Corse : � ils ne font plus peur, nous ne baisserons plus la t�te�
Feb 4, 2004
Des racketteurs hors d'�tat de nuire, des langues qui commencent � se d�lier. Un article du � Figaro � :
Les temps changent en Corse. L'ann�e derni�re, la seule pr�sence de Charles Pieri avait suffi � rendre sourds, muets et aveugles, deux cent cinquante t�moins lors du proc�s en assises de ses fils � le biologique et l'adoptif � accus�s d'assassinat. Et, sans r�elle surprise, tous deux avaient �t� blanchis des accusations qui pesaient contre eux. Mais depuis que Nicolas Sarkozy en a fait son Al Capone, le chef ind�pendantiste n'inspire plus la m�me terreur. Et ceux qui, jusqu'alors, subissaient en silence, par crainte de repr�sailles, osent d�sormais rompre l'omerta.

Mis en examen pour �abus de biens sociaux, recel et complicit� d'abus de biens sociaux, recel d'abus de confiance, association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, financement du terrorisme et extorsion de fonds�, Charles Pieri devrait rester �loign� de l'�le pendant une p�riode assez longue et plusieurs de ses lieutenants l'ont suivi derri�re les barreaux. Corsica Gardiennage Service (CGS) aurait donc servi de �vache � lait� au nationalisme corse : l�ch�e devant le juge Philippe Courroye, la petite phrase de l'ancienne secr�taire de la soci�t� a donn� corps � cette pr�somption que les policiers s'effor�aient d'�tayer depuis longtemps. Employ�e par la CGS entre 1996 et 2002, Marina Paolini a reconnu sur proc�s-verbal avoir op�r� des d�tournements de fonds sur l'ordre de Jacques Mosconi, bras droit de Charles Pieri. �J'ai remis � M. Mosconi 15 000 francs par mois par virement ou en esp�ces, plus les �-c�t�s, de septembre 1998 � janvier 2002.� Selon la jeune femme, ne pas ob�ir aurait mis en danger la vie de son fr�re Jean-Dominique, alors g�rant de la CGS. �J'ai compris que si l'argent n'�tait pas sorti, c'�tait fini pour nous.�

Depuis, dans le cabinet d'instruction du juge Courroye, les langues se d�lient � une cadence jamais atteinte. Les t�moignages lui parviennent m�me par fax : l'ancien g�rant du Club Med de Sant'Ambroggio (Haute-Corse) relate le racket op�r� sur le complexe touristique par le FLNC ; l'ancien PDG de Nouvelles Fronti�res, Jacques Maillot, s'�panche � son tour, expliquant comment il est devenu malgr� lui sponsor du SCB depuis 1994 pour que les plastiqueurs cessent de s'en prendre � ses h�tels et � ses agences en Corse.

Les pratiques douteuses du football remontent �galement � la surface lorsque l'agent de joueurs Fabien Piveteau explique comment il a remis, �sous contrainte�, 100 000 euros � des proches de Pieri lors du transfert � l'Olympique Lyonnais du joueur bastiais Micha�l Essien.

�Les Corses n'ont plus peur de parler et ils font confiance � la justice pour mettre hors d'�tat de nuire ceux qui veulent imposer le silence aux victimes par la terreur �, explique le procureur de la R�publique d'Ajaccio, Patrick Math�. �Il y a eu plusieurs affaires � la faveur desquelles la population a compris que les enqu�teurs et les magistrats sont d�termin�s � lutter contre ce que l'on appelle la loi du silence. D�sormais, des victimes se plaignent, des t�moins parlent, les jur�s font preuve de responsabilit� et c'est comme cela que la confiance sera compl�tement restaur�e�, poursuit-il.

La parole reprend aussi ses droits dans l'opinion qui, d'une fa�on de plus en plus vigoureuse, s'�l�ve contre la violence des organisations ind�pendantistes. �C'est un v�ritable besoin que nous avons eu de crier notre ras-le-bol au grand jour�, affirme ainsi Jacques Linale, le maire de Pieve o� cinq cents personnes sont venues manifester il y a dix jours apr�s un attentat dirig�, le 6 janvier, contre une maison du village. D'autres manifestations du m�me type ont �t� organis�es � Poggio d'Oletta et � Sart�ne. �Ils doivent comprendre qu'ils ne font plus peur et que la Corse ne baissera plus la t�te devant eux�, affirme J�r�me Polverini, membre du conseil ex�cutif de la Collectivit� territoriale de Corse.

Voire... Les derniers rebondissements de l'affaire Pieri ont certes d�li� des langues. Mais de la coupe aux l�vres, il y a encore loin. �La Corse a toujours �t� une r�gion de bavards o� tout finit par se savoir, par se dire... �, affirme un ancien responsable policier. �Il y a toujours eu beaucoup de gens pour parler, et avec des motivations tr�s diverses. Mais il est plus difficile de les faire venir � la barre lors des proc�s et les jur�s sont eux-m�mes souvent sous influence.� Lors du proc�s des fils Pieri, le procureur de la R�publique avait reconnu qu'en Corse, �le silence est impos� � des bavards�.

Apr�s leur acquittement, tous deux seront rejug�s en appel au mois de mai par la cour d'assises du Rh�ne. �Le d�paysement hors de l'�le des affaires sensibles est encore trop souvent n�cessaire en Corse pour entrer en voie de condamnation�, reconna�t un magistrat de Bastia.
Ajaccio : Dominique Costa

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