Faut-il d�truire le Vazzio ? La centrale �lectrique est aujourd�hui accus�e de constituer la principale source de pollution de la r�gion ajaccienne. Un excellent dossier de La Corse Votre Hebdo sign� par Henri Nicolai.
Les fum�es d�gag�es par la centrale thermique du Vazzio font l�objet de tous les soup�ons notamment de la part d�associations de d�fense de l�environnement qui ont saisi la commission sant� de l'Assembl�e de Corse. EDF se d�fend en assurant faire tous les efforts pour diminuer la nocivit� des fum�es, qui de plus auraient un faible impact sur la qualit� de l'air. Particuli�rement vis�s: les oxydes d'azote (NOX) dont le Vazzio, aliment� au fuel lourd, est un grand producteur.
Il y a plus de vingt ans, pour les besoins �nerg�tiques de la Corse, huit cargos jetaient l'ancre dans le golfe d'Ajaccio pour ne plus y bouger, leurs machines en marche. �videmment ce n�est qu'une image mais elle rec�le une part de v�rit�: les huit moteurs qu'EDF a install�s au Vazzio dans les ann�es quatre-vingt sont identiques aux moteurs qui �quipent les ferries. Ces "monstres" de 28 000 chevaux une belle cavalerie aliment�e au fuel lourd - fournissent plus de 30 % de l'�lectricit� consomm�e dans l'�le, autrement dit plus que toute �nergie hydraulique r�unie. La question clairement pos�e aujourd'hui est simple: le Vazzio est-il coupable d�une pollution � l'oxyde d'azote de la r�gion ajaccienne ? Si EDF assure avoir la r�ponse - n�gative -, les opposants au Vazzio ont le sentiment aujourd'hui de poss�der d'autres �l�ments de r�ponse.
Des seuils d'alerte d�pass�s
L'association U Levante a obtenu tout � fait l�galement les relev�s EDF envoy�s mensuellement � la DRIRE. Ils ont r�v�l� des niveaux d'oxydes d'azote (N OX) suffisamment pr�occupants pour que la commission de sant� de l'Assembl�e de Corse se saisisse du dossier � la demande du Levante. Sous la pr�sidence du docteur Sauveur Versini, la commission a auditionn� EDF, l'observatoire r�gional de la sant�, des m�decins et des associations de d�fense de l'environnement� � l'issue de ses entretiens, le docteur Versini a soulign� qu'il �tait clairement �tabli que "la centrale du Vazzio �mettait des polluants dioxydes d'azote, oxyde d'azote, dioxyde de souffre et poussi�res, et les diff�rentes mesures effectu�es durant l'�t� 2003 ont signal� des pics importants d�passant largement les seuils d'information de la population et les seuils d'alerte. Si pour l'heure, il est inutile d'inqui�ter les populations concern�es, il est cependant du devoir des �lus d'informer les citoyens sur la qualit� de l'air qu'ils respirent
et de r�fl�chir aux r�ponses les plus adapt�es pour r�duire ce ph�nom�ne".
Fournir enfin des mesures
C'est donc � point nomm� que s'est cr��e le 17 octobre 2003 l'association de surveillance de la qualit� de l'air sous la pr�sidence de J�r�me Polverini, conseiller ex�cutif. Cette association, pr�vue par la loi sur l'air du 30 d�cembre 1996, r�unit les industriels, les repr�sentants des collectivit�s et les associations de d�fense de l'environnement. Le minist�re devrait agr�er rapidement l'association et d�s les premiers mois 2004, elle devrait �tre en mesure de fournir aux Ajacciens des mesures de qualit� de l'air certifi�s, autrement dit les indices ATMO bien connus sur le continent, o� ces associations fonctionnent depuis plusieurs ann�es.
Signalons aussi que la commission sant� de la CTC a �galement demand� que "dans un souci de transparence et de pleine information des relev�s pr�cis doive �tre r�alis�s et publi�s et une �tude �pid�miologique, permettant d'�valuer les effets r�els de la pollution sur les populations en fonction des variations climatiques, doit �tre diligent�e".
Y a-t-il un autre pollueur?
