� Je ne baisserai pas les bras! � d�clare Sarkozy
Oct 17, 2003

Une interview de Nicolas Sarkozy � Corse-Matin

Aujourd'hui � Ajaccio, Nicolas Sarkozy reprend contact avec la Corse. Dans un entretien qu'il nous accorde, il dit qu'il fait du d�veloppement et de la lutte contre la violence ses priorit�s. Tout en croyant � la n�cessit� d'une solution politique...

- Apr�s presque quatre mois sans venir en Corse, voil� que vous programmez deux visites coup sur coup. Pourquoi?

- Parce que la Corse a besoin qu'on travaille pour et avec elle sur e long terme, qu'elle ne s'accommode pas d'une attention en pointill�s. Retroussons-nous les manches et mobilisons les �nergies sur ce qui est devenu l'essentiel son d�veloppement.

- Ce jeudi � Ajaccio, vous r�installez la st�le de Claude Erignac d�truite cet �t�...

- Je sais que les Corses ont �t� profond�ment choqu�s par cet acte l�che et totalement indigne du respect sacr� qu'ils vouent aux morts. Nombreux sont ceux, �lus, responsables, simples citoyens, qui participeront � cette c�r�monie que je souhaite digne et �mouvante. Il y aura une minute de silence pour penser � un homme qui a, donn� sa vie pour l��tat. Ce sera l'occasion de renouer avec cette image authentique de la Corse, celle d'une soci�t� qui ne supporte plus la caricature, qui ne veut plus qu'une minorit� s'exprime en son nom.

- Deuxi�me symbole, votre pr�sence � la messe de d�part de Mgr Lacrampe...

- Je veux rendre hommage � l'�glise de Corse et � ses 120 pr�tres qui cultivent une tradition de paix nourrie d'un pass� dont je refuse de croire qu'il est r�volu. Et je veux saluer le premier d'entre eux, qui aime la Corse et qui est aim� des Corses. La seule ambition qui a guid� le s�jour de Mgr Lacrampe, dans cette �le min�e par la violence, a �t� de faire pr�valoir le caract�re sacr� de la vie. Sa conviction est un exemple pour nous tous.

- Vous venez aussi d�livrer un message politique fort?

- Mon deuxi�me voyage � la fin du mois aura, c'est vrai, une dimension plus politique car les probl�mes de fond de la Corse subsistent et il faut s'y atteler. Les priorit�s ne manquent pas
Le d�veloppement qui donnera du travail aux jeunes, l'ouverture d�universit� vers de meilleures formations, l'am�nagement de l'int�rieur, la dette agricole, etc.

- � l'universit� et chez les agriculteurs, on s'impatiente de plus en plus...

- Tous les engagements que j'ai pris au nom de l'�tat seront scrupuleusement respect�s. Je n'ai pas l'intention de renoncer, encore moins de baisser les bras. Je continuerai mon travail pour sortir l'�le de l'�tat de sous-d�veloppement dans lequel la maintient une violence impos�e pour des raisons qui ont peu � voir avec la politique.

- Apr�s le r�f�rendum, il n'y a plus de discussion possible avec les nationalistes?

- Je n'ai jamais �t� un adepte de la politique de la rupture. Je n'ai pas chang� d'avis : je crois toujours � la n�cessit� d'une solution politique pour la Corse. Je souhaite polir elle davantage d'autonomie afin que les Corses puissent prendre leur propre destin en main. L��le a tous les atouts pour se forger un avenir de paix et de d�veloppement. C'est s�r cet objectif que j'entends travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volont�, y compris les autonomistes qui refusent la violence. Quant � ceux qui ne veulent se faire entendre qu'avec des bombes ou du racket, ils auront des comptes � rendre � la justice.

- Vous vous �tiez quand m�me engag� sur le rapprochement des prisonniers...

- Le rapprochement des condamn�s entre toujours dans les objectifs gouvernementaux. Tout ce qui s'applique ailleurs doit s'appliquer en Corse. Il n'y a aucune raison que les familles des d�tenus n'aient pas les m�mes droits en Corse que sur le continent.

- Le Premier ministre a laiss� entendre que la discussion institutionnelle pourrait rebondir apr�s les Territoriales de 2004...

- Que seront les institutions dans dix ans ? Je n'en sais rien. N'insultons pas l'avenir. Mais la priorit� n'est plus la r�forme institutionnelle, m�me si des points de l'actuel statut m�riteront sans doute d'�tre corrig�s pour une gestion plus efficace. Il faut maintenant utiliser � plein les possibilit�s pr�vues par la loi de janvier 2002 qui conf�re d'ores et d�j� plus d'autonomie � la Corse. Je ferai � la fin du. mois un point pr�cis sur le transfert des comp�tences et des personnels. Ce travail doit profiter � chacun dans l'�le. Et n'oublions pas le droit � l'exp�rimentation apport� par la r�cente r�vision constitutionnelle, C'est un droit � l'adaptation et � la diff�rence. La violence n'est pas la voie de l'avenir. La violence reste et restera une voie sans issue.

- Et si le r�f�rendum �tait annul� par le Conseil d'�tat?

Le r�f�rendum a permis une expression puisque 60 % des Corses se sont exprim�s. Le Conseil d'�tat et les juridictions p�nales jugeront de sa sinc�rit�. La justice doit passer pour tout le monde. Attendons sereinement les d�cisions.

- En cas d'annulation, vous ne prendriez pas de nouvelle initiative?

