LIRE EGALEMENT : le rapport sur l'Irak
Un dossier accablant pour le r�gime de Saddam Hussein. Il concerne les droits de l'homme. Le premier intervenant est Michel Tubiana, pr�sident de Ligue des droits de l'homme qui, pr�cisons-le n'est pas partisan de la guerre contre l'Irak. La suite de notre dossier est compos�e d'extraits de rapports �crits par l'Alliance internationale pour la Justice et la F�d�ration internationale des droits de l'homme.
Ces t�moignages montrent plus que tous les discours la vraie nature du r�gime de Saddam Hussein. Qui pourrait encore douter apr�s les avoir lus de la n�cessit� d'�liminer celui qui exerce son pouvoir comme un roi babylonien de droit divin. Le parvenu baassiste, hier la�que et socialiste est devenu un tyran d�iste convaincu de sa propre surhumanit�. Ses fils comme ceux de Ceaucescu ou de Milosevic se comportent en tyrans sanguinaires dignes de leur p�re. Lire ces horreurs c'est �tre persuad�e que la chute de Saddam Hussein sera f�t�e comme une d�livrance par son propre peuple.
Michel Tubiana : " L'Irak, le r�gime le plus sanguinaire de la r�gion "
Pr�sident de la Ligue des droits de l'homme (LDH), vice-pr�sident de la f�d�ration internationale des droits de l'homme (FIDH), l'avocat Michel Tubiana pr�sente un nouveau rapport de la FIDH et d'Alliance internationale pour la justice (AIJ) intitul� " Irak : �puration ethnique continue et silencieuse "
Le rapport que vous venez de publier parle de " terreur ", de " d�portations " et de " disparitions " pour des millions de personnes. La situation ne s'est-elle pas am�lior�e apr�s la guerre du Golfe de 1991 ?
Non, pas du tout. S'il n'y a plus de gazages syst�matiques de villages kurdes, comme il y a quinze ans, la r�pression s'est tellement syst�matis�e qu'elle tourne presque � vide. Tous ceux qui pouvaient �ventuellement g�ner r�ellement le r�gime de Saddam Hussein ont soit �t� �limin�s, soit se sont enfuis de l'Irak. Cependant, les omnipr�sents services de r�pression continuent d'avoir besoin de nouvelles victimes, et toute la population vit aujourd'hui sous leur menace, m�me si la r�pression n'a plus aucun sens. M�me le plus inf�od� au r�gime ne peut se sentir � l'abri des centaines de prisons secr�tes ou m�me de la pure et simple disparition (plus de 200 000 personnes depuis 1968) !
De ce point de vue, la disparition du r�gime de Saddam Hussein vous semble-t-elle souhaitable ?
Ce r�gime n'est susceptible d'aucune r�forme.
La presse a-t-elle bien rendu compte de cette situation humanitaire �pouvantable ?
Nos m�dias observent un silence pesant depuis des ann�es. Certains par habitude. D'autres, par un aveuglement volontaire insupportable. Je connais des imb�ciles qui nous ont expliqu� que le r�gime irakien est moins terrible que d'autres dictatures, parce qu'il se dit la�c. Ceux-l� n'ont rien compris � la la�cit� !
Propos recueillis par Antoine Peillon
Les tortures du r�gime de Saddam Hussein : extraits de rapports sur les d�capitations de femmes, la terreur, les amputations, les massacres d'enfants�
Les exemples des horreurs perp�tr�es par Saddam et ses fils nourrissent des dossiers immenses compil�s par les associations des droits de l'homme, qu'il s'agisse de l'Alliance internationale pour la Justice, sp�cialis�e dans le cas irakien ; de Human Rights Watch ou des Nations unies, dont le Haut Commissaire aux Droits de l'Homme, Max van der Broel, a eu l'occasion de dire que ces violations �taient " les pires depuis la Deuxi�me guerre mondiale ". " Uday Hussein, fils a�n� de Saddam, a ainsi d�capit� des centaines de femmes, parfois de sa main : des institutrices devant leurs �l�ves, des m�res devant leurs enfants. Leurs t�tes �taient exhib�es sur les murs et les portes de leurs maisons ou de leurs �coles, " explique Bakhtiar Amin, pr�sident de l'une des ONG le plus tourn�es vers l'Irak, l'Association Internationale pour la Justice. L'Irak a aussi le triste record des ex�cutions de prisonniers : plus de deux mille en une seule journ�e de 1998 lors du " nettoyage " de la prison d'Abou Rheib. Aucun corps, naturellement, n'a �t� rendu aux familles, qui devaient de plus payer au r�gime les balles des armes qui avaient tu�sleurs p�res, fr�res, ou enfants. Anne-Elisabeth Moutet
Extraits d'un rapport de l'Alliance internationale pour la Justice sur l'horreur des salles de torture, de la terreur, des bourreaux de Saddam.
