L�affaire Al�gre prise au s�rieux au sommet de l��tat
May 29, 2003
Auteur: L'investigateur

L'"affaire" Al�gre devient une affaire d��tat. Le procureur g�n�ral de la cour d'appel de Toulouse, Jean Volff, mis en cause par un des t�moins de l�affaire Al�gre, vient d��tre remplac� par le procureur de la R�publique de Cr�teil lors du Conseil des Ministres.

L�affaire Al�gre a donc cess� d��tre le parcours chaotique d�un jeune tueur en s�rie pour devenir celui d�une bonne soci�t� provinciale en proie � ses d�mons. Le remplacement du procureur Volff qui, il est important de le pr�ciser, avait en charge l�enqu�te relative au cas Al�gre, l�ouverture par le parquet de Toulouse le 15 mai d�une information judiciaire "contre Patrice Al�gre et tous autres" pour "prox�n�tisme en bande organis�e, viols aggrav�s et complicit�, tortures et actes de barbarie et viols sur mineures par personne d�positaire d'une autorit� publique" donne du poids aux t�moignages des deux anciennes prostitu�es et du travesti.

Le procureur Volff a bien tent� de se d�fendre dans une interview donn�e � L'Est r�publicain du 27 mai : "Cette dame pr�tend que j'aurais particip� � des s�ances sadomasochistes avec d'autres magistrats et personnalit�s politiques� "Nous ne disposons que des d�clarations de deux anciennes prostitu�es qui ne sont confirm�es par aucun �l�ment concret d'aucune sorte. Peut-�tre y a-t-il, � la base, une parcelle de v�rit�, mais l'ensemble d�crit par ces dames est certainement beaucoup exag�r�. En tout cas, cela me para�t totalement invraisemblable qu'un tel r�seau ait pu se mettre en place � Toulouse avec autant de monde, et notamment autant de magistrats (...). Je crois que l'on cherche � d�stabiliser l'institution judiciaire, mais qui ? Je n'ai pas de r�ponse." On avouera que la d�fense est un peu faible. Le procureur Volff avait confirm� la visite de l'inspection g�n�rale des services judiciaires, diligent�e par le ministre de la justice, le jeudi 22 mai, et il concluait par ce doux euph�misme. "Cette inspection a conclu � une perte de confiance entre la hi�rarchie judiciaire et les enqu�teurs du fait de la mise en cause de magistrats �.

Le magistrat avait donc demand� au garde des sceaux le d�paysement de l'affaire dans une autre cour d'appel : � partir du moment o� des personnes participant � la proc�dure sont mises en cause, le transfert du dossier dans une autre juridiction permet d'�viter � la justice d'encourir le reproche de partialit�.

�g� de 64 ans, Jean Volff se trouve � quelques mois de la retraite. Il avait rejoint la cour d'appel de Toulouse en 1994.

Il est donc mis entre parenth�ses en attendant les conclusions de la justice. Le Garde des Sceaux M. Perben a indiqu� avoir pris cette d�cision � la suite d'une mission de l'inspection d'une mission des services judiciaires qui s'est rendue � Toulouse la semaine derni�re.

Plus g�nant pour M. Volff, � aucun moment son nom n�est cit� dans la proc�dure. Mais, les deux prostitu�es l�ont reconnu sur des photos pr�sent�es en aveugle par les gendarmes. Il semble qu�elles ne connaissaient pas M. Volff qu�elles n�avaient jamais rencontr� si ce n�est selon elles, dans ces fameuses soir�es.

Le substitut g�n�ral de Toulouse, Jean-Jacques Ignacio, a d�nonc� mercredi dans le journal Lib�ration sa mise en cause par deux ex-prostitu�es dans le dossier Al�gre, comme l'avaient d�j� fait deux autres magistrats toulousains avant lui ainsi que l'ancien maire de Toulouse Dominique Baudis.

"Je n'ai jamais eu la moindre relation que ce soit avec la prostitution, avec des soir�es de partouze ou des parties fines, de quelque mani�re que ce soit", affirme Jean-Jacques Ignacio dans un entretien au quotidien. Il d�nonce "ces mensonges, cette calomnie".

M. Ignacio, substitut g�n�ral de Toulouse depuis 1992, �tait chef de la section charg�e de l'atteinte aux biens et aux personnes � l'�poque des faits. Selon lui, "une partie des magistrats mis en cause n'�tait m�me pas � Toulouse � l'�poque."

"La seule chose dont je me souvienne, c'est d'avoir requis le non-lieu dans une affaire annexe � tout ce dossier, il y a fort longtemps", pr�cise-t-il. "J'�tais barbu � l'�poque, je le suis depuis vingt ans et ces d�nonciatrices ne m'ont pas reconnu sur des photos", ajoute-t-il.

Interrog� sur un d�paysement de l'affaire, Jean-Jacques Ignacio consid�re que "cela ne fera qu'alimenter les suspicions. Si on ne le fait pas et qu'on ne trouve rien, ce sera pareil. Nous sommes dans un pi�ge".

Or Djamel, ce travesti qui avait t�moign� sur TF1, confirme bien des propos tenus par les anciennes prostitu�es. Le jeune homme a �t� plac� en garde � vue dans les locaux de la cellule Homicides 31 sur l'affaire Al�gre. Selon certains observateurs, les premi�res d�clarations de Djamel sont troublantes. Mais d�autres sont sujettes � caution. Ainsi il a pr�tendu avoir cach� des cassettes de films pris lors de ces soir�es. Les gendarmes ont donc proc�d� � plusieurs perquisitions, notamment dans une maison de La Rochelle. Ils ont aussi creus� sur la prairie des Filtres, en bord de Garonne, � Toulouse. Sans r�sultats

C�est ce jeune travesti qui, devant les cam�ras de France2, avait pr�tendu avoir crois�, lors de ces soir�es, la petite Marion, �g�e de 10 ans lors de sa disparition en 1996, � Agen. Aujourd�hui Djamel a �t� incarc�r�. Est-ce pour propagation de fausses nouvelles ou pour une autre raison ? Djamel est-il un jeune homme de 23 ans soucieux de c�l�brit� ou alors un vrai t�moin ? Pour l�heure, le personnage appara�t complexe et peu fiable. Mais pour autant faut-il d�cridibiliser une affaire qui prend chaque jour plus d�ampleur ?

La d�fense de Dominique Baudis visant le milieu de la pornographie appara�t aujourd�hui singuli�rement ridicule. Qui pourrait croire en effet que pour atteindre M. Baudis, le milieu de la pornographie mettait en cause les notables les plus importants de la troisi�me ville de France. Et puis, au-del� des raisons pour lesquelles les t�moins parlent aujourd�hui, la question essentielle est : tout cela est-il vrai ? Le soutien apport� par M. Douste-Blazy � M. Baudis est particuli�rement mal venu. Que M. Douste-Blazy successeur du second � la t�te de Toulouse ait envie de soutenir celui qu�il appelle son ami, est une affaire de droit priv�. Mais, pour autant ce premier magistrat d�une grande ville a-t-il le droit moral d�interf�rer dans une affaire de justice ?

Et pourquoi, dans de telles conditions, la magistrature de Toulouse ne manifesterait-elle pas en faveur de M.M. Bouragu�, Ignacio et Volff ? Ces magistrats sont suffisamment bien plac�s pour savoir que la justice est parfois terrible pour la pr�somption d�innocence. � Si tout cela �tait vrai, ce serait un v�ritable s�isme pour la magistrature �, a d�clar� un procureur. C�est d�abord affreux pour les victimes serait-on tent� d��crire en guise de pr�ambule � toute autre analyse.

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