La visite de Jean-Pierre Raffarin et du ministre de l'Int�rieur Nicolas Sarkozy samedi en Corse a tourn� � la d�b�cle. Comme il �tait pr�visible, des manifestants entendaient contester les deux hommes d�s leur arriv�e � Bastia. Des �chauffour�es ont �clat� � l'a�roport de Bastia, qui ont contraint le Premier ministre � annuler une r�union publique.
Une centaine de manifestants de l'organisation altermondialiste Attac et de syndicats les attendaient � son atterrissage � l'a�roport de Bastia, o� ils devaient r�unir ses partisans en faveur du "oui" au r�f�rendum r�gional du 6 juillet prochain sur la r�forme des institutions de l'�le. Gr�ce � l�incomp�tence hors du commun du pr�fet de Haute-Corse, les manifestants avaient pu encercler le lieu du meeting et se tenaient pr�ts � l�affrontement des pierres � la main.
"Raffarin d�mission, Chirac en prison", scandaient les manifestants, contenus par un fort service d'ordre. Par ailleurs, nos deux ministres, vraisemblablement peu au fait des choses de Corse, ne savaient visiblement pas qu�un samedi, les insulaires sont pour la plupart au village ou � la plage. Le chapiteau devant accueillir la r�union �tait aux trois quarts vides. Le Premier ministre, rejoint par Nicolas Sarkozy, a alors d�cid� de se replier sur les locaux de l'a�roport ce qui n�est pas le signe d�une victoire annonc�e.
Les manifestants ont alors envahi le hall et repris leurs slogans hostiles. Pendant que les forces de l'ordre d�gageaient les protestataires sans m�nagement, usant m�me de gaz lacrymog�ne, Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy s'adressaient au premier �tage des locaux � leurs partisans, juch�s sur des chaises en plastique, derri�re un cordon de policiers. Avec des allures traqu�es, les deux hommes livides, vacillant sur des si�ges incertains, haranguaient leur tr�s maigre foule.
"Nous savons, nous, que le visage qui est donn� n'est pas celui de la vraie Corse. c'est le visage de ceux qui exploitent les difficult�s de la Corse pour la laisser dans l'immobilisme et le sous-d�veloppement", a dit Nicolas Sarkozy.
Deuxi�me erreur �poustouflante des services de police : des opposants, pourtant facilement identifiables avaient pu s�infiltrer dans la foule. Ils ont alors injuri� le Premier ministre avec une violence inou�e, l'obligeant � �courter son intervention improvis�e et � remonter dans l'avion vers Ajaccio plus vite que pr�vu.
Ce n��tait plus une retraite mais une fuite �perdue ce qui en Corse ne pardonne gu�re. Dans le monde m�diterran�en on aime les puissants � puissants � et non les poussahs fuyants.
"Ne nous laissons pas impressionner. C'est avec s�r�nit� que je dis que nous devons respecter la d�mocratie, que la Corse doit s'exprimer dans les urnes et que le d�bat doit �tre ouvert, un d�bat qui respecte les autres. (...) Vous voulez que la Corse soit dans la R�publique ? Eh bien faisons en sorte que nous d�fendions les valeurs de la R�publique", a-t-il lanc� avant de partir, le visage ferm�. Comme �a, � vue de nez, le pr�fet de Haute-Corse a quelques chances de valser lui d�j�, lors de la pr�c�dente venue du ministre de l�int�rieur � Corte, avait laiss� les manifestants briser les vitres du hall de l�universit�.
Un nouvel incident est survenu lorsque Nicolas Sarkozy est mont� dans l'avion qui devait le conduire � Ajaccio. Un v�hicule de service de l'a�roport avait �t� plac� devant l'avion et bloqu� pour emp�cher le d�part. Nicolas Sarkozy est descendu et a proprement somm� le pr�fet de "r�quisitionner" les personnels des lieux et fasse d�gager le tarmac.
� Ajaccio, l�accueil n��tait gu�re plus favorable. L� encore une centaine de manifestants se sont rassembl�s devant le palais des Congr�s et ont jet� des tomates et des �ufs sur les forces de l'ordre qui les ont tenus � distance de la salle de r�union o� Jean-Pierre Raffarin prenait la parole et dont les entr�es ont �t� s�v�rement filtr�es.
