L'esclavagisme sexuel au Luxembourg
La triste r�alit� de la traite des femmes au Luxembourg

Sur demande d'une ONG luxembourgeoise, un sp�cialiste luxembourgeois en la mati�re vient de r�diger un court m�moire sur l'esclavagisme sexuel au Grand-Duch�, remarquable dans sa pr�cision et ses accusations nombreuses et s�v�res. Ce rapport est encore in�dit.

Depuis plusieurs ann�es d�j� le Luxembourg fait la une des m�dias �trangers � cause de sa politique plus que tol�rante en mati�re de prostitution - qu'elle soit forc�e ou semi-volontaire- de jeunes femmes originaires des pays de l'ancien bloc communiste, notamment en d�livrant des soi-disant "visas d'artistes". Certains journalistes et/ou responsables politiques de l'�tranger stigmatisent m�me notre pays comme "plaque tournante de la traite des femmes". Une terminologie dont se d�fendent avec insistance nos ministres comp�tents, mais qui n'est pas forc�ment exag�r�e.

Madame Patsy Soerensen, repr�sentante des �colos belges au Parlement Europ�en et incontestablement sp�cialiste en la mati�re, qui a enqu�t� dans les pays de provenance desdites "artistes" et publi� plusieurs rapports y relatifs ne cesse de critiquer la d�livrance de "visas sp�ciaux" du type "SCHENGEN/cat�gorie D" valables exclusivement pour notre territoire national et liant les d�tentrices � un cabaret/bordel "telles des vaches � leurs fermes".

Le pr�sent document, r�dig� pour servir de document pr�paratif � la table ronde d'une ONG luxembourgeoise, sera compl�t� et adress� aux membres de la Chambre des D�put�s dans l'espoir que soit mis fin � cette situation indigne et honteuse - ce m�pris du sexe f�minin - orchestr� voire organis�e par de hauts fonctionnaires de divers minist�res.

Certes, dans pas mal de pays, une foule impressionnante de femmes est livr�e � la cupidit� et � la brutalit� des prox�n�tes de tous ordres, impresarios, souteneurs, tauliers et autres marchands de chair humaine. Parmi ceux-ci, le Grand-Duch� tient depuis des d�cennies une "place d'honneur" peu enviable. Quoi qu'il figure parmi les pays abolitionnistes [la Convention des Nations Unies du 2 d�cembre 1949 ayant seulement �t� ratifi�e par la Chambre des d�put�s � la date du 16/06/83, notre pays �tait devenu au d�but des ann�es 80 une v�ritable "terre d'asile" pour maquereaux et prox�n�tes de tous genre, A l'�poque, malgr� l'article 379bis du Code p�nal, les bordels (de r�elles bars montants) fleurissaient comme des p�querettes au printemps. Environ 300 prostitu�es �trang�res, plac�es par des r�seaux structur�s, exer�aient leur "job horizontal" dans environ 75 lupanars.

Personne ne s'en �mouvait vraiment; les politiciens, magistrats et policiers fermaient les yeux: Ce n'est qu'apr�s qu'une commission d'enqu�te parlementaire sur l'affaire dite "de prox�n�tisme" avait pr�sent� son rapport aux membres de la Chambre en �t� 82 que les instances r�pressives d�cid�rent d'inculper les exploitants de ces bars montants et d'en ordonner la fermeture.

Et pourtant, d�j� � l'�poque les pouvoirs publics disposaient d'un certain nombre de textes l�gaux pour endiguer efficacement cette traite ignoble des �tres humains. Seulement voil�, personne n'avait la volont� de faire appliquer vigoureusement la loi. Les articles 379, 379bis et 382 du code p�nal (Loi du 1er avril 1968, ayant pour objet de supprimer la r�glementation officielle de la prostitution et le prox�n�tisme) �taient - et le sont d'ailleurs toujours - plus ou moins identiques aux articles 334 � 334-7 du code p�nal fran�ais. Le l�gislateur luxembourgeois s'�tait en effet largement inspir� de la loi fran�aise de 1946 dite "loi Marthe Richard". N�anmoins, nul n'avait l'intention de poursuivre des contrevenants aux articles pr�cit�s.

Action commune des femmes luxembourgeoises

Heureusement, les associations f�minines de Grand-Duch�, toutes opinions confondues, allant des femmes chr�tiennes-sociales aux femmes communistes en passant par le Mouvement Luxembourgeois pour le Planning Familial, ne sont pas rest�es insensibles devant ce grave probl�me de la traite des �tres humains et ont � plusieurs reprises fait publiquement part de leur m�contentement, notamment en adressant - � la date du 9 mai 1984 - une lettre ouverte au Pr�sident de la Chambre des D�put�s.