Face aux soup�ons voire aux accusations qui p�sent sur elle, EDF affiche "la plus grande s�r�nit�". Son directeur r�gional adjoint, Claude Hartman, affirme: "Nous attendons ces r�sultats car ils permettront de conclure d�finitivement des pol�miques partisanes r�guli�rement relanc�es. De m�me nous sommes heureux de voir la cr�ation de l'association pour la qualit� de l'air dont nous sommes membres au titre d'industriel. Nous avons propos� de c�der gracieusement nos trois installations de mesure � l'association et leur permettre de surveiller la qualit� de l'air".
La s�r�nit� d'EDF tient � une double ligne de d�fense. La premi�re d�coule d'une certitude: "Toute activit� industrielle g�n�re une pollution. Nous en sommes conscients et nous le regrettons. Mais nous nous avons d�j� la r�ponse � la question sur "la culpabilit� du Vazzio". Pour mieux comprendre la contribution de la centrale aux teneurs en polluants de l'air, � la demande des pouvoirs publics, EDF a fourni en 1998 une �tude de dispersion des fum�es du Vazzio. Cette �tude dite "Aria" du nom du prestataire, ind�pendant d'EDF et largement reconnu parmi les promoteurs de la qualit� de l'air, mod�lise la r�partition des �missions dans l'environnement. Elle a d�montr� que la centrale du Vazzio, au maximum, dans des conditions m�t�orologiques d�favorables est responsable : de moins de 19 % des seuils recommand�s en oxydes d'azote; de moins de 3 % des seuils recommand�s en souffre ; de moins de 1 % des seuils recommand�s en poussi�res". Avec un autre argument : "Nous sommes s�rs de nous, car chaque ann�e au mois
de mai, nous arr�tons le Vazzio durant une semaine... Les mesures ne diminuent que l�g�rement, ce qui montre bien l'impact de l'usine sur la qualit� de l'air !.
Alors quid des mesures effectu�es cet �t� sur les trois installations d'EDF � la Pianiccia, boulevard Albert 1er et Porticcjo; "S'il y a pollution, il faut sans doute regarder ailleurs" affirme le directeur EDF, "mais ce n'est pas � nous de le dire". Selon l'institut Fran�ais de l'Environnement, 75 % des oxydes d'azotes en France sont d�s au trafic routier. Et seulement 71 % de ces NOX sont d'origine hexagonale. Qu'en est-il donc de la r�gion ajaccienne o� le taux des NOX relev�s sur les stations EDF a �t� � plusieurs reprises audessus des seuils d'alerte et d'information, m�me si ces mesures ne pr�sentent pas, selon les termes m�mes de l'op�rateur, une garantie � toute �preuve ? Ce sera donc l� le premier travail de l'association de la qualit� de l'air.
Une recherche innovante
L'autre ligne de d�fense d'EDF sur le Vazzio consiste � pr�senter tous les efforts faits pour 'r�duire 'impact sur l'environnement et se conformer � la r�glementation. "EDF est une entreprise qui a beaucoup �volu�" assure Claude Hartman, "et aujourd'hui nous nous inscrivons r�solument dans une strat�gie de d�veloppement durable."
Ainsi, pour r�pondre � la r�glementation, EDF a trait� les oxydes de soufre en utilisant un fuel IBIS (Tr�s basse teneur en souffre) et surtout engag� un programme de r�duction des oxydes d'azote.
L'industriel a jusqu'en 2010 pour r�duire ses �missions jusqu'� 1900 mg/m3. Aujourd'hui, les mesures prises en sortie de chemin�e font �tat d'un niveau 7 500 mg/m3. Les diminuer de plus d'un tiers n'est pas chose facile en raison de la nature m�me du carburant utilis�. Mais obligation faisant raison, EDF a investi sur une recherche innovante qui a abouti � la cr�ation d'une esp�ce de pot catalytique g�ant (Selectiv Catalytic Reduction). D'une hauteur de pr�s de dix m�tres, un appareil a �t� install� entre l'un des moteurs et les chemin�es du Vazzio pour un r�sultat largement positif, puisque l'�mission est en de�� du niveau r�glementaire. Trois autres machines sont d�ores et d�j� command�es, alors que le rythme d'installation sera d'un �quipement par an. Un rythme oblig� : chaque installation n�cessite plusieurs mois d'arr�t du moteur. En terme de co�t, chaque op�ration se chiffre � environ 4 millions d'euros.
