Notre responsabilit� de Corses
Dec 23, 2003
Un lecteur nous �crit � propos des articles parus sur l�affaire Pieri.

Je suis un vieux Corse qui s�appr�te � f�ter ses soixante et onze ans. C�est dire que ma jeunesse est derri�re moi. Je n�ai quitt� l��le qu�en deux occasions : le service militaire et une mutation br�ve. Pour le reste, je n�ai connu que Bastia et mon village.

Je tenais � vous dire combien l�affaire Pieri est douloureuse pour un homme qui aime son �le par-dessus tout mais aussi sans surprise. Mon p�re poss�dait des hectares de for�t qu�il avait lou�s entre les deux guerres � une grosse scierie. Il n�avait pas fallu quelques mois pour que des jeunes du coin la rackettent en bonne et due forme.

Ils �taient venus un matin et avaient menac� le patron de la scierie : un Bastiais. Et comme celui-ci avait r�sist�, ils avaient mis le feu � un des hangars un peu �loign� du b�timent central afin de lui lancer un avertissement. L�homme avait pay� jusqu�� ce que ces � percettori � soient pris par les gendarmes et envoy�s au bagne. De telles histoires, selon mon pauvre p�re, �taient monnaie courante depuis toujours.

Les Bellacoscia, originaires de Bocognano, rackettaient eux aussi des forestiers. Charles Pieri et ses amis sont donc bien dans cette lign�e-l�. Qu�ils sachent seulement que notre histoire que, peut-�tre, ils ignorent pour ne pas poss�der dans cette �le de racines suffisamment profondes, notre histoire donc n�a retenu de ces bandits que la honte et l�infamie.

Mais j�attire votre attention que ces nationalistes d�voy�s, sit�t �limin�s seront vraisemblablement remplac�s par d�autres si ce n�est d�j� fait. N�anmoins je veux mettre en face cette infime minorit� qui tue et rackette au nom de je-ne-sais-quoi et la grande masse des Corses qui travaille quand elle ne tente tout simplement pas de survivre.

C�est d�ailleurs le pi�ge de la situation actuelle que de favoriser ce type de comportement tout en pr�tendant le combattre. � l�automne de mon existence, je constate que seule la grande passivit� des Corses mais aussi celle de l��tat permettent que se d�veloppe cette terreur. Car il y a bien terreur. Que tous ceux qui n�en sont pas convaincus, viennent observer ce qui se passe � Bastia et dans les environs. D�s que l�une des bandes actives se montre, tout le monde se cache. J�ai entendu plusieurs t�moignages sur la peur qu�inspirent les amis de monsieur Pieri ou ces voyous qui roulent carrosse.

Mais comment expliquer qu�une soci�t� comme la CGS ait pu prendre le relais de Bastia Securit� sans qu�aucune enqu�te officielle ne vienne entraver son ascension ? Je me pose des questions et je me demande si, en d�finitive, la politique du gouvernement d�isse Francie n�est pas toujours la m�me : acheter la paix � n�importe quel prix fusse celui de la morale.

Je ne suis pas rassur� pour l�avenir. Il ne s�agit pas de mon avenir mais de celui de mes petits enfants qui auront � choisir, s�ils veulent vivre ici entre une Fonction publique mis�rable et l�adoption de moyens que je r�prouverai jusqu�� mon dernier souffle.

L��tat doit remplir son r�le mais le chemin que nous avons � parcourir est long, tr�s long.

Jean-Andr� Paoli

TOUT LE DOSSIER CORSE

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