Al�gre a parl� pour la premi�re fois mais l�enqu�te est � en danger d��touffement �
Jun 2, 2003
Auteur: L'investigateur

Le tueur en s�rie Patrice Al�gre a pour la premi�re fois confirm� les dires des deux anciennes prostitu�es mais la personnalit� du nouveau procureur, celle de l�avocat de Dominique Baudis et une note de la direction de la gendarmerie font craindre le pire pour l�enqu�te.

Le tueur en s�rie Patrice Al�gre a spontan�ment demand� � parler devant un juge de Toulouse pour confirmer en partie les all�gations de deux ex-prostitu�es toulousaines qui secouent la ville depuis deux mois. Sa d�position a �t� recueillie par le juge Serge Lemoine. "Il a parl� au juge � sa demande. Au cours de cette d�claration, il a en partie confirm� les d�clarations des deux anciennes prostitu�es", a dit Me Pierre Alfort, avocat de Patrice Al�gre.

Pour la premi�re fois, le tueur en s�rie aurait avou� avoir assassin� en janvier 1992 la prostitu�e Line Galbardi. Il aurait �galement �voqu� pour la premi�re fois les suppos�es soir�es sado-masochistes impliquant des personnalit�s, racont�es � la justice par les ex-prostitu�es "Fanny" et "Patricia". On ignorait dans l'imm�diat si le tueur en s�rie avait ou non d�sign� des personnes et s'il avait ou non confirm� avoir b�n�fici� de protections polici�res et judiciaires, comme l'affirment les deux m�mes t�moins.

Les aveux concernant le meurtre de Line Galbardi, jusqu'ici ni� par le tueur, constituent � eux seuls une avanc�e importante de l'enqu�te. Cet �pisode semble en effet crucial, et c'est en enqu�tant sur lui que les gendarmes ont recueilli les d�clarations de "Fanny" et "Patricia". "J'ai cru comprendre qu'au cours de l'audition de vendredi, Patrice Al�gre aurait finalement reconnu les circonstances de l'assassinat de Line Galbardi", a d�clar� samedi Me Georges Catala, avocat de la famille Galbardi et de "Fanny". "Il semble donc que la v�rit� avance � grands pas dans ce dossier et que ce que disent les deux anciennes prostitu�es est pertinent", a-t-il ajout�.

� la crois�e des chemins

Mais alors que l�enqu�te devait tout � la cellule Homicide 31 de la gendarmerie des changements � sa t�te avait fait dire aux avocats des anciennes prostitu�es qu�il existait de s�rieux risques d�enlisement de l�enqu�te. Il faut comprendre par l� que cette � affaire � qui met en cause les piliers m�me de l��tat � Toulouse, est per�ue par le plus haut sommet de l��tat comme un danger. Il faudrait donc selon certaines rumeurs mettre fin � � l�affaire Al�gre � comme on a vraisemblablement mis fin � l�affaire Emile Louis qui, elle aussi mettait en cause des magistrats et des notables, l� encore dans des pratiques sadiques et meurtri�res.

Plusieurs �l�ments viennent accro�tre l�inqui�tude que l�on peut l�gitimement ressentir en tant que t�moin.

En premier lieu, la nomination du nouveau procureur Michel Barrau recr�� un cocktail d�tonnant avec l�avocat de Dominique Baudis, Francis Spizner. C�est le m�me que celui des HLM de Paris qui mettait en cause Jacques Chirac en personne. Car Francis Spizner est aussi l�avocat du Pr�sident. C�est aussi l�homme qui a � arrang� � la mort d�un juge fran�ais � Djibouti. Bref c�est un homme � indispensable �. Quant � Michel Barrau qui officiait en tant que procureur de Cr�teil, c�est un personnage bien connu. Ses coll�gues le surnomment affectueusement � l�Effaceur �. Il avait en charge la plupart des dossiers br�lants pour Jacques Chirac et instruit par le juge Halphen. Or le procureur Barrau a �t� accus� de mani�re peu courtoise par le juge Halphen d�avoir tout simplement fait dispara�tre les affaires � sur ordre � et ce dans un livre qui a fait grand bruit : � Sept ans de solitude �.