1 - Entre 60 et 2000 femmes d�capit�es de juin 2000 � avril 2001.
Extrait du rapport "Irak : une r�pression intol�rable, oubli�e" Association Internationale pour la Justice - FIDH, D�cembre 2001
Il est difficile de fixer la date exacte du d�but de la campagne de d�capitations des femmes en Irak. Le gouvernement irakien ne publie en effet plus les d�crets qui punissent de mort, de ch�timents inhumains ou d�gradants comme ce fut le cas lors des campagnes d'amputation des oreilles pour d�sertion ou des mains pour vol dans les ann�es 1994 et 1995. Les d�crets portant amputations physiques ou condamnations � mort figureraient d�sormais dans un document destin� seulement aux hauts responsables des services de d�fense et de s�curit� de l'�tat, autre que le journal officiel qui porte sur la vie et les institutions publiques du pays.
Les t�moignages rapportent des d�capitations publiques d�s juin 2000 et jusqu'en mai 2001 de femmes, mais aussi d'hommes accus�s de prox�n�tisme. Il semble que cette pratique se poursuive mais que le nombre de victimes aitdiminu�. Selon certains cette diminution est due aux protestations internationales adress�es au r�gime irakien ; d'autres pensent que c'est une pratique courante de lancer une campagne de terreur puis de la diminuer pour passer � une autre forme de terreur. Tous pensent que le d�cret sur la d�capitation des femmes existe toujours et peut donc �tre r�utilis�, soit sous forme de campagne telle que celle d�crite ici soit de fa�on plus discr�te � l'int�rieur des prisons. La prostitution est aussi devenue par d�cret une infraction punie de la peine de mort depuis les ann�es 90. Certains t�moins rapportent par ailleurs des d�capitations � l'int�rieur des prisons avant la campagne de d�capitations publiques.
La d�capitation des femmes rel�ve d'un syst�me o� la mort comme punition fait partie de la norme
Toutes ces ex�cutions sont faites de fa�on arbitraire et sont destin�es � terroriser la population et � briser toute tentative de s'exprimer sur un quelconque sujet. Toute personne qui ne voue pas une all�geance totale aux actes des membres du r�gime ou de ceux charg�s de la s�curit� est condamn�e � subir une r�pression permanente allant bien souvent jusqu'� la mort de la personne et de ses proches, la r�pression s'appliquant dans la famille jusqu'� la " ni�me " g�n�ration. La d�capitation des femmes rel�ve de la m�me logique d'un syst�me o� la mort comme punition fait partie de la norme.
Les femmes appartenant � des familles suspect�es d'�tre hostiles au r�gime ou ayant des membres emprisonn�s comme " opposants " (ce terme regroupant bien entendu un nombre consid�rable de d�finitions) sont particuli�rement vis�es.
Si l'on se r�f�re � la situation familiale des femmes d�capit�es, elles sont souvent, selon les t�moignages recueillis, des femmes seules (veuves, c�libataires) qui peuvent avoir �t� des prostitu�es mais qui, le plus souvent ont �t� ou sont m�l�es � une quelconque forme d'opposition au r�gime. Dans d'autres cas on a d�nonc� leur hostilit� personnelle au r�gime ou leurs critiques rapport�es ou extorqu�es le plus souvent. Ainsi cette femme, m�re de deux enfants et originaire de Najaf dont le p�re et le mari ont �t� pendus, faisait des travaux de couture pour gagner sa vie. Elle raconte : " les Fedddayis de Saddam ou le chef de quartier me t�l�phonaient sans cesse pour que je travaille pour eux. Devant mes refus, ils ont �loign� ma client�le en pr�tendant que j'�tais une prostitu�e et qu'ils allaient me d�capiter. J'ai du fuir pour me prot�ger et prot�ger mes enfants ".
