Proc�s Erignac : "seule l'Histoire jugera", selon Corsica Nazione
May 29, 2003
Auteur: L'investigateur

Les nationalistes de Corsica Nazione ont estim� mercredi que "seule l'Histoire jugera de la responsabilit� des uns et des autres" dans l'assassinat du pr�fet Erignac, et d�nonc� "les conditions surr�alistes" dans lesquelles se d�roulera ce proc�s devant la cour d'assises sp�ciale de Paris � partir de lundi.

Dans un communiqu� tr�s virulent, Corsica Nazione, la seule formation nationaliste qui compte des �lus � l�assembl�e territoriale, replace ce proc�s "de dimension historique" dans le "contexte insulaire" marqu� par "des milliers de vies bris�es et d'ann�es de prison pour les enfants de cette terre".

"Faire une fois encore l'impasse sur ce contexte �quivaudrait � r�duire � n�ant les chances d'un apaisement durable que le peuple corse dans son ensemble, et les nationalistes en particulier, appelle de leurs v�ux", avertit le mouvement qui compte huit �lus � l'assembl�e de Corse.

Il affirme en outre qu� � au-del� des juridictions sp�ciales �trang�res � notre peuple et � la conception de la justice qui a toujours pr�valu dans notre pays, c'est l'Histoire, elle seule, qui jugera de la responsabilit� des uns et des autres".

Corsica Nazione met par ailleurs en cause "les conditions surr�alistes dans lesquelles ce proc�s va se tenir", avec "la difficult� pour les avocats d'avoir pu organiser normalement une d�fense" ou "les conditions d'emprisonnement particuli�rement �prouvantes inflig�es � certains d�tenus".

Le communiqu� de Corsica Nazione appelle quelques r�flexions de bon sens. Il est tr�s vraisemblable que Corsica Nazione n�aurait pas publi� un tel communiqu� si l�appel de l�A Tramula n�avait pas exist�. Cet appel conna�t un succ�s tr�s mitig� puisqu�� ce jour il n�a r�uni que 320 signataires ce qui est d�risoire. Or les initiateurs d�A Tramula compte tenir une conf�rence de presse � Paris tandis que d�butera le proc�s du pr�fet Erignac afin d�attirer l�attention des m�dias sur leur probl�matique. Ce qui se joue derri�re ce rideau sont les places aux territoriales de 2004. Le � groupe des inorganis�s � impuls� entre autres personnes le vieux leader historique Edmond Simeoni et Jean Biancucci (l�ancien patron du FLNC avant d��tre �vinc� par Fran�ois Santoni) cherchent � se cr�er une place �lectorale en face de l�ind�racinable bloc Corsica Nazione-Indipendenza-FLNC Union des Combattants. Edmond Simeoni a beaucoup essay� mais n�a jamais r�ellement r�ussi si ce n�est en 1992 lorsqu'il a pris la t�te de liste de Corsica nazione.
Corsica nazione, coquille vide, qui ne sert que d�enveloppe �lectorale pour le courant d�Indipendenza, a donc d�cid� de contre-attaquer sur deux plans. D�abord certains de ses responsables comme Jean-Guy Talamoni ont sign� l�appel d�A Tramula. Ensuite, il devance � Tramula et livre sa version du proc�s � venir.

Affirmer que � l�histoire jugera de la responsabilit� des uns et des autres � est faire d�une grandiloquence de mauvais aloi. Les responsables lors d�un assassinat sont les assassins. Il y a eu mort d�homme et ceux qui ont accompli cet acte doivent en porter la responsabilit� � moins de se comporter comme des irresponsables. Mais alors il ne faut pas se pr�senter comme des militants.

Caract�riser les conditions du proc�s comme � surr�aliste � ne veut strictement rien dire. Quoi ? Comment ? Pourquoi ? Il est exact que la justice terroriste n�est pas des plus d�mocratique. Mais pr�tendre qu�un proc�s en Assises avec des jur�s qui se passerait en Corse correspondrait � la d�mocratie est une gal�jade. Chacun sait dans l��le qu�en dehors m�me des pressions qui auraient lieu comme dans le proc�s des fils de Pieri, aucun homme et aucune femme ne prendrait la responsabilit� de condamner les assassins d�Erignac sans craindre des repr�sailles.

Parler de � dimension historique � pour ce proc�s est une gigantesque hypocrisie pour des personnes se r�clamant de pr�s ou de loin d�une organisation clandestine qui est � l�origine de la capture des assassins du pr�fet Erignac. Selon notre enqu�te, le groupe Sampiero est une �manation directe de la direction du FLNC, celle du sud d�abord, celle du nord ensuite. Deuxi�mement, les premiers renseignements qui filtrent vers la gendarmerie et les RG viennent directement d�un dirigeant sudiste du FLNC. Il est alors en prison mais il fait parvenir les informations par le biais d�un responsable agricole et d�un dirigeant d�entreprise. Par ailleurs, le responsable du Nord fera lui aussi passer des informations par le biais d�une taupe introduite aupr�s du pr�fet Bonnet qui jouera d�ailleurs dans les deux sens.

Alors oui l�histoire jugera le comportement de cette organisation clandestine envers ces soldats perdus dont beaucoup ont appartenu � ses structures et notamment au secteur Sagone-Cargese.

Des turbulences tr�s fortes ont r�cemment agit� le FLNC-Union des Combattants dont Corsica nazione est proche sur le probl�me du proc�s des assassins du pr�fet Erignac. Le dirigeant du Nord a �t� mis en accusation et le FLNC a ensuite subi une h�morragie vers le FLNC num�ro 3. Le FLNC num�ro 3 s�est d�clar� solidaire des assassins du pr�fet Erignac pour cette unique raison d�opportunit�. Mais tous les militants clandestins savent aujourd�hui la sympathie dont b�n�ficient ceux qui vont �tre jug�s au sein de la jeunesse nationaliste qui a moins de trente ans.

Il faut enfin �tre conscient que tout cela se joue sur tr�s peu de personnes. La clandestinit� corse regroupe aujourd�hui � peine une centaine de personnes. Le mouvement nationaliste l�gal tout entier ne rassemble pas plus de 500 militants sa frange ne d�passant gu�re les 3000 individus. C�est peu mais c�est suffisant pour mettre le trouble dans une soci�t� d�boussol�e. C�est pourquoi le proc�s des assassins du pr�fet est devenu un enjeu malsain pour une famille politique sans r�el rep�re politique.
Corsica nazione met enfin l�accent sur l�accent qu�ont eu les avocats � organiser une d�fense. Si on en croit Ma�tre Sollacaro qui d�fend � la fois Yvan Colonna et Marcel Istria, c�est aux avocats qu�il faut s�en prendre eux qui ont �t� incapables d�organiser une ligne de d�fense commune.
� force de vouloir trop en faire Corsica nazione d�fend mal un dossier qui est critiquable sur bien des points. Par exemple, selon des informations venues de Paris, certains magistrats se vantent d�j� en des termes peu am�nes de vouloir venger le pr�fet. La s�r�nit� risque d��tre absente d�un proc�s dont les cons�quences pour la Corse seront incalculables si le non l�emportait au r�f�rendum.

Alors les assassins du pr�fet deviendraient � leur corps d�fendant les porte-parole d�une radicalisation dont on ne sait pas tr�s bien o� elle s�arr�terait.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s