Si on voulait agrandir le foss� entre la Corse et le continent on ne s�y prendra pas mieux. La justice traite de mani�re diff�rente les individus selon qu�ils soient Corses ou continentaux. Ainsi le r�quisitoire visant Jos� Rossi pour favoritisme, a abouti � deux ans d�in�ligibilit� et celui visant Alain Jupp� n�a demand� aucune sanction de ce type.
Retour en arri�re sur deux affaires. Au proc�s du RPR et d�Alain Jupp�, il est apparu clairement que le syst�me des emplois fictifs �tait la contrepartie d'un racket du RPR sur les entreprises, en marge du syst�me l�gal de financement des partis.
Plusieurs t�moignages ont laiss� entendre que toute la hi�rarchie du RPR �tait au courant. Nicolas Sarkozy l�a d�ailleurs confirm�. Le t�moignage des chefs d'entreprise a �t� accablant pour le RPR. Ces entrepreneurs, souvent � la retraite, parfois tr�s �g�s, sont venus d�crire les � pressions �, le � chantage �, et les menaces qui pesaient sur eux pour qu'ils acceptent de salarier un permanent du RPR.
Parmi ces emplois pay�s par des entreprises, la propre secr�taire d'Alain Jupp� � et du pr�sident du RPR �, Jacques Chirac, est venue sur le tapis � de nombreuses reprises. Alain Jupp� et ses commensaux avec un aplomb extraordinaire ont ni� l��vidence. Ils ont ainsi pratiqu� une omert� digne des capi mafiosi. Les deux tr�soriers, Robert Galley et Jacques Boyon, ont assur� qu'ils n'�taient pas au courant, mais renvoient la balle pour � les d�penses du parti � au � secr�tariat g�n�ral �. Louise-Yvonne Casetta, ex-intendante du RPR, a dit et r�p�t� qu'elle recevait des instructions des � politiques �, du � secr�tariat g�n�ral �. Jacques Rigault, ancien directeur administratif, nomm� par Alain Jupp� en 1988 pour � mettre de l'ordre �, a avou� que rapidement il a d�couvert le syst�me, en a alert� le directeur de cabinet en vain, avant d'�tre lui-m�me � remerci� �. Enfin, coup de th��tre de l'audience de la semaine derni�re, Yves Cabana, ancien bras droit de Jupp� au RPR, a l�ch� que � tout le monde savait �, et a admis que d�s 1988 il n'ignorait pas que le parti �tait en infraction. Alain Jupp�, seul, a-t-il pu tout ignorer ?
L�un des �l�ments essentiels de ce dossier, Michel Roussin, n�a m�me pas �t� mis en examen pour ce syst�me dont il �tait vraisemblablement l�un des �l�ments clefs. Myst�re d�une instruction.
H� bien que croyez-vous qu�il arriv�t ? Le procureur de Nanterre, Ren� Grouman, un homme discret c�est le moins que l�on puisse dire, a demand� huit mois de prison avec sursis, plus une amende contre Alain Jupp� et les deux anciens tr�soriers du RPR, Robert Galley et Jacques Boyon, le maximum des peines requises dans l'affaire des emplois fictifs du RPR. Contre tous les chefs d'entreprise (qui eux ont accept� de parler) soup�onn�s d'avoir pay� les emplois fictifs, le magistrat r�clame trois mois de prison avec sursis, la m�me peine r�clam�e contre Patrick St�fanini, l'ancien directeur de cabinet d'Alain Jupp�. Contre Louise-Yvonne Casetta, l'ancienne � intendante �, quatre mois avec sursis. Contre les deux directeurs administratifs et financiers, Antoine Joly et Jacques Rigault, le parquet r�clame cinq mois avec sursis.
La justification de ce juge de la justice debout qui s�est si souvent couch�e vaut jurisprudence :� Le juge p�nal n'est pas un juge politique, c'est au peuple d'en d�cider �, explique le magistrat. Pourtant, pourtant... s'agissant d'Alain Jupp�... termine le procureur, je suis oblig� de constater, m�me si je la trouve inadapt�e, que la loi �lectorale de 1995, dans son article 7, s'appliquerait automatiquement. C'est automatique, poursuit le procureur. Une condamnation pour prise ill�gale d'int�r�t, depuis la loi de 1995, entra�ne m�caniquement la radiation des listes �lectorales pour une dur�e de cinq ans. Et cette radiation entra�ne aussi sec la perte des mandats en cours et l'in�ligibilit�. � En clair, Alain Jupp�, s'il devait �tre condamn� dans ce dossier, risquerait la mort politique pour une dur�e de cinq ans m�me s�il n�est pas condamn� � une radiation des droits civiques. Et le procureur de pr�ciser qu�il trouve la loi inadapt�e. Comprenons le message : � Messieurs les juges, c�est maintenant � vous de jouer. Vous connaissez les cons�quences de votre d�cision �. .