Tous les t�moignages, d�clarations, �crits concordent, ce sont les Feddayis de Saddam, la milice personnelle de Saddam Hussein dirig�e par son fils a�n� Ouday, qui m�nent les op�rations de d�capitation, lesquelles se d�roulent en deux temps.
Selon les sc�narios d�crits, la t�te est expos�e ou bien le corps et la t�te sont jet�s dans des bo�tes noires
Les Feddayis proc�dent � une descente la nuit en compagnie des dirigeants du parti Baas du quartier, qui est pass� au crible pour �liminer les vell�it�s de r�volte et trouver les armes que certains pourraient d�tenir. La population est mobilis�e pour le lendemain � l'heure de la pri�re, surtout � midi (Al Dhuhr), ou au cr�puscule (Al Maghrib). Ils d�barquent � l'heure dite au domicile de la victime dont les yeux sont le plus souvent band�s, les cheveux ras�s ou attach�s. Tra�n�e par le v�tement qu'elle porte, elle est alors allong�e sur un �tabli en fer, la t�te pendante, devant ses enfants, sa famille et toute la population du quartier quand ce ne sont pas les militantes de l'Union des Femmes irakiennes qui sont pr�sentes. Le bourreau et ses assistants sont habill�s en tenue brune o� appara�t le sigle " Feddayis de Saddam " et ne sont g�n�ralement ni du quartier, ni de la r�gion. Le Feddayi pr�pos� � la d�capitation prend le sabre qu'un assistant lui tend et tranche la t�te de la victime.
Selon les sc�narios d�crits, la t�te est expos�e ou bien le corps et la t�te sont jet�s dans des bo�tes noires et emport�es. Il semble que pour les prostitu�es av�r�es, il y ait une dramatisation du d�roulement de la d�capitation puisque, selon un t�moin, la victime dont le cr�ne est ras�, a le front et le haut de la t�te pris dans un �tau en fer d'o� partent des lames en fer qui se terminent par un anneau au sommet du cr�ne. Cet anneau est alors accroch� aux barreaux de la fen�tre du domicile de la victime. La t�te tranch�e restera suspendue de deux � vingt quatre heures selon les t�moignages.
Dans beaucoup de cas, la famille est " enlev�e ". Soit elle dispara�t du quartier soit elle r�appara�t quelques semaines plus tard.
Un t�moin rapporte :
" Dans la r�gion de Raghiba Khatoun, � Bagdad, le chef de la section du parti Baas a voulu exploiter physiquement et pour de l'argent une femme dont les deux fr�res �taient en prison. La femme a refus�, elle a �t� arr�t�e, puis envelopp�e dans une pi�ce de tissu et d�capit�e au sabre le 15 d�cembre 2000 devant un public surtout compos� de membres du parti et de l'Union des femmes, convoqu� pour assister � l'ex�cution. La t�te a �t� accroch�e � la porte et au-dessous il y avait un carton o� �tait inscrit "pour l'honneur de l'Irak ".
