Le paradoxe fran�ais� et le paradoxe corse
Jun 21, 2003
Auteur: L'investigateur

Le Premier ministre vient d�annoncer dans un mouvement martial du menton qu�il ne paierait pas les jours de gr�ve. Il en a le droit. Mais le proc�d� est in�l�gant. Jusque l�, l�apr�s-gr�ve donnait lieu � des am�nagements qui permettaient aux gr�vistes de ne pas se trouver sur la paille : rattrapage sur cong�s, �talement des retenues etc. Cette fois-ci c�est non. Le gouvernement veut faire payer les gr�vistes dans tous les sens du terme. La m�thode est stupide car elle va g�n�rer du ressentiment et donc des envies de vengeance. Le plus grave dans un conflit social n�est pas l�arr�t du travail mais la mauvaise volont� des employ�s, le sabotage, les cong�s maladie. Voil� � quoi s�expose un gouvernement revanchard et toujours peu m�diatique. Il va de soi qu�il serait parfaitement immoral de ne pas retenir les jours ch�m�s. La responsabilit� d�un gr�viste est de savoir qu�il s�expose en arr�tant le travail � gagner moins. Mais la responsabilit� du gouvernement, quand il reconna�t qu�il aurait pu mieux faire, est de ne pas chercher � appuyer son avantage.

Sur le podium de l�hypocrisie est mont� le baron Seill�res, patron des patrons. Voil� un entrepreneur failli (6 milliards de dettes laiss�s � Air Libert� vendus avec les subventions de l��tat au patron d�Air Lib aujourd�hui convaincu d�escroquerie � un niveau international) qui stigmatise les petites gens qui cessent le travail. C�est l�h�pital qui se fout de la charit�. Un peu de pudeur ne ferait pas de mal � ce ridicule personnage.

Le � malheur � a voulu que le jour o� le gouvernement annon�ait qu�il ne paierait pas les jours de gr�ve, l�ancien patron de la Banque de France, responsable � ce titre des comptes du Cr�dit Lyonnais, soit absous de toute faute dans la perte record de cette banque alors nationalis�e. Trichet pourra donc devenir directeur de la Banque Europ�enne. Mais qu�en pensent les petits qui parfois prennent des coups de matraque pour les cons�quences de telles escroqueries : fermetures d�usine, ch�mage etc.

Autre � mauvais coup du sort � celui qui a voulu que Berlusconi se fasse voter une loi sur mesure de mani�re � �chapper aux foudres de la justice. Voil� donc l�Europe aux mains de personnes qui n�ont rien � voir, mais alors rien � voir du tout avec les braves gens qui la peuplent.

Quant � la France elle est dirig�e par un pr�sident �lu sur le slogan : il vaut mieux un escroc qu�un fasho.

Voil� bien le paradoxe fran�ais. Les gr�vistes se pronon�aient contre la d�centralisation au nom d�un �tat protecteur qui se charge de les r�duire en morceaux. Il y a de la perversit� dans le comportement des gouvernants : ils massacrent ceux qui, d�une fa�on path�tique, les prient de les aider quand ce sont eux leurs bourreaux. Mais apr�s tout, en d�mocratie on a les dirigeants qu�on m�rite. Et ce Chirac, le chantre de la fracture sociale, qui s�est fait �lire avec 84% des voix aurait bien tort de se g�ner. Et il ne se g�ne d�ailleurs pas.

Le paradoxe corse

Le nationalisme corse n�a pas fini d��tonner les Corses eux-m�mes. Il y a deux jours le STC, nationaliste, occupait une agence de l�EDF pour protester contre les risques de privatisation et de d�mant�lement de l�entreprise publique. Pour faire court, des personnes qui sont proches des th�ses ind�pendantistes s�inqui�tent de la perte de pouvoir de l��tat fran�ais dans l��le et exige de l��tat qu�il se ressaisisse. � la SNCM, compagnie nationale fran�aise maritime, le STC a d�sormais les m�mes positions et s�entend comme larron en foire avec la CGT qui, elle, depuis 50 ans, continue d�approuver le monopole de pavillon au nom de la d�fense des travailleurs.

Dans les deux cas, ces prises de positions surprenantes s�expliquent par les progr�s du STC au sein des deux entreprises.

Paradoxe toujours des nationalistes qui en demandent encore et plus en mati�re de fonction publique. Si on les �coutait chaque jeune Corse devrait avoir droit � son poste de fonctionnaire dans l��le et une retraite revaloris�e. Les chemins de l�ind�pendance sont ind�chiffrables. Il y a quelques jours, quelques jeunes cap�tiens d��ducation physique exigeaient qu�on ne les exil�t pas. Entendons par l� qu�on ne devait surtout pas les envoyer sur le continent. Pourtant ils ont pass� un concours national qui stipulait bien qu�ils pouvaient avoir un poste ailleurs que dans l��le. La r�gle est d�ailleurs valable pour tous les cap�tiens de France et de Navarre. Mais en Corse, foin de ces raisonnements uniquement valables pour les autres. Ces quelques jeunes insulaires, �lev�s au lait maternel et rien qu�au lait maternel, sont venus mugir sous les murs du rectorat qu�ils voulaient qu�on place l�Acad�mie de Corse � hors norme �. Car le terme est devenu synonyme de miracle r�publicain depuis que Saint Nicolas Sarkozy l�a appliqu� � l�universit� de Corte sans m�me demander un expertise du minist�re. Votre syst�me �ducatif ne donne pas les r�sultats escompt�s ? Hors normes. Vous ne comprenez rien aux math�matiques ? Hors normes. Vous pensez que la violence est la r�ponse � tous les probl�mes ? Hors normes.

C�est oublier que premi�rement plus de la moiti� des bacheliers de l�ann�e demandent leur inscription sur le continent histoire de voir un peu de pays dans son existence. C�est oublier que la plupart des Corses pensent que leur universit� devrait se r�former de l�int�rieur avant d�exiger des compensations ext�rieures. C�est enfin oublier que la Corse se sent fran�aise et europ�enne et donc apte � se confronter aux difficult�s de toutes les r�gions d�Europe.
Paradoxe enfin dans le dernier sondage quand on constate que la gauche corse loin d��tre une locomotive s�appr�te � voter aux trois quarts contre la d�centralisation. En d�finitive, l�extr�me-droite, l�extr�me-gauche et la gauche traditionnelle alli�es au plus archa�ques des hommes de droite auront fait le lit du nationalisme le plus intransigeant.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s