Editorial: La phrase qu�il fallait prononcer, mais qu�il faut �galement respecter

� Le r�le des journalistes n�est pas seulement de diffuser des communications officielles, mais aussi de se procurer, par des voies non officielles, des informations qui ne doivent pas �tre cach�es aux citoyens dans une soci�t� d�mocratique �.

Voil� une belle phrase dont le sens revient exactement � ce que � L�investigateur �, depuis plus de quatre ans, n�a cesse de clamer haut et fort. Le plus �tonnant (et peut �tre le plus encourageant), c�est que cette phrase fait partie d�un communiqu� diffus� fin de semaine derni�re par� l�ALJ, l�Association Luxembourgeoise des Journalistes. Qui prend la d�fense de la r�daction de RTL-radio en langue luxembourgeoise, � l�origine des fuites concernant le rapport sur le crash d�il y a un an du vol Luxair reliant Berlin � Luxembourg et dont la catastrophe avait caus� la mort de dix-huit passagers.

Il est clair que � L�investigateur � ne peut que soutenir l��quipe autour de Marc Linster, le r�dacteur en chef lui m�me � l�origine de ce scoop. Voil� du bon travail journalistique, dans l�int�r�t de la transparence et du non-�touffement des raisons d�un crash qui risquent de porter tort � la compagnie d�aviation nationale luxembourgeoise et qui, de ce fait, n�auraient vraisemblablement jamais trouv� le chemin des m�dias.

Il est �galement clair que � L�investigateur � souscrit des deux mains �pour la premi�re fois en ce qui concerne l�ALJ- � cette d�claration.

Mais pourquoi, depuis des d�cennies, les nombreux journalistes affili�s � cette organisation syndicale, n�appliquent-ils jamais le contenu de cette phrase tonitruante ? Pourquoi la presse luxembourgeoise en est elle arriv�e � devenir le complice de ceux qui �touffent, le fid�le transcripteur des communiqu�s officiels, alors qu�en ce 14 novembre 2003, on est capable de prononcer haut et fier ce qui fait l�essence du journalisme ? Pourquoi r�cemment encore, des confr�res, dont notamment � L�investigateur �, se sont fait critiquer, mettre au ban, ont d� subir l�omerta des confr�res, parce que tout simplement, ils pratiquent depuis toujours le leitmotiv suivant : � Le r�le des journalistes n�est pas seulement de diffuser des communications officielles, mais aussi de se procurer, par des voies non officielles, des informations qui ne doivent pas �tre cach�es aux citoyens dans une soci�t� d�mocratique � ?

Cette phrase, sous des formes l�g�rement diff�rentes, mais avec exactement le m�me sens, se retrouve presque � un rythme hebdomadaire dans notre journal. Car il s�agit finalement non pas de la capacit� de nos journalistes luxembourgeois d�avoir acc�s � certaines informations sensibles, mais d�oser les publier, d�oser tout dire.

La semaine pass�e, nos confr�res de la radio pont donn� une belle le�on de journalisme � leurs coll�gues. Pour une fois, ils ont eu le courage d�affronter le courroux de ceux qui nous gouvernent. � L�investigateur � donne cette le�on chaque semaine, affronte ce courroux � chaque num�ro. Ne serions-nous subitement plus seuls ? Nous nous en r�jouirions les premiers. Mais nous craignons fort que les vieilles habitudes vont se r�installer rapidement, encore que sous le r�gne du r�dacteur en chef Marc Linster, la radio � nationale � s�est �mancip�e, ses journaux se sont am�lior�s et le c�t� investigatif a l�g�rement point� du nez, un peu comme jadis � la t�l�, quand Maurice Molitor dirigeait encore la r�daction avant de la c�der au sinistre Tom Graas.

Radio et t�l� sont les deux m�dias les plus perceptibles au Luxembourg. Leur r�le pourrait �tre �comme RTL-radio en donne parfois l�exemple- un contrepoids contre tous ces grands et petits journaux tous aux bottes d�un groupe politique. Dont les journalistes doivent � la fois ronronner et frissonner devant cette phrase courageuse prononc�e la semaine pass�e. Mais il ne leur viendra jamais � l�id�e de la pratiquer et surtout, d�arr�ter de critiquer ceux qui s�y tiennent. Car le vieil adage est aujourd�hui plus vrai que jamais : la libert� de la presse ne s�use que si l�on ne s�en sert pas� Et au Luxembourg, elle para�t bien us�e pour que la divulgation de ce rapport somme tout accessoire dans le contexte g�n�ral des informations � traiter, suscite ce genre de r�action finalement bien grave.

Jean NICOLAS

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s