et soucieux de jouer un r�le historique dans cette �le dont il aurait voulu �tre un enfant. C�est un id�ologue qui n�h�site pas � mouiller sa chemise. Consid�r� comme l'inspirateur de l'assassinat - ce qu'il conteste -, il p�se et soup�se chacun de ses mots, fait de tr�s longues phrases pour expliquer que si "tout assassinat est un drame", il peut "comprendre" la violence "dans certaines circonstances politiques".

Lui l�ancien marxiste s�est d�couvert une passion pour le catholicisme. Il assure, qu'apr�s discussion avec un aum�nier il "ne se sent pas en capacit� de juger", position un peu facile alors qu�il aurait pu au moins se r�fugier derri�re la maxime c�l�bre de Jean-Guy Talamoni : � Je condamne l�acte mais pas ses auteurs. � Mais peut-�tre Castela n�est-il pas en mesure de prononcer une phrase pareille devant des hommes qui savent autre chose de lui.

�galement enseignant, Vincent Andriuzzi impressionne avec ses phrases au pass� simple et ses longues explications sur l'organisation du syndicat nationaliste des enseignants. Ce qui est aussi vrai, c�est qu�en Corse on parle de lui comme d�un homme qui aurait fait partie sur Bastia de la direction du FLNC alors que lui se d�finit uniquement comme un sympathisant de la Cuncolta.

Joseph Versini, est agriculteur et producteur de salaison. Il raconte son "parcours du combattant", son exploitation qu'il va mettre "20 ans � cr�er", son action politique en ayant "tout essay� pour (se) faire entendre, mais rien trouv� d'autre que la violence".

Le plus surprenant dans cette premi�re semaine c�est de trouver dans la bouche des m�mes personnes la description de situations que l�on trouve partout ailleurs en Europe : agriculture difficile, fin de mois probl�matiques etc. et des cons�quences autrement dramatiques : attentats, violence, assassinat. Imaginons seulement que tous les paysans de toutes les r�gions d�ficitaires du continent de mettent � plastiquer et � tuer. Non seulement les probl�mes n�avanceraient pas mais l�Europe se retrouverait en quasi �tat de guerre civile.

Versini reconna�t qu'il lui est "difficile de condamner la violence. Moi, j'ai �t� jusqu'� commettre un attentat, � Pietrosella". Il est aussi soup�onn� d'avoir organis� l'assassinat du pr�fet mais pas d'y avoir activement particip�.
Alessandri, exploitant une distillerie de parfums du maquis, a lui aussi parl� du "nationalisme des tripes", de "prise de conscience visc�rale".

L'instruction a vu deux groupes. L'un "intellectuel" avec les deux enseignants, accus�s d'�tre les inspirateurs de l'assassinat du pr�fet, venant du nord de la Corse. L'autre "ex�cutant" compos� des employ�s, ouvriers, agriculteurs, originaires de Corse-du-Sud.

La premi�re semaine d'audience n'a pas permis de distinguer les deux groupes, ni de comprendre ce qui pouvait les r�unir au point, selon l'accusation, de les pousser � assassiner un pr�fet.

Les d�bats les plus importants commenceront cette semaine, une semaine qui risque elle aussi d��tre marqu�e par des violences mais commises par les syndicats cette fois-ci.

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