Le juge Halphen avait �t� condamn� � 1000 euros pour diffamation ce qui, somme toute, est modeste. Voici ce qu��crivait le Canard Encha�n� : � Le tribunal, qui rendait son jugement en d�lib�r�, a jug� M. Halphen coupable de "diffamation publique" pour deux des trois passages incrimin�s par le plaignant. Il a �galement condamn� l'ancien juge et son �diteur, Deno�l, � verser chacun un euro de dommages et int�r�ts � Michel Barrau. La condamnation est assortie d'une obligation de publication du jugement dans la presse. Les deux passages contest�s devront �tre supprim�s dans les �ditions ult�rieures du livre, qui avait �t� publi� en mars 2002. L'ancien juge, en disponibilit� depuis janvier 2002, accusait notamment le procureur d'avoir tent� de "bloquer" son instruction dans l'affaire des HLM de Paris. Lors de l'audience, le 1er octobre, �ric Halphen avait d�fendu la v�racit� de ses propos, tandis que le minist�re public, d�non�ant son "attitude totalement d�loyale", r�clamait une "forte amende" et la publication du jugement. "La fa�on dont le dossier des HLM de Paris a �t� trait� est exemplaire car c'est r�v�lateur d'un certain fonctionnement de notre d�mocratie et j'ai voulu l'illustrer d'exemples", avait d�clar� M. Halphen, apr�s avoir fait �tat de "relations tendues" entre M. Barrau et lui-m�me. De son c�t�, Michel Barrau s'�tait dit "p�trifi� par cet acc�s de haine dans le livre", dont il avait r�fut� la teneur. �

Barrau� Spizner� Tout cela ressemble bien � de grandes man�uvres destin�es � d�gager en touche. On apprend gr�ce � des indiscr�tions que de myst�rieuses r�unions tenues entre Barrau et Perben ont permis de mettre au point une tactique : il faut d�abord combattre les fuites judiciaires de mani�re � arr�ter l�h�morragie. Puis (mais c�est au conditionnel) il faut d�cr�dibiliser les t�moignages des anciennes prostitu�es. Cela a d�ailleurs commenc� avec la rocambolesque attaque de Baudis contre l�industrie du porno. Deuxi�me volet : affirmer que ces pauvres filles ne sont en d�finitive que des prostitu�es (et merci pour l��galit� des citoyens). On se demande d�ailleurs � Toulouse qui a bien pu aiguiller le travesti Djamel, t�moin totalement improbable, vers les cam�ras de TF1.

Une note de la gendarmerie

Plus troublant encore est cette note remise au minist�re de l'Int�rieur le 21 mai par la Direction g�n�rale de la gendarmerie nationale (DGGN) et publi�e dimanche dans le Monde, qui soulignait que "les �l�ments mat�riels d�crits par les t�moins n'ont pas �t� d�couverts" et estimait que les t�moignages de Fanny et Patricia "apparaissent pour l'instant d'une cr�dibilit� douteuse".

� La DGGN commence classiquement par un rappel des faits, concernant l'arrestation de Patrice Al�gre, les viols et les meurtres qui lui sont imput�s, ainsi que le d�clenchement de nouvelles investigations � Toulouse. Puis, en quelques lignes incisives, la direction g�n�rale de la gendarmerie semble mettre en pi�ces les fondements m�mes de l'enqu�te sur le r�seau Al�gre.

La note explique ainsi que les accusations des deux ex-prostitu�es, "Fanny" et "Patricia", "apparaissent pour l'instant d'une cr�dibilit� douteuse". Le 22 mai, ces deux t�moins cl�s ont confirm� devant les juges d'instruction Nicole Bergougnan et Thierry Perriquet leurs premi�res d�clarations aux gendarmes, selon leurs avocats. Mais, pour la DGGN, " les �l�ments mat�riels d�crits par les t�moins n'ont pas �t� d�couverts".