"Le chahut cr�� pour la r�union n'est pas ma conception de la d�mocratie", a dit plus tard � France 3 Corse et � Radio France Jean-Pierre Raffarin, arriv� � Ajaccio. Il a soulign� que les manifestants �taient "seulement 80".
"J'avais des choses concr�tes � dire. Nous avons fait face avec courage et d�termination. (...) Je lance un appel aux Corses pour qu'ils disent oui � la Corse dans la R�publique et oui � la R�publique dans la Corse", a-t-il ajout�.
"Le gouvernement de la R�publique tend la main � la Corse, nous souhaitions une r�ponse positive, si c'est une r�ponse n�gative, il est �vident que c'est le statu quo (... ) L'�tat veut face � lui une collectivit� territoriale responsable", a-t-il ajout�.
Alors qu�un nouveau sondage place le � oui � � 51% (c�est-�-dire � un seuil extr�mement fragile), Jean-Pierre Raffarin a minimis� l'impact d'un "non" �ventuel au scrutin. "'Ce serait d�cevant pour nous mais on continuerait comme avant", a-t-il dit.
Il a annonc� des mesures en faveur de la r�duction de la dette des agriculteurs, promettant 25 millions d'euros � ce titre. Plus t�t, Nicolas Sarkozy avait promis des moyens accrus pour lutter contre les incendies de for�t et de maquis sur l'�le.
Une rencontre �tait ensuite pr�vue avec des �lus locaux. Nicolas Sarkozy et Jean-Pierre Raffarin devaient pr�sider � la pr�fecture une c�r�monie en l'honneur du pr�fet de Corse Claude Erignac, assassin� le 6 f�vrier 1998, puis rencontrer des associations et finir la journ�e par une r�union publique. Bref le circuit habituel pour des huiles en tourn�e dans l��le.
C'est la troisi�me visite de Jean-Pierre Raffarin en Corse cette ann�e et la huiti�me de Nicolas Sarkozy. Une visite dont ils auraient d� s�abstenir tellement il est presque normal qu�en cette fin de gr�ve douloureuse leur venue pouvait passer pour une provocation. Enfin, osons le dire franchement, les Corses ont envie de pouvoir d�cider eux-m�mes sans les interventions un peu lourdes du ministre de l�int�rieur. Ses visites sont d�sormais contre-productives et jouent en faveur du non. Le probl�me ne se situe plus aujourd�hui � droite mais � gauche o� l��lectorat risque de se prononcer majoritairement pour le non. Paul Giacobbi aura fort � faire pour convaincre un �lectorat tr�s m�fiant, jacobin presque par nature et de surcro�t f�ch� par l�attitude de la droite dans la mani�re de mener le conflit social. Un r�cent sondage faisait appara�tre que 53% de Fran�ais donnaient encore raison aux gr�vistes. C�est dire si le conflit va laisser ouvertes des blessures.
Quelques conseils avis�s donc au Premier ministre : d�barrassez-vous de votre pr�fet de la Haute-Corse qui vous a fait perdre la face en Corse. C�est indispensable pour effacer les traces de l�humiliation et des tomates re�ues � Bastia et � Ajaccio. Pour que le oui l�emporte il faut que l��tat soit cr�dible et respect�.
Aujourd�hui lundi �a n�est plus le cas. Deuxi�me conseil : assez de visites. Les Corses sont extr�mement perturb�s par la confusion de la question pos�e au r�f�rendum. Il faut les laisser discuter et r�fl�chir plut�t que de leur r�p�ter qu�il suffit de voter � oui �. Oui ? Mais � quoi ? Telle est la question.
Troisi�me conseil : cessez de donner l�impression de faire des cadeaux aux nationalistes. La mise hors norme de l�universit� et l�effacement de la dette agricole sans qu�il y ait eu la moindre explication, la moindre expertise donne l�impression que le gouvernement veut acheter une fois de plus des voix nationalistes. Or la paix n�arrivera que lorsque cette soci�t� fonctionnera normalement. En agissant comme vous le faites, dans cinq ans la barre sera plac�e un peu plus haut sans que cela fonctionne pour autant. De plus vous nous faites des cadeaux empoisonn�s qui ne nous incitent pas � nous am�liorer mais � demander toujours plus.
En attendant les jeux sont faits en esp�rant que Jacques Chirac, s�il s�adresse aux Corses, saura trouver ses mots.
|
|