Le nombre de femmes est-europ�ennes sexuellement exploit�es dans notre pays - sans compter celles originaires de pays plus proches - �tant nettement sup�rieur aux chiffres d'il y 19 ans, on ne peut que souhaiter que les associations f�minines se remettent � nouveau autour d'une m�me table et qu'elles sensibilisent l'opinion publique.

Pour la petite histoire: un des tout premiers prox�n�tes -h�teliers � �coper d'une peine de prison en 1983 (12 mois dont 9 mois avec sursis), � savoir J.J. N., a aujourd'hui pignon sur rue comme "impresario". D'autres condamn�s pour prox�n�tisme se sont recycl�s en tant que serveurs de cabaret ou comme g�rants de night-clubs.

Les diff�rents aspects de la prostitution au Luxembourg

A la suite de la vague r�pressive entre 1984 et 1986, quelque 70 �tablissements �taient oblig�s de fermer leurs portes, diminuant consid�rablement le nombre de femmes livr�es � la prostitution dans notre pays. A souligner que pendant cette "p�riode d'accalmie" le nombre de viols ou d'autres agressions sexuelles n'a nullement augment�.

A partir de 1990, une nouvelle "vague de tol�rance" contribua � une recrudescence de la prostitution. Jusqu'� 300 femmes, �trang�res pour la plupart, racolaient souvent d�j� � partir de 11 heures du matin aux environ de la Gare centrale, notamment dans les rues Mercier, du Commerce, d'Epernay, de Reims, du Fort Wedell, etc. Suite aux actions d'un comit� cr�� � cet effet, � savoir " SOS GARE ", cette situation s'est nettement am�lior�e depuis le vote du nouveau R�glement G�n�ral de Police (Art. 48] de la Ville de Luxembourg. N�anmoins, malgr� ce texte pr�cis, certains policiers ne font gu�re preuve de z�le pour dresser des proc�s-verbaux � l'encontre des contrevenantes et encore moins pour essayer d'identifier les "types qui font bosser" ces femmes.

I1 faut pr�ciser qu'environ 90% des prostitu�es - au Luxembourg aussi bien qu'� l'�tranger - sont "maqu�es". A ce sujet je me permettrai de citer Kathleen Barry, r�put�e f�ministe am�ricaine, qui dans son remarquable livre "Female sexuel slavery" �crit: "Le plus vieux m�tier du monde n'est pas la prostitution mais le prox�n�tisme; sans prox�n�tes i1 n'y aurait pas de prostitution".

Parall�lement � la prostitution de rue, une nouvelle forme de racolage a vu le jour au Grand-Duch� � partir de 1990: par voie de presse [r�pr�hensible suivant l'article 382 du code p�nal]. Ces annonces, plac�es dans un hebdomadaire sp�cialis� en la mati�re, le "LUXBAZAR", sont de plus en plus sans �quivoque et sont souvent accompagn�es de photos �rotiques en quadrichromie. L� aussi les autorit�s comp�tentes pourront verbaliser.

Femmes de l'Europe de l'Est "plac�es" dans des cabarets

La traite des femmes, surtout de celles originaires des anciens pays communistes, plac�es dans des soi-disant "cabarets" luxembourgeois, officiellement pour y faire du strip-tease ou du "table-dance", d�passe toutes les bornes. Le v�ritable but de leur venue � Luxembourg est d'assouvir les souvent bizarres d�sirs sexuels de la gente masculine luxembourgeoise et ce dans des cages feutr�es pudiquement appel�es "s�par�es", moyennant un pourcentage de 20% sur le prix des bouteilles de mousseux consomm�es � cette occasion. Il serait int�ressant de conna�tre les conditions requises par le Minist�re des Classes Moyennes pour qu'un insalubre bistrot de village puisse dor�navant figurer comme "cabaret".

De plus en plus souvent, de vieux caf�s de province sont repris par des personnages tr�s peu recommandables; quelques transformations peu co�teuses comme l'installation de n�ons rouges suffisent: les premi�res femmes est-europ�ennes peuvent �tre livr�es pour y exposer et vendre leurs corps: Citons � ce sujet par exemple les localit�s de Schieren, Graulinster, Remich, Goetzingen, Olm, Huncherange. D'autres localit�s du Grand-Duch� risquent bient�t "de disposer" de lieux de d�bauche de ce genre, � savoir P�tange, Dudelange, Steinfort, Larochette, Medernach, etc.