D�finir l'apr�s-Vazzio
D�tail insolite: lorsque les huit "pots catalytiques" seront install�s, le Vazzio sera tout pr�s de sa fin, programm�e pour 2012. Mais au mois l'op�rateur a la satisfaction "de mener un programme de r�duction en tout point conforme aux engagements de r�duction globale r�glementaire fix�s par arr�t� pr�fectoral et avec le plan �nerg�tique � moyen terme adopt� par l'Assembl�e de Corse".
D�s 2006, la Corse devrait d�finir l'apr�s Vazzio � travers le plan �nerg�tique qui d�finira les diff�rentes sources qui seront mises en �uvre thermique (gaz ou non), renouvelables (solaire, �olien, hydraulique). C'est en quelque sorte la grande question de demain. Mais pour y r�fl�chir sereinement, aujourd'hui, on attend qu'une �tude sur l'air r�v�le la r�alit� de la pollution de l'air � Ajaccio mais aussi sur l'ensemble de l'�le.
Il a �t� �crit par le l�gislateur que chacun a droit � l'information sur la qualit� de l'air et ses effets sur la sant� et l'environnement est reconnu � chacun sur l'ensemble du territoire. Il est plus temps pour la Corse de b�n�ficier de ce droit.
(Henri NICOLAI)
Une centrale peu ordinaire
80 % de l��nergie produite en France est fournie par �nergie nucl�aire. Les centrales thermiques qui �quipent la Corse font donc figurent d'exception pour la France m�tropolitaine, m�me si elles �quipent la plupart des �les du monde. La centrale du Vazzio est donc en t�te de liste pour les plus grosses consommatrices de fuel lourd, une source d'�nergie donc abandonn�e ailleurs. Pour des raisons �conomiques et environnementales. Dans les ann�es 80, le fuel �tait bon march� et EDF �tait sensiblement dans une d�marche productiviste. On a donc imagin� produire de l'�lectricit� � partir de moteur lent (100 tours minutes) pour un rendement qui est loin d'�tre optimum 35 %. Autrement sur 100% d'�nergie fuel on r�cup�re 35 % d'�nergie �lectrique. Le reste ? Il part dans la nature sous des formes diverses dont ce qui nous int�resse est compos� d'oxydes de souffre, d'oxydes d'azote et de poussi�res diverses et vari�es. Contribuant ainsi � l'effet de serre et au r�chauffement de la plan�te contre lequel toute la communaut� internationale cherche � se liguer.
La loi sur l�air
V�ritable enjeu de sant� public, la qualit� de l'air a donn� lieu � une loi adopt�e en 1996. Elle a fix� des seuils de rejets d'oxyde d'azote auxquels EDF devra se conformer � partir de 2010. La loi avait aussi pr�vu a cr�ation d'une association de surveillance de la qualit� de l'air, � partir du 1er janvier 2000. Avec trois ans de retard, celle-ci vient enfin de se mettre en place.
Notre commentaire : l�apr�s-Vazzio exige que la Corse fasse enfin le choix �nerg�tique de la Corse de demain. La pol�mique proprement stup�fiante d�clench�e dans la r�gion de Bastia par les anti-�oliennes d�montre que l� encore, des pans de la soci�t� corse, continuent de r�fl�chir politiquement quand il ne faudrait prendre en compte que des crit�res techniques.
La Corse poss�de trois atouts �nerg�tiques fondamentaux : la mer, le vent et l�eau. Elle n�en use quasiment pas pr�f�rant d�une fa�on tr�s sovi�tique conserver le fuel lourd. Bien des villes de l�Europe du nord profitent du vent et de l��nergie thermique pour se chauffer. Nous non. Nous pr�f�rons nous auto-polluer pour faire plaisir au trust EDF et � la CGT. Fort heureusement, notre �le est riche en associations qui n�h�sitent plus � ce qu�il faut bien appeler une loi du silence destin�e � couvrir une pr�tendue manne nationale.
Autant la position � ind�pendance �nerg�tique � para�t illusoire dans un monde o� tout le monde d�pend de tout le monde, autant il devrait �tre possible de produire une partie de notre propre �nergie. Mais alors le conglom�rat EDF-syndicats perdra de sa puissance.
TOUT LE DOSSIER CORSE
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