Tramula : version �dulcor�e sur go�t de scandale
May 12, 2003
Auteur: L'investigateur

La lecture du texte de l�appel d�A Tramula lors de la r�union de samedi � Ajaccio en a �tonn� plus d�un. La presse s��tait en effet indign�e de l�absence dans cet appel du simple terme d� � assassinat � pour qualifier le sort que des nationalistes avaient r�serv� au pr�fet Erignac.

C�est d�sormais chose faite au grand scandale de la moiti� de la salle qui avait visiblement envie de plut�t muscler le texte. Des � maladresses � qui hi�rarchisaient la � mort � du pr�fet et le � sacrifice � de ses assassins ont �t� modifi�es.
Voici les passages qui ont �t� sensiblement chang�s de mani�re � tenter de mettre un terme au scandale. Le num�ro indique le texte initial sign� par une cinquantaine de personnalit�s. C��tait donc le texte qui devait �tre pr�sent� � la presse jusqu�� ce que Le Monde en fasse �tat. Pour le coup, l�un des initiateurs Thierry Casanova, ami de l�un des mis en examen Alain Ferrandi, Edmond Simeoni et quelques amis de l�ancien dirigeant du FLNC Jean Biancucci se sont r�unis et ont d�cid� d�en changer le d�but. Ce qui donne cela :

1 - Le drame du 6 f�vrier 1998 qui a co�t� la vie au pr�fet Claude Erignac fait d�sormais partie de cette histoire et prend sa place dans la trop longue liste des actes de violence qui ont endeuill� notre communaut�, notamment au cours de ces vingt-cinq derni�res ann�es.
2 - L�assassinat le 6 f�vrier 1998 du pr�fet Claude Erignac fait d�sormais partie de cette histoire et prend sa place dans la trop longue liste des actes de violence qui ont endeuill� notre communaut�, notamment au cours de ces vingt-cinq derni�res ann�es.

1 - Ces expressions de r�volte, fruit de l�incompr�hension et du ressentiment des hommes, traduisent tout � la fois la perte de confiance envers les valeurs de l�humanit� et le d�sespoir n� de l�injustice.
2 - Ces expressions de r�volte, fruit de l�incompr�hension et du ressentiment des hommes, traduisent tout � la fois la perte de confiance envers les valeurs de l�humanit� et le d�sespoir n� de l�injustice.
Pourtant l�assassinat, comme mode d�expression de cette r�volte n�est pas acceptable et nous le condamnons. La vie humaine est un bien trop pr�cieux, pour qu�aucune cause, qu�elle soit id�ologique, communautaire ou religieuse ne puisse y attenter.

Pour Thierry Casanova interrog� par Corse-Matin, l�explication est simple : � C'�tait un premier jet, tr�s loin du texte d�finitif et soumis � amendements. Mais c'est ce texte tr�s imparfait qui a � fuit� � et dont certaines parties ont �t� mont�es en exergue par des �ditorialistes nationaux... � Heureusement que les fuites ont permis de r�v�ler les imperfections d�un texte qui circulait d�j� pour �tre sign� par d�autres personnalit�s.

Parmi les 300 personnes r�unies dans la salle des Congr�s d�Ajaccio, on reconnaissait le ban et l�arri�re-ban du nationalisme � l�exception des grandes figures d�Indipendenza. Mais il y avait l� des anciens dirigeants du FLNC dont on peut se demander �quitablement comment ils ont os� signer un texte condamnant l�assassinat. Ainsi tel dirigeant accus� par ses pairs d�avoir �t� � l�origine des assassinats de policiers et de gendarmes jusqu�en 1987. Ou tel autre � l�initiative du projet accus� lui-aussi par ses fr�res ennemis d�avoir initi� l�assassinat de Robert Sozzi il y a tr�s exactement dix ans. Bref les mots semblent n��tre l� que pour servir une cause vou�e � l��chec dans une �le o� tout le monde conna�t tout sur tout le monde.

� J�aurais pr�f�r� qu�on appuie franchement les membres du commando � murmure un nationaliste qui a remis� son fusil il y a dix ans. � Tout cela n�est que de l�hypocrisie �. Il d�signe quelques t�tes connues dans l�assistance. � Ils ont tous particip� � des assassinats. Alors quand je les entends b�ler � La paix � j�entends des loups d�guis�s en agneau. �
D�ailleurs quelques orateurs font savoir qu�ils n�appr�cient gu�re la tirade sur l�assassinat. � Cela revient � les condamner � rench�rit un nationaliste bient�t septuag�naire.