Pour "�tre plac�es" dans un "cabaret" luxembourgeois, les soi-disant "artistes" doivent avoir recours au services d'un "impresario" qui leur fait signer des contrats-types imprim�s exclusivement en langue fran�aise, langue que la plupart des artistes ignorent. A la date du 18 d�cembre 1998 le Secr�taire G�n�ral du Minist�re des Affaires Etrang�res, Alphonse BERNS, informait nos ambassades et consulats comme suit:

"Le mod�le de contrat ainsi que les conditions g�n�rales r�gissant l'engagement des artistes seront traduits par le Minist�re de la Justice dans les langues maternelles usuelles des artistes engag�es su Luxembourg. D�s que ces traductions seront disponibles, un exemplaire en sera transmis aux repr�sentations diplomatiques et consulaires pour en donner connaissance, si besoin en est, aux artistes concern�s."

Depuis, plus de cinquante mois ont pass� sans qu'une seule traduction ne soit transmise � notre ambassade � Moscou, ni dans une autre ambassade d'ailleurs. Franchement: de qui se moque-t-on?

Avant d'�tre en rapport avec un "conseiller artistique" luxembourgeois, les jeunes femmes sont souvent enr�l�es par des impresarii locaux qui se font payer leurs services interm�diaires entre $1000 et $2000 et qui se font signer des reconnaissances de dettes par les "artistes". En cas de non-remboursement des dettes ainsi contract�es, les membres des familles des "artistes-victimes" seront terroris�s. A cause de ces dettes, les "artistes" ne peuvent pas rentrer pr�matur�ment dans leurs patries et doivent se plier aux pires exigences de leurs "employeurs" luxembourgeois.

Les contrats-types contiennent certaines clauses destin�es � prot�ger les jeunes femmes. Mais h�las, ces fameux contrats-types ne valent m�me pas le prix du papier sur lequel ils sont imprim�s. M�me si l'artiste connaissait la langue fran�aise et comprenait donc les clauses du texte sign�e par elle, aucune instance polici�re ou judiciaire serait habilit�e � la prot�ger et � faire respecter ces clauses. Une jeune femme qui oserait se plaindre devrait manu militari regagner son pays natal !

Artistes mineures aux passeports truqu�s ?

De nombreuses artistes est-europ�ennes qui "viennent bosser" � Luxembourg sont d�tentrices de deux passeports (�tablis � des noms diff�rents, suite � un mariage blanc en Russie ou Ukraine) en cours de validit�. Est-ce que les autorit�s comp�tentes omettent d'exiger la pr�sentation du passeport int�rieur russe ou ukrainien lors de l'introduction d'une demande de visa d'artistes? Mais il y a sans doute pire: m�me des fonctionnaires de nos consulats soup�onnent certaines des "artistes en herbe" qui se pr�sentent � nos repr�sentations diplomatiques - accompagn�es de leur impresarii-protecteurs, Rolex au poing et cha�nette en or massif autour du cou - d'�tre encore mineures et d'�tre n�anmoins oblig�es de venir � Luxembourg "en tant qu'artistes horizontales".

Nous savons de sources bien inform�es que certains de nos ambassadeurs ont re�u ou re�oivent de s�rieuses menaces de mort de la part des mafias locales, sans doute parce qu'ils d�fendent l'acc�s de leurs bureaux consulaires aux pourvoyeurs de jeunes femmes. Les diff�rente courriers adress�s aux ministres concern�s restent la plupart du temps sans r�ponse et contribuent � l'amertume grandissante de nos repr�sentants � l'�tranger.

Pourquoi les experts en la mati�re (Police des Etrangers et Service Visas du Bureau des Passeports) n'exigent-ils pas une photocopie l�galis�e des passeports valables � l'int�rieur des r�publiques de l'ex-URSS et dans les cas d'artistes visiblement trop jeunes font v�rifier l'identit� des requ�rantes par l'0VIR, les services des passeports de ces anciennes r�publiques satellites. Sont-ils trop aveugles pour vouloir contribuer � l'arr�t de la traite des femmes est-europ�ennes ou y auraient-il d'autres raisons qui emp�cheraient certains fonctionnaires � endiguer cet ignoble commerce? Un jour, t�t au tard, l'abc�s cr�vera.

Lors d'une r�union en date du 6 mars 2002, les d�put�(e)s F. Nicklaus, A. Bodry, M. Schank, J.Colombera, R. Garcia, S. Seissel, L. Err et R. Wagener ont sign� un texte de projet de motion � ce sujet, vot� et accept� � l'unanimit� en s�ance publique. Au fait, qu'� fait 1e Gouvernement de ladite motion ?


�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s