L'existence d'un r�seau "dirig� par Al�gre visant � alimenter des �tablissements de prostitution toulousains n'est pas d�montr�e", poursuit la note. Quant aux magistrats et � l'ex-maire de Toulouse, Dominique Baudis, mis en cause par les deux ex-prostitu�es, leur "participation -...- n'est pas prouv�e". �

Le quotidien du soir concluait : � Reste que la retenue qui transpara�t dans la note contraste avec les r�cents d�veloppements de l'affaire. Depuis que, le 12 mai, Patrice Al�gre a reconnu avoir pris un ap�ritif avec un substitut du procureur, quatre personnalit�s ont elles-m�mes r�v�l� par voie de presse qu'elles �taient mises en cause, niant toute implication dans le dossier : l'ex-substitut Marc Bourragu�, Dominique Baudis, le procureur g�n�ral Jean Volff et le substitut g�n�ral Jean-Jacques Ignacio. Vendredi 30 mai, Patrice Al�gre a �t� � nouveau entendu par un juge.

L'extr�me prudence de la DGGN est partag�e par le minist�re de l'int�rieur, qui observe un rare silence sur le sujet, ainsi que par Dominique Perben. Le garde des sceaux a annonc� jeudi 22 mai avoir demand� l'ouverture "d'une enqu�te sur les conditions dans lesquelles le secret de l'instruction est ou non respect� par les diff�rents acteurs de la justice" dans l'affaire Al�gre. Il s'agira de la premi�re mission de Michel Barrau, nouveau procureur g�n�ral de Toulouse nomm� en conseil des ministres mercredi. �

Pour faire bref, le minist�re de Nicolas Sarkozy et celui d�Alliot Marie aimeraient bien que tout cela n�ait pas eu lieu. La pr�sidente du Syndicat de la Magistrature elle aussi a craint en termes d�tourn�s, craint l��touffement de l�affaire.

Les premiers aveux d�Al�gre

Dominique Perben avait charg� le nouveau procureur g�n�ral d'apporter un "�il neuf". Le terme est terrible car on ne voit pas tr�s bien pourquoi il faudrait un autre regard sur cette horrible affaire. Cela se passait lors de la r�union tenue au minist�re de la justice le mercredi 28 mai devant les 34 procureurs g�n�raux de France. Le ministre Perben quelques jours plus tard d�barquera le procureur Volff en se plaignant que celui-ci ne l�ait pas tenu au courant. Il devrait lire la presse. Et puis, rappelons-nous de l�affaire Voirain, ce premier substitut, adjoint au procureur de la R�publique du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui a �t� incarc�r� pour de multiples d�lits et pas des moindres. Voirain avait d�j� �t� cit� dans l�affaire de la MNEF mais le ministre n�avait jamais �t� tenu au courant au point qu�il le proposait pour une promotion. Perben c�est le d�sordre assur�.

Voirain, magistrat de la droite extr�me, bien sous tous rapports moralistes, avait fini en prison dans le cadre d'une affaire de blanchiment d'argent entre la France et Isra�l, une mesure extr�mement rare.

Le ministre de la Justice est d�sormais tr�s embarrass� par la d�marche de Patrice Al�gre. En prenant les devants et en se confiant au juge, il jette un pav� dans la mare. D�sormais, impossible de le supprimer et impossible de nier les propos des deux t�moins. Pire la bo�te de Pandore est ouverte et la quantit� de boue qui risque de s�en �chapper n�est pas quantifiable.

La presse a un r�le de surveillance d�terminant � jouer dans le cadre de cette affaire que l�on va in�vitablement chercher � tuer dans l��uf. Les journalistes doivent �tre impitoyables et d�noncer toute atteinte aux droits de la justice que la justice sait si bien fouler aux pieds quand � l�int�r�t sup�rieur de la nation � l�exige. Souvenons-nous de la France du monarchiste Charles Maurras � propos du capitaine Dreyfus : � M�me si Dreyfus �tait innocent l�int�r�t de la nation exigeait qu�il f�t coupable ;. �

Lire �galement : TF1 aurait pay� les confidences de Djamel

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