Un autre t�moin :
" La cit� de Ezzouhour (cit� des Roses) � Erachidia est divis�e en quartiers. C'est dans cette cit� que j'ai vu des d�capitations les 15, 19 et 21 ao�t� Ainsi les �pouses de Ali et Kerim, accus�s d'appartenir au Conseil Supr�me de la R�volution Islamique en Irak (Ali est mon ami, il a �t� condamn� � 15 ans, il a 25 ans et est en prison depuis 2 ans) ont �t� accus�es de prostitution. Le 15 ao�t 2000, un mardi, les hommes du parti, les Feddayis de Saddam, les membres de la s�curit� qui n'appartiennent jamais au quartier et le chef du quartier ont encercl� celui-ci. C'�tait le matin avant 11 heures, la maison est situ�e sur une place. Amina avait 4 enfants, 2 gar�ons, 2 filles. Le plus grand avait 8 ans, Zyad puis Ahmed, Le�la et Zeyneb (1 an). Ils ont assist� � l'ex�cution ainsi que la belle-m�re. Amina �tait connue pour �tre une femme honorable, elle avait 25 ans. Ils ont dit que c'�tait une prostitu�e. Ses pieds et ses mains �taient attach�s, ses cheveux longs et noirs �taient tir�s et nou�s sur le haut du cr�ne� 150 � 200 personnes �taient pr�sentes, hommes, femmes, enfants et les gens de la s�curit� en civil surtout, on n'avait jamais vu un tel d�ploiement de force. Ils �taient habill�s avec une chemise brune � manches courtes, un pantalon brun, leurs visages �taient d�couverts car, pour eux, c'est un motif de fiert� que de faire ce qu'ils font� Le bourreau qui avait peut �tre une quarantaine d'ann�es avait un assistant qui lui a tendu le sabre. Le silence �tait grand, on a entendu un grand "ha "� Son corps a �t� enlev� pour �viter le deuil, la famille a �t� elle aussi enlev�e et lib�r�e au bout de 25 jours� Le 19 ao�t 2000, � la m�me heure dans un autre quartier, ils ont arr�t� une femme appel�e Sadia Khalil, 28 ans, qui n'avait pas d'enfant et dont le mari �tait en prison. Le quartier a �t� fouill� dans la nuit. La foule dans ce quartier aussi �tait truff�e de membres de la s�curit�. Cette femme avait les cheveux coup�s au carr� et attach�s, elle �tait en jupe et chemise�
Il y aurait eu des ex�cutions de filles �g�es de 12 ans
Les ex�cutions ne se ressemblent pas forc�ment. � Karada, dans le quartier ouest de Bagdad, je n'ai pas vu la d�capitation mais on m'a racont� que c'est � l'heure de la pri�re vers 19 heures qu'elle a eu lieu car il y a plus de monde. D'apr�s les gens, c'�tait une prostitu�e. On lui a ras� les cheveux. J'ai entendu dire que les femmes ex�cut�es avaient entre 15 et 40 ans mais qu'il y aurait eu des ex�cutions de filles �g�es de 12 ans� Les tortionnaires tiraient en l'air et hurlaient des slogans pour f�ter l'ex�cution de la "prostitu�e ". " Vive la gloire irakienne. A bas celles qui nous font honte ".
Les chiffres des ex�cutions de femmes varient entre 2000 selon les dires de r�fugi�s install�s � Damas et une soixantaine selon l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK). Le Parti Islamiste Al Daawa cite le chiffre de 463 femmes, la Ligue des droits de l'Homme irakienne (section Syrie) 560 et le Conseil Supr�me de la R�volution Islamique en Irak (CSRII) 600. Amnesty International, dans son rapport 2001, parle de plusieurs dizaines de femmes et la Ligue des Femmes irakiennes annonce un chiffre de 200, qui aurait �t� repris le 13 f�vrier 2001 dans le journal officiel " Babel " dirig� par Ouday, le fils a�n� de Saddam Hussein.(�)
Sans pouvoir, en l'�tat de nos informations, confirmer la plus haute estimation portant � 2000 le nombre de femmes d�capit�es, nous estimons, au regard des diff�rents chiffres qui nous ont �t� donn�s et des nombreux t�moignages que nous avons pu recueillir directement, � au moins 130 le nombre de femmes irakiennes d�capit�es de juin 2000 � avril 2001. Nous pensons que cette estimation prudente reste largement en de�� de la r�alit�.
2 - Disparitions forc�es ou involontaires (AIJ, 8 Mars 2002)
Le r�gime irakien d�tient le triste record des disparitions de plus de 200 000 personnes (182 000 Kurdes lors des op�rations d'Anfal, 8000 Barzanis du camp de Qustapa � Erbil durant l'�t� 1983, 8000 Kurdes Feyli d'avril 1980, et des milliers d'autres Irakiens).
Les disparitions des personnes m�l�es � la politique, suspect�es ou hostiles au r�gime ont �t� nombreuses ces derni�res ann�es et ont �t� signal�es � diverses occasions.
