Arr�t� le 4 juillet dernier apr�s quatre ans de cavale, Yvan Colonna a �t� mis en examen le 5 juillet pour l'attentat contre la gendarmerie de Pietrosella, o� l'arme ayant servi � tuer le pr�fet de Corse a �t� d�rob�e en septembre 1997 et pour l'assassinat de Claude Erignac en f�vrier 1998.
Lors d'un premier interrogatoire sur le fond, le 16 juillet dernier, Yvan Colonna s'est dit �tranger aux faits qui lui sont reproch�s.
Le juge Thiel est saisi avec ses coll�gues Jean-Louis Brugui�re et Laurence Le Vert de l'enqu�te sur l'assassinat du pr�fet et de l'attaque contre la gendarmerie. Les complices pr�sum�s d'Yvan Colonna ont �t� condamn�s le 11 juillet dernier par la Cour d'assises de Paris. Le cas de l'assassin pr�sum� avait �t� disjoint.
Tout le probl�me de la justice est qu�elle est coh�rente et donc b�te lorsqu�elle est confront�e au probl�me corse. L�arme qui servi � tuer le pr�fet Erignac �tait celle de l�un des gendarmes pr�sents dans la gendarmerie de Pietrosella, attaqu�e par un groupe de clandestins en septembre 1997. C��tait l�acte fondateur du groupe des Anonymes et par la m�me occasion du groupe Sampiero, faux nez des amis de Fran�ois Santoni.
Pourtant, le juge Thiel aura beau interrog� Yvan Colonna, celui-ci n��tait pas pr�sent lors de l�attaque.
L'arme qui a tu� le pr�fet est un pistolet automatique Beretta, de calibre 9 millim�tres, frapp� du num�ro de s�rie A 00199 et portant une petite �tiquette marqu�e de la lettre H. Il a �t� volontairement abandonn� sur le lieu de l�assassinat. Il a donc �t� vol� le 6 septembre 1997 � deux gendarmes de Pietrosella.
Lors d'une op�ration commando, cinq hommes, communiquant entre eux par talkie-walkie, avec des noms de code - �King� et �Jacob� - avaient investi la gendarmerie. Ils s'emparent des armes des gendarmes Hiernaux et Pamiez, puis, apr�s avoir abandonn� les deux militaires dans le maquis, font sauter la gendarmerie. Le jour m�me de l'op�ration de Pietrosella, ce groupe anonyme avait revendiqu� un attentat contre l'ENA, � Strasbourg.
Le m�me groupe revendiquera, le 11 novembre 1997, deux op�rations contre l'h�tel Majestic et le palais des congr�s de Vichy, symbole de l'Etat �collabo�. Cette signature signifie que le meurtre du haut fonctionnaire est inscrit dans une �logique� politique terroriste. Du symbole de l'ENA � celui du gouvernement de Vichy, en passant par la gendarmerie, ce groupe poursuit la m�me obsession: la lutte contre l'Etat fran�ais �colonial�.
Une d�claration de guerre qui guide les enqu�teurs dans leurs premi�res investigations: d�couvrir les auteurs de l'un de ces attentats, c'est remonter jusqu'au groupe qui est � l'origine de l'assassinat du pr�fet. Deuxi�me �l�ment mat�riel: les revendications �crites de ces attentats. Chacune d'elles a �t� annonc�e par des appels t�l�phoniques anonymes aupr�s de Radio Corse Frequenza Mora (RCFM) � partir de cabines publiques localis�es par la PJ. Le texte sur la mort du pr�fet - accompagn� du num�ro de l'arme utilis�e - sera, lui, adress� � cinq personnalit�s nationalistes dont Ren� Modat, responsable agricole et ami de Fran�ois Santoni.
Plus tard, une querelle, aux cons�quences gravissimes, �clatera entre les juges antiterroristes. Gilbert Thiel, qui enqu�tait sur Pietrosella avec les gendarmes et la PJ, devra laisser la place au juge Brugui�re pour les investigations sur la mort du pr�fet.
Les communiqu�s des Anonymes et du Groupe Sampieru ont �t� confectionn�s les premiers avec du mat�riel informatique Apple tandis que les autres sign�s Sampieru ont �t� fabriqu�s sur un ordinateur de type PC. Or ce sont ces communiqu�s qui vont ouvrir la piste agricole, ch�re au commissaire Marion, patron de la DNAT.
