Editorial: De Belgrade � Bagdad, les bombes sont pourtant les m�mes�
Editorial
De Belgrade � Bagdad, les bombes sont pourtant les m�mes�


Ces dr�les de lumi�res vertes qui montent vers le ciel. Ces bruits sourds d'impacts de bombes alors qu'on ne voit, qu'on n'entend m�me pas les avions-bombardiers s'approcher. Cette d�fense a�rienne qui tire dans le vide, vainement, comme pour se donner bonne conscience. Ces sons lugubres et stridents des alertes a�riennes, qui font finalement plus peur que les frappes dites " chirurgicales ". Voil� d�crit, � travers une fen�tre de chambre d'h�tel, la nouvelle guerre, comme elle se fait aujourd'hui. Sauf que la chambre d'h�tel de la cha�ne Intercontinental, il y a quatre ans, ne se trouvait pas � Bagdad, mais � Belgrade, sauf que les bombardiers, les m�mes presque, ne volaient pas sous drapeau am�ricain mais sous responsabilit� collective de l'OTAN pour combattre le mal, Milosevic.

J'y �tais, ces premi�res semaines de bombardements � Belgrade, avec une carte de presse et une accr�ditation britanniques, au nom et pour le compte du quotidien anglais " The Guardian ". Aux premiers jours de cette guerre qui ressemble � celle de l'Irak, il y avait une �norme diff�rence. Coll�gues et confr�res fran�ais, chinois, des pays de l'Est, allemands et de quelques autres nationalit�s, �taient tous du m�me avis : le bien, l'OTAN, combattait le mal, Milosevic et sa bande. Des maisons furent �ventr�es, des minist�res d�truits, des ponts envoy�s en l'air, des civils bless�s et tu�s� Et nous applaudissions tous des deux mains, car, ne l'oublions pas, le bien, nous, combattait le mal, eux, les Serbes sanguinaires et criminels, qui terrorisaient et pers�cutaient des Kosovars en d�tresse.

Aujourd'hui, les m�mes avions (avec peut �tre les m�mes pilotes) bombardent � nouveau des cibles de leur fa�on " chirurgicale ". Tout le monde, Fran�ais comme Allemands, Am�ricains comme Britanniques, sont unanimes pour d�crire les horreurs du r�gime de Bagdad, les exactions de Saddam Hussein. Aux premiers jours de cette guerre qui ressemble � celle de la Serbie, il y avait une �norme diff�rence. Coll�gues et confr�res fran�ais, chinois, des pays de l'Est, allemands et de quelques autres nationalit�s, ne sont plus tous du m�me avis : le bien, les Etats-Unis, commettrait un crime en combattant le mal, Saddam et sa bande. Des maisons sont toujours �ventr�es, des minist�res d�truits, des ponts envoy�s en l'air, des civils bless�s et tu�s� Et nous n'applaudissions plus tous des deux mains, parce que, pour des raisons �lectorales (chancelier Schroeder) et de l'opportunisme pur (pr�sident Chirac), le bien ne peut �tre seulement Am�ricain alors qu'il combat toujours le mal, eux, les partisans de Saddam, sanguinaires et criminels, qui terrorisaient et pers�cutaient des Kurdes et autres peuples en d�tresse.

On me r�torquera� quoi ? Que quatre ans plus tard, les m�mes qui furent pour la guerre en Serbie sont contre celle en Irak ? Que c'est une question de principe que de jouer � un jeu dangereux et inefficace onusien plut�t que de pr�f�rer la solution de la fin de la terreur au lieu d'une terreur sans fin ? Face � l'impuissance des Nations Unies, face � l'insistance, j'en conviens, parfois tr�s intrigante des Am�ricains (voir �galement dessin en page ___), Saddam Hussein avait la possibilit� de sauver son pays en pliant bagage et en menant une vie dor�e dans un exil qui l'aurait �t� tout autant. Mais le dictateur sanguinaire (car c'est de cela qu'il s'agit) n'a pas daign� prot�ger son peuple tant aim�, au nom de sa folie, de ses incoh�rences et de son fanatisme idiot, qui sont parfaitement relat�s dans divers t�moignages sur la vie de ce Landru irakien. Il n'y a donc qu'un seul responsable des suites de cette guerre : Saddam ! Et il y aura quelques d�gonfl�s europ�ens qui doivent �tre peu fiers face � leur conscience, pour avoir voulu (et avoir r�ussi de justesse) gagner des �lections l�gislatives ou pour concourir au prix Nobel de la paix, se sont enfonc�s et li�s pieds et mains � une strat�gie � laquelle ils ne croient pas eux m�mes. Leur participation en catamini � cette guerre d�montre d'ailleurs leur double langage, un jeu de mots et de belles paroles face � une situation qui exigeait qu'on agisse, enfin !

Jean NICOLAS



�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s