200 000 Kurdes disparus
A ce sombre tableau, il faut ajouter le sort des femmes kurdes victimes des op�rations d'Anfal. Lors de la r�pression organis�e et syst�matique � l'encontre des populations kurdes par le r�gime irakien, pr�s de 200 000 Kurdes ont disparu. L'�limination syst�matique de tous les hommes ou adolescents lors de ces op�rations, comme ceux de la r�gion de Barzan (8000 disparus) ou les Kurdes Fayli (plus de 5000 disparus), a laiss� femmes et enfants sans espoir. Dans l'impossibilit� de pouvoir se remarier et ayant � charge leurs enfants, ces femmes, qui n'ont jamais pu obtenir justice, vivent dans une grande mis�re. D'autres femmes, victimes, lors de ces op�rations d'Anfal, des bombardements chimiques et dont la sant� se d�t�riore au fil des ann�es, se suicident.
Les t�moins interrog�s ont fait cependant �tat d'un ph�nom�ne de disparitions relativement nouveau puisqu'il s'agit de femmes et d'enfants de personnalit�s suspect�es d'�tre dans l'opposition mais aussi de personnalit�s qui �voluent dans le monde de la finance. Un t�moin parle de cent cinquante enl�vements � Bagdad, Nassiriyah, Najaf et Bassorah.
Plusieurs personnes nous ont parl� d'enl�vements de jeunes femmes par les r�seaux de Ouday surtout, mais aussi Qousay et Ahmed Wathban (neveu de Saddam Hussein) et de l'existence de propri�t�s dans les quartiers de Erachidia, Dohra, Taji de Bagdad o� elles seraient enferm�es. Personne ne les a jamais revues et elles seraient � leur service ainsi qu'� celui de hauts responsables du r�gime. Le premier entremetteur de Ouday pour ce genre d'op�rations serait Chidrak Youssef, responsable de la section sport � la t�l�vision des jeunes.
L'enfermement dans les h�pitaux psychiatriques serait � l'origine de certaines disparitions d'hommes et de femmes proches d'opposants. " Quand ils ne disparaissent pas, ils sont souvent victimes d'accidents " dit un t�moin.
3. Arrestations et d�tentions arbitraires
Extrait du rapport "Irak : une r�pression intol�rable, oubli�e" AIJ - FIDH, D�cembre 2001
Les arrestations peuvent se d�rouler � n'importe quel moment, de jour comme de nuit et dans n'importe quel lieu mais plut�t au domicile de la personne. Elles se d�roulent � grande �chelle et � travers tout le pays.
Les arrestations auxquelles sont confront�s les t�moins que nous avons rencontr�s, se caract�risent par :
l'absence de motif d'arrestation
le fait que les familles ne sont pas inform�es ou ne le sont que parce que certains membres ont assist� � " l'enl�vement " de la personne concern�e
la d�tention est presque toujours secr�te
la plupart des d�tenus ne peuvent recevoir la visite de leur famille
Les forces de s�curit� qui proc�dent aux arrestations sont :
les membres de la direction de la s�ret� g�n�rale
les forces de s�curit� militaire
les services de renseignement de l'arm�e
la milice du parti Baas
les Feddayis de Saddam
les Mukhabarat (les services secrets)
L'arrestation et la d�tention d'hommes et de femmes durant de longues p�riodes a lieu :
sans qu'ils soient inform�s des charges retenues contre eux
sans qu'ils soient d�f�r�s devant un juge
sans pr�sence d'avocats
Tortur� ou ex�cut� celui qui n'accepte pas de servir d'informateur
La torture est syst�matique, et toute personne rel�ch�e est souvent victime de harc�lement et arr�t�e � plusieurs reprises, tortur�e ou ex�cut�e, si elle n'accepte pas de servir d'informateur. Une arrestation signifie bien souvent la chute dans un cycle infernal de r�pression qui oblige les victimes et leurs familles � fuir.
Apr�s l'arrestation, les familles sont constamment menac�es : arrestations d'autres proches, mauvais traitements, suppression des tickets de rationnement, confiscation de biens, interdiction de s'inscrire dans une universit� ou renvoi des �coles, disparitions� :
" Quand le r�gime veut punir quelqu'un, il retire les cartes de soins ou de rationnement. Quand vous �tes de la famille de telle ou telle personne suspect�e d'�tre un opposant, vous n'avez aucun droit�.Ma m�re est convoqu�e sans cesse depuis que mes enfants et moi avons quitt� Bagdad, on la laisse m�me quelques jours dans la prison de Kadhimia afin qu'elle nous appelle pour nous inciter � rentrer.. ".
