La face cach�e du journalisme
En l'espace de moins d'un mois, trois livres importants sont sortis en France et discutent des " faces cach�es " du journalisme. Il s'agit de " Bien entendu, c'est off " de Daniel Carton (Albin Michel), de " Les petits soldats du journalisme " de Fran�ois Ruffin (Les Ar�nes) et de, �videmment, " La face cach�e du Monde " de Pierre P�an et Philippe Cohen (Mille et une Nuits).
Importants, parce que les trois ouvrages, � des titres et des degr�s divers, avec plus ou moins de cr�dibilit� (le plus pr�valant chez les trois sur le moins), d�montent un dysfonctionnement qui, au fil des d�cennies est devenu institution dans la presse. M�me si l'exemple des trois livres concerne chaque fois la France, le contenu des trois livres peut s'adapter aux situations de la presse dans TOUS les pays d�mocratiques ou consid�r�s comme tels de notre bonne vieille Europe de l'Ouest.
Carton nous d�crit la compromission g�n�rale de ces journalistes, et ils sont l�gion, qui roulent sous le sigle du " off " pour les id�es et les manips d'un tel ou d'un tel, Ruffin nous fait d�couvrir les d�rives de la formation des journalistes dans l'�cole parisienne qualifi�e de " la plus importante de France et m�me d'Europe " et le tandem P�an/Cohen met � nu le pouvoir incroyable, n�faste et pernicieux acquis sournoisement par l'un des sinon le plus important quotidien europ�en.
J'ai lu, int�gralement, les trois livres. J'ai travaill� longuement dans et pour la presse parisienne et je ne puis que signer des deux mains les th�ses de Carton, " repenti " des salles de r�daction parmi les plus hupp�es et sa description de cette complicit� plus que vicieuse entre journaliste et informateur, sous le proc�d� du " off ". J'ai �t� �tudiant et je suis sorti dipl�m� du CFJ que Ruffin d�shabille sur 270 pages. De mon temps, l'�cole et surtout, sa direction, ne se comportaient pas encore comme aujourd'hui en mati�re d'enseignement, mais par contre, ce c�t� �litaire, cette fa�on de nous embrigader pour faire justement de nous " les petits soldats du journalisme", �tait bien pr�sente d�j� � l'�poque. Je n'ai jamais travaill� pour " Le Monde ", mais j'ai d� constater � plusieurs reprises (et d'ailleurs, P�an et Cohen en parlent en pages 305 et 306 de leur livre) que le grand quotidien parisien me volait mes informations et mes articles sans indication de source. Malgr� un certain nombre d'inexactitudes dans " La face cach�e du Monde ", il n'en reste pas moins vrai que la majorit� de ce que contient ce pav� de plus de 600 pages est exact !
Alors ? La presse est-elle aujourd'hui arriv�e � ce point de non retour que la politique et la justice ont franchi depuis longtemps ? Avec ce c�t� de fa�ade, de phrases creuses, de pouvoir et d'usurpation de ce pouvoir. Oui ! Aujourd'hui, les journaux et les t�l�s, les radios et les nouveaux m�dias ne publient que ce que certains choisissent comme �tre opportun. La prise de pouvoir dans la presse par des groupes �conomiques de moins en moins nombreux mais de plus en plus puissants qui installent leurs hommes sous les m�mes faux semblants d�mocratiques qu'en mati�re politique ou de justice � la t�te des organes de presse et la condition de servilit� dans laquelle se trouvent les journalistes, moins nombreux � �tre salari�s en Europe qu'� tirer le diable par la queue, font que l'information est conditionn�e, aseptis�e et uniformis�e.
Une grave calamit�, mais une chance �galement pour ceux qui veulent r�ellement cr�er un contrepoids, car ils pourront remplacer l'apport des capitaux par la disponibilit� d'un lectorat qui sera pr�t � payer plus cher pour acc�der � nouveau � de la v�ritable information, sans contr�le de groupe financier ou de publicitaires. "L'investigateur " en est, toutes proportions gard�es, un exemple vivant.
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