Je r�serve ma r�ponse jusqu'� la d�cision du Conseil d'�tat. Mais le soir du 6 juillet, l'�le �tait divis�e sur le sujet institutionnel et, quelle que soit la d�cision du Conseil d'�tat, elle le restera. Le gouvernement ne prendra pas d'autres initiatives qui pourraient provoquer des divisions.

- Un sujet qui divise, lui, c'est le mode de scrutin votre arbitrage personnel?

En d�posant un texte sur la parit�, que je d�fendrai le 13 novembre devant le S�nat, le gouvernement a tenu ses engagements. Il y a 7 femmes � l'assembl�e de-Corse, Il y en aura bient�t 25 L'enjeu est plus important qu'il n'y para�t : les femmes jouent en Corse un r�le capital. Ce sont elles qui, les premi�res, ont courageusement dit halte � la violence. Quant au sujet qui vous pr�occupe, je rappelle simplement qu'il existe une tradition r�publicaine qui veut qu'on �vite de changer de mode de scrutin � 5 mois d'une �lection. Cette tradition ne vaudrait-elle pas pour la Corse

- Vous ne vous m�lerez pas non plus de la campagne �lectorale?

J'ai prouv� que j'�tais pr�t � travailler avec tout le monde. Je veux rester l'interlocuteur de tous et j'observerai donc une r�serve � l'�gard de ces enjeux politiques qui ne sont pas du tout m�diocres pour autant.

- Les nationalistes assurent pourtant que la perspective de leur union fait peur au gouvernement...

Si l'union se r�alise sur le refus de la violence, qu'aurait donc � craindre le gouvernement ? Mais je ne me souviens pas, h�las, de tr�ve d�cr�t�e sans son cort�ge d'attentats.

- Et �a continue dans l'�le mais aussi sur le continent...

Je le dis avec force l'�tat fera son travail dans la s�r�nit� et la transparence mais avec une d�termination dont personne ne doit douter. La justice passera pour tout le monde, sans exclusive et sans exc�s. Les auteurs seront arr�t�s.
Que personne n'en doute.

- Les incidents de Luri ont-ils �t� si bien g�r�s?

Ceux qui ont lanc� des cocktails Molotov contre la gendarmerie de Luri sont en prison. L��tat devrait-il fermer les yeux? La r�ponse est non. On peut toujours disserter sur le choix du lieu d'emprisonnement, Bastia plut�t que Paris. Mais la justice est ind�pendante et ce n'est pas le ministre de l'Int�rieur qui choisit le magistrat...

- L'information judiciaire � l'encontre de Charles Pieri est-elle le signe d'une traque � venir de ce qu'on appelle les � d�rives financi�res �?

D'abord, je n'ai pas de commentaire � faire sur une information judiciaire en cours. Ensuite, �a fait si longtemps qu'on dit qu'il se passe des choses inavouables sur le plan financier, qu'on ne doit pas s'�tonner aujourd'hui que la justice souhaite y aller voir de tr�s pr�s. Faisons-lui confiance. Elle saura faire le tri entre la v�rit� et la rumeur.

- Votre avis sur ces reportages des m�dias nationaux qui fustigent la Corse et alimentent la pol�mique?

Comme tout un chacun dans l'�le, je suis bless� par cette image n�gative et d�natur�e qui ne correspond pas � la r�alit�. J'ai, � maintes reprises, prouv� mon attachement profond � la Corse et aux Corses. Je n'oublie pas qu'ils sont les premi�res victimes de la violence. C'est pourquoi je m'adresse � eux du fond du c�ur parlez, exprimez-vous, n'ayez pas peur, montrez la vraie image de votre �le, celle de l'hospitalit�, de l'ouverture, de la culture.

Vous n'�tes pas seuls parce que la peur bride l'expression, l'�tat doit faire tout son travail pour �liminer la peur.

C'est ainsi que les Corses pourront prendre leurs responsabilit�s et construire un avenir qui leur appartiendra.
(entretien r�alis� par Jean-Marc RAFFAELLI de Corse-Matin)

Notre commentaire : Nicolas Sarkozy serait-lui en voie d��tre intronis� empereur de l��le de Corse. Il participe au limogeage du directeur de l�a�roport d�Ajaccio sur demande du juge Courroye, il accompagne l��v�que de Corse dans ses deniers pas insulaires, il juge une �mission d�Antenne 2 avec les sentiments d�un Corse�

90% de ses propos sont frapp�s au coin du bon sens. On regrettera pourtant qu�il ne mette pas de conditions � la mise hors norme de l�universit�. Un audit aurait �t� le moins qu�il pouvait faire. On ne donne pas ainsi des pouvoirs exorbitants � une institution sans mesurer ses d�fauts et ses qualit�s. L�universit� de Corse fonctionne aujourd�hui sans aucun contr�le pas m�me celui de la r�ussite. Ca n�est pas rendre service � la Corse que de lui offrir des moyens suppl�mentaires qui ne feront qu�augmenter les pouvoirs d�un pr�sident qui s�occupe plus de son pouvoir personnel que de l�efficacit� de l�universit� qu�il pr�side.

Pour l�agriculture, le raisonnement est le m�me. Plut�t que de sans cesse remettre du carburant dans un r�servoir perc� mieux vaudrait analyser les raisons d�un surendettement permanent. Est-il normal et sain qu�� chaque coup de grisou des agriculteurs corses on remette les compteurs � z�ro pour reproduire les m�mes sch�mas catastrophiques et insatisfaisants ?

Nicolas Sarkozy aurait tort de croire qu�il aura gain de cause en agissant ainsi sans discernement. Il n�arrivera qu�� stimuler l�aigreur et le ressentiment. Mais pour tout le reste, il a raison, mille fois raison.

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