L�avocat d�Alain Jupp�, Me Francis Szpiner (qui est aussi celui de toute la nomenklatura de droite depuis Jacques Chirac jusqu�� Dominique Baudis � a annonc� la couleur. � D'abord M. Jupp� n'est pas encore condamn�, nous allons plaider sa relaxe ! � Et si condamnation il y a, il demandera au tribunal que la peine prononc�e ne soit pas inscrite sur le casier judiciaire. � Si la peine n'est pas inscrite au casier, le jeu de domino provoquant la radiation des listes �lectorales n'aura pas lieu �, assure l'avocat.
Mais revenons sur l�argumentation du substitut Grouman � Tous les partis politiques ont faut�, dans presque tous les pays d'Europe, commence-t-il, pendant une trentaine d'ann�es. � � Nous avons affaire ici � un syst�me de financement illicite simple mais efficace �, ajoute-t-il. Le d�cor est plant�. Le procureur fait la d�monstration qu'entre 1988 et 1993, le RPR a connu des probl�mes de tr�sorerie et s'est livr� � des � montages frauduleux � pour faire prendre en charge ses permanents � par des entreprises priv�es �. � M m e Casetta a �t� une ex�cutante efficace, dynamique, mais une simple ex�cutante �, ass�ne le magistrat. � Elle ne peut pas en �tre l'instigatrice ! � Alors qui ? Pour le parquet, � les tr�soriers �taient n�cessairement inform�s �, contrairement � leurs affirmations � la barre. Le procureur d�montre aussi que les sept employ�s de la Ville de Paris mis � disposition du RPR �taient des emplois fictifs. � En faisant r�mun�rer par la Ville des gens qui exer�aient des fonctions importantes au sein du parti qu'il dirigeait, Alain Jupp� s'est rendu coupable de prise ill�gale d'int�r�t �, a conclu le procureur.
� Pourtant l'in�ligibilit� ne "serait pas adapt�e" car il n'est pas reproch� au maire de Bordeaux d'enrichissement personnel et parce que l'origine des fonds ayant financ� ill�galement le RPR n'est pas frauduleuse.
Et maintenant retour � la Corse. Ne parlons pas des peines prononc�es � l�encontre de Jos� Rossi puisque nous ne pouvons que comparer les r�quisitoires. Dans le cas de Jos� Rossi, il n�y a pas eu d�enrichissement personnel et encore moins de fraude fiscale. Alors que les permanents du RPR �taient pay�s par les deniers publics, Jos� Rossi n�a fait qu�accepter que des lignes budg�taires passent d�une affectation � une autre.
Mieux : deux pr�fets dont Claude Erignac ont avalis�s cette proc�dure. Or Jos� Rossi est condamn� � deux ans d�in�ligibilit� ce qui est catastrophique pour lui. Il va vraisemblablement �tre � nouveau condamn� dans une affaire similaire. Les r�quisitoires du parquet ont �t� � son encontre, extr�mement s�v�res et ce, sur la demande du Garde des Sceaux.
Ainsi dans un cas, le Garde des Sceaux juge qu�il n�a pas � emp�cher le peuple de juger, dans l�autre cas, celui de la Corse, il prend l�initiative d�agir en sens contraire.
Ce qui est accept� sur le continent est s�v�rement puni en Corse. En un mot c�est d�gueulasse et � contre-emploi. Comment, nous les Corses, pourrions-nous croire en cette justice si, pour un fait grave, elle est douce et pour un montage budg�taire, elle est dure.
Ajoutons que dans le domaine de la justice nous n�avons aucune le�on � recevoir des cours d�assises continentales. Nos condamnations sont le plus souvent beaucoup plus lourdes dans l��le que sur le continent notamment en ce qui concerne les d�lits sexuels.
Jos� Rossi a fait appel. On ose esp�rer qu�au nom de la simple justice, il gagnera. Ou sinon, il ne faudra pas s��tonner que l�injustice provoque de nouveaux drames. Comment pourrions-nous accepter que le seul fait d��tre corse devienne une circonstance aggravante et que celui d��tre continental devienne une circonstance att�nuante ?
Pour conclure, la France donne une bien mauvaise image de son fonctionnement en acceptant d�admonester affectueusement un homme qui a � truand� � l��tat. Qu�importe qu�il soit RPR, socialiste ou communiste. Ceux qui ont transgress� la loi en toute connaissance de cause doivent �tre punis. Mais peut-�tre est un trait culturel fran�ais que de montrer le mauvais exemple lorsqu�on se trouve en haut de l�arbre. Pourquoi alors s�en prendre � un Charles Pieri dont on conviendra qu�il s�est nettement moins enrichi que bien des politiciens qui, pauvre au d�but de leur carri�re, se trouvent aujourd�hui � la t�te d�un patrimoine int�ressant.
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