De fait la salle est divis�e entre les moralisateurs, les perfides et les na�fs.
Et pourquoi ne pas prendre une telle d�marche positivement ?
Le premier obstacle est �videmment l��criture de la premi�re mouture qui fait douter de l�honn�tet� de ses auteurs. Comment peut-on d�cemment oublier les termes d�assassinats et mettre sur un pied d��galit� un homme qui n�avait rien demand� sinon � vivre et des assassins qui ont d�cid� en conscience d�assassiner le premier.
Le deuxi�me obstacle est que la plupart des signataires se sont tus jusqu�� maintenant. Pendant que la guerre faisait rage entre les mouvements nationalistes, la soci�t� civile corse a �t� silencieuse � l�exception du mouvement des femmes.

Pourtant des hommes tombaient chaque fois et peut-�tre que si des protestations avaient alors signifi� le profond ras l�bol de la soci�t� civile, les assassins suicidaires se seraient-ils arr�t�s de tuer.

Dernier argument qui fait douter de l�honn�tet� des initiateurs : leur attitude �lectorale.

La plupart des nationalistes interrog�s avouent qu�Edmond Simeoni r�ve de revenir aux affaires. Il se verrait bien t�te de liste d�une union nationaliste. � Il veut refaire le coup de 1991 quand il avait dirig� la coalition de Corsica nazione, explique un ind�pendantiste. Seulement il faudra que sa liste passe le seuil des 5%. Il doit donc grignoter sur l��lectorat d�Indipendenza. Pour ce faire, il a du penser et des anciens du FLNC avec lui, qu�en d�fendant les membres du commando Erignac il faisait une bonne affaire. En m�me temps, il sort un livre et cherche � appara�tre comme le sauveur de la cause nationaliste. � De fait le premier texte traduisait toute l�ambigu�t� de sa d�marche qui se veut captivante pour la frange violente mais rassurante pour les plus mod�r�s.

Qu�en est-il aujourd�hui ?

L��dulcoration du texte n�enl�ve rien � son caract�re scandaleux. Est-il juste de mettre sur un pied d��galit� � la mort d�un homme � et � le sacrifice d�autres � ? Est-il juste de pr�tendre que cet assassinat a d�cill� les yeux des Corses ? A-t-on le droit d��crire � Cette trag�die humaine a co�t� la vie � un homme. Elle a plong� dans le malheur des familles enti�res mais a r�v�l� au grand jour les d�viances d�un syst�me politique qui a entretenu durablement la logique du rapport de force et du refus de l�autre. � rejetant la responsabilit� de l�assassinat sur un �tat fran�ais qui, quels que soient ses torts n�a pas arm� le bras des assassins ?
Peut-on �crire Il se doit, �galement, de consid�rer les faits, au regard de l�histoire d�un peuple qui n�a jamais �t� reconnu dans ses droits et qui demeure soumis au pouvoir politique d�une � r�publique �r�pressive et partiale.
Cet acte de violence se situe dans le prolongement de ce combat historique. � laissant entendre qu�il existe une coh�rence entre l�histoire du peuple corse et l�assassinat ?
Peut-on accuser la terre enti�re d�avoir �t� irresponsable refusant ainsi la responsabilit� des assassins ?

A-t-on le droit d��crire � La revendication politique corse existe. On ne peut esp�rer la traiter sans la comprendre. Il convient donc aujourd�hui de tout mettre en �uvre pour que ce proc�s politique ne se limite pas � un simple jugement des faits mais qu�il s�attache � r�v�ler les raisons profondes qui ont conduit des hommes � socialement int�gr�s, reconnus pour leur qualit� humaine, leur sens des responsabilit�s, leur probit� intellectuelle et morale � � s�affranchir d�une valeur essentielle de notre humanit�, le respect de la vie, pour d�noncer les d�rives d�un syst�me politique d�voy�. � oubliant que la plupart des assassins appartenaient au FLNC et avaient pour certains particip� � des op�rations de plasticages, de racket voire de meurtre ? Est-ce l� la peinture d�hommes int�gr�s, responsables et probes ? N�est-il pas mensonger de cacher l�appartenance des assassins � cette clandestinit� qui a fait tant de mal � la Corse ?

A-t-on enfin le droit de pr�tendre que ce proc�s sera celui de l��tat fran�ais quand il sera d�abord celui d�hommes qui ont retir� la vie � un autre ?

Cet appel arrive au plus mauvais moment pour ce qui concerne le projet de r�forme qui sera discut� mardi devant le S�nat. Mais surtout en induisant que le proc�s sera celui de la France fait par la Corse, il sous-entend que la Corse serait avec les assassins et contre la justice. Toute personne qui conna�t la Corse sait que 90% des Corses ont maudit cet assassinat et que ces 90% esp�rent une condamnation s�v�re qui rende justice � la famille de Claude Erignac. Enfin, il n�est pas encore dit que sur des sujets aussi graves des hommes et des femmes dont les convictions sont certes respectables mais les actes souvent odieux, prendront la Corse une fois encore en otage la faisant passer aux yeux d�une opinion publique mal renseign�e comme un nid de voyous et de tueurs.

