Calisto Tanzi et son bras droit financier, Fausto Tonna, avaient cr�� six soci�t�s �crans au Grand-Duch�, � l'aide de pr�te-noms. "Le Monde" a remont� la fili�re.
Luxembourg de notre envoy� sp�cial
Petit immeuble anodin de brique blanche, le 38-40, rue Saint-Zithe, � Luxembourg, abrite le d�partement de domiciliation de soci�t�s de la compagnie Mercuria, filiale du plus gros cabinet d'avocats luxembourgeois, Arendt & Medernach (A & M).
A en croire le registre de commerce du Grand-Duch�, c'est l� qu'est immatricul�e la soci�t� Satalux, qui est au c�ur de l'enqu�te pour blanchiment ouverte par la justice luxembourgeoise contre les anciens responsables du groupe agroalimentaire italien Parmalat.
" Prise de participations sous quelque forme que ce soit dans des soci�t�s luxembourgeoises ou �trang�res et toute autre placement" : tel est, selon les statuts, l'objet de la Satalux contr�l�e par deux soci�t�s "bo�tes aux lettres" appartenant au fondateur et ancien patron du num�ro un mondial du lait, Calisto Tanzi, et � sa famille. En vertu de la r�glementation, Eric Fort, avocat aupr�s de Mercuria, �tait l'un des trois membres du conseil d'administration de cette firme. Les deux autres - NYTE Investments, compagnie bas�e dans le Delaware, paradis fiscal de la c�te Est des Etats-Unis, et un homme de paille r�sidant � New York City - n'�taient que des pr�te-noms.
R�SEAU DE D�TOURNEMENT
Aujourd'hui en prison, l'avocat de Parmalat, Gianfranco Zini, a mont� de toutes pi�ces cette entit� pour le moins insolite. Ainsi, son commissaire aux comptes, Themis Audit, inconnu des milieux comptables, est bas� dans les �les Vierges britanniques, autre paradis fiscal. Selon l'enqu�te italienne sur le colossal r�seau de d�tournement de fonds pr�sum� mis en place par le groupe italien, la Satalux aurait servi � "siphonner" une partie, voire la totalit�, des 500 millions d'euros d�tenus par le myst�rieux fonds Epicurum, immatricul�, lui, aux �les Ca�mans, et dont les actifs ont disparu sans laisser de traces.
Autre soci�t� �difi�e par Mercuria pour le compte de Parmalat, Third Millenium �tait le fief personnel de Fausto Tonna, l'ancien directeur financier du groupe et bras droit de M. Tanzi. L'actionnaire de r�f�rence de cette "bo�te aux lettres" n'est autre... qu'Epicurum. Dissoute en juillet 2003, Third Millenium a publi� un bilan de liquidation sans convoquer d'assembl�e g�n�rale extraordinaire.
Avocat embl�matique de la place, Paul Mousel, l'un des principaux associ�s du cabinet A & M, ne bat pas sa coulpe pour autant, en recevant Le Monde : "Lorsqu'une soci�t� �trang�re bien connue vient � Luxembourg pour cr�er une soci�t� � participation financi�re afin d'�mettre des obligations � l'aide d'un syndicat bancaire international r�put�, les prestataires de services de la place financi�re ne se posent plus de questions."
Etienne Stiennon ne s'est pas non plus pos� de questions. Ce ressortissant belge est l'administrateur d�l�gu� de Gecalux, une soci�t� sp�cialis�e elle aussi dans la constitution de soci�t�s luxembourgeoises. Cette coentreprise entre la banque KB Luxembourg et une soci�t� d'assurances du cru a cr�� trois structures pour le compte de Parmalat : Parmalat Soparfi, Food Reinsurance et Newport. Toutes ont en commun un objet social vague, des bilans en perte, nettoy�s r�guli�rement pour �tre plus pr�sentables, des participations crois�es et la pr�sence au conseil d'administration de M. Tonna. Parmalat Soparfi �tait la t�te de la cascade de holdings install�es � Malte et aux �les Ca�mans, par lesquelles ont transit� les fonds litigieux (Le Monde du 10 janvier). M. Stiennon est, aujourd'hui, injoignable. Et il vient d'arr�ter ses activit�s au sein de la chambre de commerce italo-luxembourgeoise, dont Gecalux est membre.