" Apr�s l'arrestation de mon p�re, le harc�lement a �t� continu par la s�curit� et les Mukhabarat. Les �tudiants n'ont pas le droit de poursuivre leurs �tudes s'ils ne sont pas inscrits au parti Baas. L'Irakien est baasiste ou n'existe pas : c'est Saddam Hussein qui le dit. Il faut assister � trois r�unions du parti avant d'avoir la carte d'�tudiant. Avec ma s�ur, nous avons �t� interrog�es par la s�curit� universitaire durant les ann�es 1997 et 1998. L'interrogatoire durait huit, neuf heures. Ma m�re a fui en octobre 1998 et la pression s'est alors accentu�e sur nous, ses filles, surtout � l'universit� o� les interrogatoires se sont multipli�s. J'ai �t� renvoy�e de l'Institut d'agriculture pour non suivi des r�unions du parti Baas� ".
" En juin 2000, ma m�re a re�u la nouvelle que mon p�re avait �t� ex�cut�. Ma m�re a �t� hospitalis�e et durant son hospitalisation, tout ce qui nous appartenait, maisons, voitures, biens ont �t� confisqu�s� ".
Arrestations des membres de la famille
" Un t�moin rencontr� � Amman rapporte comment l'arrestation et la condamnation de son p�re, officier de l'arm�e, provoque une punition continue et g�n�rale de toute la famille : " mon p�re, officier de renseignement, a �t� arr�t� le 28 mars 2000. Au bout de dix jours, sans nouvelles de lui, j'ai �t� convoqu� avec mon fr�re par les membres de la s�curit� g�n�rale qui nous ont interrog�s, un par un, sur notre p�re, � coups de poing et de gifles pendant dix jours, puis nous avons �t� rel�ch�s. Puis un officier ami est venu voir ma m�re pour lui dire de sauver ses enfants car Qousay allait les ex�cuter. Mon fr�re Faher, n� en 1973, a disparu un jour. Je ne sais pas s'ils l'ont enlev� ou s'il s'est sauv�. Le 28 juin 2000, ma m�re a re�u la nouvelle que mon p�re a �t� ex�cut�. Un passeur m'a amen� en Syrie."
Arrestations de mineurs
Une femme de Najaf, dont le mari a �t� ex�cut� parce qu'il refusait de pr�cher en faveur de la guerre contre l'Iran, raconte que ses deux enfants de onze et treize ans ont �t� emprisonn�s durant trois et six mois. Elle a d� payer pour les faire lib�rer.
Un autre t�moin raconte : "En 1999, alors que j'�tais arr�t� � Abu Ghreb, j'ai vu un groupe de femmes emmen�es en prison avec des enfants entre trois et cinq ans. Il est devenu " normal " d'arr�ter les femmes et les enfants pour faire pression sur les maris, les fr�res, les p�res. On les garde un � trois mois et selon qu'ils ont avou� ou pas, ils sont lib�r�s ou pas. Souvent les enfants sont envahis par la gale. "
Un t�moin vivant � Damas raconte : " En 1987, j'ai vu trois enfants kurdes au tribunal r�volutionnaire � Abu Ghreb. Ils avaient moins de 17 ans et je ne connais pas leur nom. Je pense qu'ils ont �t� condamn�s � mort, car lorsque le tribunal pronon�ait la sentence capitale, la sortie des condamn�s se faisait de telle fa�on qu'on ne les revoyait plus. "
Un autre t�moin explique : " Nous, les enfants, nous avions alors entre quatre et douze ans en 1981 lorsqu'on nous a emmen�s en prison avec ma m�re et ma tante. Je me rappelle la faim que j'ai �prouv�e. Lorsqu'on se jetait sur ma m�re qui avait des instruments sur les tempes et criait, cela nous faisait mal car ma m�re �tait travers�e d'�lectricit�. "
4- Torture, traitements inhumains et d�gradants Extrait du rapport "Irak : une r�pression intol�rable, oubli�e" AIJ - FIDH, D�cembre 2001
Les amputations d'oreilles sans anesth�sie� puis au suivant
Les amputations d'oreilles, parmi les autres formes de ch�timent �voqu�es par le rapport du rapporteur sp�cial des Nations unies sur la situation des droits de l'Homme, ont �t�, d'apr�s les t�moignages tr�s nombreuses. Cette peine cruelle a �t� l�galis�e par le d�cret n�115 du 25 ao�t 1994 du Conseil de Commandement de la R�volution qui prescrit l'amputation de l'oreille pour refus d'accomplissement du service militaire, d�sertion et recel de d�serteur ou r�fractaire. En 1996, le gouvernement suspend l'amputation des oreilles avec le d�cret 81/96. Plusieurs t�moins rapportent cependant des amputations d'oreille post�rieures � cette date et ce jusqu'en 1998, date � laquelle le r�gime serait revenu � la peine capitale pour punir la d�sertion.