Pour une prise de parole citoyenne, militante et humaine.

L'histoire d'un peuple est une suite ininterrompue d'�v�nements faits de souffrances, de pleurs, d'injustices mais aussi de joies, de reconnaissances et d'espoirs.

L�assassinat le 6 f�vrier 1998 du pr�fet Claude Erignac fait d�sormais partie de cette histoire et prend sa place dans la trop longue liste des actes de violence qui ont endeuill� notre communaut�, notamment au cours de ces vingt-cinq derni�res ann�es.
Ces expressions de r�volte, fruit de l�incompr�hension et du ressentiment des hommes, traduisent tout � la fois la perte de confiance envers les valeurs de l�humanit� et le d�sespoir n� de l�injustice. Pourtant l�assassinat, comme mode d�expression de cette r�volte n�est pas acceptable et nous le condamnons. La vie humaine est un bien trop pr�cieux, pour qu�aucune cause, qu�elle soit id�ologique, communautaire ou religieuse ne puisse y attenter.

Face � ces constats, il nous faut faire appel aujourd�hui aux forces du sentiment et de la responsabilit� pour que ces sacrifices partag�s ne soient pas vains et qu�ils puissent servir la cause d�un peuple qui a trop longtemps c�toy� le malheur, la souffrance et le deuil. �� Si l�homme qui esp�re dans la condition humaine est un fou, celui qui d�sesp�re des �v�nements est un l�che� �. Notre devoir est donc de parler, d�exprimer nos opinions et de croire que le langage de l�humanit� peut �tre le moyen de restaurer la confiance entre les peuples.
Dans un avenir prochain, se tiendra � Paris, devant une Cour d�Assises sp�cialement compos�e, un proc�s historique qui doit juger de la responsabilit� d�hommes qui ont attent� � la vie d�un autre au motif qu�il symbolisait une politique d��tat faite de passe � droits, d�exceptions et de jeux troubles.

Cette trag�die humaine a co�t� la vie � un homme. Elle a plong� dans le malheur des familles enti�res mais a r�v�l� au grand jour les d�viances d�un syst�me politique qui a entretenu durablement la logique du rapport de force et du refus de l�autre.

Au � del� de la personnalit� des pr�venus, ce proc�s doit nous aider � comprendre la signification d�un tel acte. Il se doit, �galement, de consid�rer les faits, au regard de l�histoire d�un peuple qui n�a jamais �t� reconnu dans ses droits et qui demeure soumis au pouvoir politique d�une � r�publique � r�pressive et partiale.
Cet acte de violence se situe dans le prolongement de ce combat politique
� chacun sa part de responsabilit� :
Aux nombreux �lus corses qui se sont toujours refus�s � pr�coniser une solution politique au probl�me corse,
� l��tat fran�ais qui a syst�matiquement ni� la dimension politique de la question corse et a us� et abus� de m�thodes indignes d�une d�mocratie,
Aux mouvements nationalistes qui n�ont pas su ou pu �viter les pi�ges de la division et des ambitions personnelles,
Au peuple corse qui a �t� insuffisamment acteur de son propre devenir.
L'enjeu du proc�s.
La revendication politique corse existe.

La revendication politique corse existe. On ne peut esp�rer la traiter sans la comprendre. Il convient donc aujourd�hui de tout mettre en �uvre pour que ce proc�s politique ne se limite pas � un simple jugement des faits mais qu�il s�attache � r�v�ler les raisons profondes qui ont conduit des hommes � socialement int�gr�s, reconnus pour leur qualit� humaine, leur sens des responsabilit�s, leur probit� intellectuelle et morale � � s�affranchir d�une valeur essentielle de notre humanit�, le respect de la vie, pour d�noncer les d�rives d�un syst�me politique d�voy�.

Si l�on admet comme Jean-Paul Sartre que � l�acte individuel engage toute l�humanit� �, nous nous devons aujourd�hui par un engagement volontaire, fort, courageux et humain de nous adresser aux opinions afin de sortir ce proc�s de l�orni�re judiciaire dans laquelle le gouvernement fran�ais veut l�enfermer. Les non-dits et les faux-semblants ne sont plus de mise. L�application des principes universels de justice et d��quit� ne doit pas se faire au prix de l�oubli total ou de la dissimulation du pass�.

La mort d�un homme, le sacrifice d�autres hommes ne doivent plus servir la cause de l�affrontement mais au contraire constituer le point de d�part d�un v�ritable processus de r�conciliation entre la Corse et la France qui favorise la reconnaissance des erreurs pass�es et la recherche d�une dignit� perdue.
C'est l'enjeu du proc�s
Pour A Tramula, cette prise de parole n'est pas un plaidoyer, encore moins une justification � posteriori de l'acte qui a �t� commis, mais simplement un appel � la conscience des hommes et au sentiment de responsabilit� collective qui nous unit.
� Tramula

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s