Derni�re soci�t� de domiciliation �clabouss�e par l'affaire Parmalat : le cabinet d'audit KPMG Luxembourg, via sa filiale KPMG Financial Engineering. Cette derni�re a immatricul� Olex et lui a fourni trois administrateurs. Une soci�t� dont les comptes sociaux n'ont pas �t� publi�s depuis 1999. "Olex a �t� vendue au d�but 2003. Cette compagnie n'est donc plus domicili�e chez nous, raconte au Monde John Lee, directeur de KPMG Luxembourg. D'ailleurs, les autorit�s ne nous ont pas contact�es dans le cadre de leur enqu�te".
ENQU�TE ANTIBLANCHIMENT
"Il y a un nombre impressionnant de dossiers. L'enqu�te ne concerne pas seulement Satalux mais toutes les soci�t�s luxembourgeoises dans laquelle Parmalat avait un lien direct ou indirect. Nous travaillons de concert avec les autorit�s italiennes", d�clare Jean-Fran�ois Boulot, substitut du procureur charg� du dossier au Grand-Duch�. L'enqu�te antiblanchiment ouverte fin 2003, � la suite d'une d�claration de soup�on faite � la cellule de renseignements financiers, s'est acc�l�r�e depuis la r�ception, le 20 janvier, de la commission rogatoire italienne (Le Monde du 22 janvier).
La tension est encore mont�e d'un cran le 22 janvier avec des perquisitions men�es dans des �tablissements renomm�s comme la Soci�t� Europ�enne de Banque (SEB), filiale du premier groupe bancaire italien Intesa. Selon sa secr�taire, l'administrateur d�l�gu� de la SEB, Bruno Agostini, est en vacances. Fabio Morvilli, le pr�sident de la chambre de commerce italo-luxembourgeoise, dont M. Agostini est vice-pr�sident, prend la d�fense de son ami : "Je connais bien Bruno. Il travaille dans les r�gles de l'art. Je crois qu'il ne s'occupait pas directement de ce dossier. Etant responsable de toute la banque, il ne pouvait pas s'occuper de tous les dossiers." L'ambassade d'Italie, elle, a pr�f�r� fermer sa porte aux journalistes.
Parmalat avait fait du Grand-Duch� - 17 banques italiennes y sont pr�sentes - le c�ur de ses op�rations financi�res. La totalit� de ses emprunts obligataires �tait cot�e � la Bourse de Luxembourg, pour un montant de 7,5 milliards d'euros.
Marc Roche
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Soparfi, le nerf de la guerre
La majorit� des soci�t�s domicili�es par Parmalat au Luxembourg sont des Soparfi, des soci�t�s de participations financi�res. En vertu de la loi du Grand-Duch�, ce type de soci�t� est libre de toutes restrictions quant � ses activit�s. Pleinement imposable, ce v�hicule b�n�ficie d'exemptions fiscales (entre autres, exon�ration des plus-values et des dividendes) dans le cadre de ses participations. Une Soparfi est imposable au titre de l'imp�t sur les soci�t�s, de l'imp�t sur la fortune, calcul� en pourcentage des actifs nets, et d'un imp�t municipal. Cette entit� est �galement utilis�e pour �mettre des obligations, la loi ne pr�voyant aucune limite d'endettement.
Lors du krach de sa maison m�re Parmalat, l'endettement de Parmalat Soparfi atteignait, par exemple, plus de dix fois ses fonds propres (le capital social est de l'ordre de 31 000 euros pour une SA, 10 000 euros pour une SARL). Trois administrateurs au minimum, de libre nationalit� et r�sidence, sont exig�s. Le si�ge social doit �tre situ� et demeurer au Luxembourg. Un commissaire aux comptes doit certifier le bilan.
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