Le premier texte, sign� Sampieru, dat� du 10 octobre 1997 et exp�di� au journal Lib�ration, revendiquait l'attentat de Pietrosella et celui contre l'ENA, mais �voquait un id�al parachutiste et l�gionnaire et protestait contre la chambre d'agriculture �qui bloque la fili�re porcine�. Il d�signe tr�s clairement Marcel Lorenzoni qui est � la fois ancien parachutiste et promoteur de la fili�re porcine industrielle. C�est une plaisanterie douteuse ordonn�e par Fran�ois Santoni alors en prison qui veut � tout prix �viter que Lorenzoni ne prenne du pouvoir sur le FLNC de la Corse du Sud.
Le second texte Sampieru, du 21 janvier, annon�ait la dissolution du groupe et condamnait fermement �toute action qui pourrait �tre men�e [...] contre certains fonctionnaires repr�sentants �minents de l'Etat colonial�. Exp�di� � moins de trois semaines du meurtre du pr�fet, ce texte va appara�tre r�trospectivement aux policiers comme un avertissement d�guis�. Comme si certains militants nationalistes, inform�s du projet d'assassinat d'Erignac, se dissociaient par avance de cette action et tentaient d'en alerter les autorit�s. Il a �t� �crit par le dirigeant du FLNC de la Haute Corse apr�s que des �l�ments qui l�informent de l�int�rieur de la cellule nord des Anonymes l�aient pr�venu de ce qui se pr�parent. D�ailleurs les �l�ments nordistes ne participeront pas � l�assassinat du pr�fet, pr�par� et ex�cut� par les �l�ments sudistes tous issus du secteur FLNC Carg�se Sagone.
Le commissaire Marion �tant sensible � la simple logique d�apparence, (celle qui permet de recueillir les lauriers m�me quand on ne les m�rite pas) Marcel Lorenzoni sera le premier interpell� par les hommes de la DNAT, le 9 f�vrier 1998, mis en examen et incarc�r� pour d�tention d'armes. Pour le mouvement clandestin il ne fait aucun doute sur le fait qu�il a �t� � l�origine de l�attaque de Pietrosella mais qu�ensuite il a laiss� tomber apr�s le premier communiqu� du groupe Sampieru le d�signant tr�s clairement.
C�est alors que la piste agricole prendra de l�ampleur. Le commissaire et les RG savent qu�il existe au sein du monde agricole un petit noyau d�ind�pendantistes qui est pr�t � tout pour obtenir des subventions.
Or le pr�fet Erignac a demand� � ce que le Cr�dit agricole de Corse mette de l�ordre dans ses finances. Ce noyau, tr�s hostile au conglom�rat Modat-Santoni, pense que le pr�fet Erignac, sur le conseils de la Cuncolta- FLNC Canal historique, veut � normaliser � la situation en leur d�faveur. Ils se sont inqui�t�s de voir une somme relativement importante �tre donn�e � Ren� Modat qui a fond� la soci�t� Authentica, destin�e th�oriquement � promouvoir les produits r�gionaux.
Or, Authentica a commenc� par acheter les murs d�un b�timent o� se trouve l�imprimerie Siciliano qui imprime le journal de la Corse. L�homme qui dirige le Journal de la Corse est Jean-Michel Emmanuelli, homme lige de Fran�ois Santoni. Le petit groupe d�agriculteurs ind�pendantistes ne pardonnera jamais ce qu�ils appellent un cadeau fait � Santoni. La v�rit� est autrement plus compliqu�e et le journal de la Corse est toujours l�. Mais en Corse tout se mesure aux amiti�s des uns et des autres.
La DNAT en d�duira arithm�tiquement que ces agriculteurs sont coupables de l�assassinat du pr�fet alors qu�il n�en �tait rien. Mais ces agriculteurs avaient milit� avec les vrais assassins. Mais dans un monde aussi �triqu� que celui du nationalisme et de la clandestinit� comment �viter de tels proximit�s ?
Les Renseignements g�n�raux connaissent assez rapidement la v�rit�. Mais ue hostilit� farouche oppose Bernard Squarcini au commissaire Marion. De plus le pr�fet Bonnet apprend en juillet de la bouche de ses informateurs ce qui s�est pass�. Mais l� encore la personnalit� du commissaire Marion brouille les pistes jusqu�au couac final : celui de la fuite d�Yvan Colonna.
Mais ce dernier n�a de cesse, depuis sa capture, de nier sa participation aux attentats.
TOUT LE DOSSIER CORSE
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