Un t�moin de Amman raconte comment � 22 ans, il d�cide de " se sauver de l'arm�e " parce que le traitement que leur faisait subir le lieutenant formateur �tait trop d�gradant. Fils d'un officier haut grad�, ex�cut� par la suite, il est sauv� par un membre dirigeant du parti.
"Comme les quartiers sont ratiss�s syst�matiquement par les gens du parti, j'ai �t� arr�t� et emmen� 15 jours environ apr�s � l'h�pital militaire. Nous �tions environ deux cents ce jour-l� et pas seulement des d�serteurs, il y avait aussi des gens qui avaient "mal parl�" selon les mouchards du parti. Nous �tions en rang et nous attendions notre tour. Ils nous attachaient les mains derri�re le dos puis nous �tions emmen�s dans une chambre o� il n'y avait qu'un lit. Je n'oublierai jamais les cris lorsque l'oreille �tait coup�e avec une lame. Il n'y avait ni anesth�sie, ni interrogatoire. Ils coupaient l'oreille, mettaient un morceau de coton et passaient au suivant. Cela se passait � l'h�pital militaire de El Qadissiyah. Nous �tions comme des b�tes, les gens �taient appel�s les uns apr�s les autres. Il fallait tout couper pour que cela se voit. J'ai vu un jeune qui avait du sang qui coulait de son nez et qui devenait fou de douleur : il sautait comme un coq �gorg� et personne ne s'en occupait. � certains, on a coup� les 2 oreilles� "
Dans tous les cas, le minist�re de la D�fense d�livre un bulletin rouge qui veut dire que le d�tenteur est un citoyen de deuxi�me zone et qu'il a commis une " tra�trise � l'honneur de la nation ". Il est sp�cifi� que le d�tenteur ne peut pas sortir d'Irak, n'a pas le droit de travailler dans une organisation officielle irakienne, qu'il ne peut porter plainte et qu'il n'a plus de passeport.
Un autre t�moin rapporte qu'� la prison militaire de Nassiriyah (sud de l'Irak), il a rencontr� sept d�serteurs qui avaient �t� amput�s de l'oreille � l'h�pital g�n�ral Saddam de cette m�me ville que dirigeait alors le Dr Arbia Abdel Hedi. Les d�serteurs auraient �t� anesth�si�s et se seraient r�veill�s la t�te band�e mais le front marqu� par une croix au fer rouge. Les sept d�serteurs ont d� signer un engagement de ne plus quitter l'arm�e pour sortir de prison.
Une infirmi�re ayant exerc� dans le m�me h�pital de Nassiriyah confirme le marquage au fer rouge et les amputations. Elle �voque �galement l'ex�cution d'un m�decin qu'elle a connu et qui aurait refus� de proc�der aux amputations. " Fin 1996 et d�but 1997, durant pr�s d'un mois, tous les matins � partir de 8 heures jusqu'� 11 heures, les amputations de d�serteurs se succ�daient. Le groupe le moins nombreux �tait compos� de trente personnes".
L'amputation de la langue
Un nouveau ch�timent avec l'amputation de la langue est apparu depuis 2000, mais aucune d�claration officielle n'a �t� faite � ce sujet, selon probablement la nouvelle politique consistant � ne plus publier les d�crets. Il punit ainsi les personnes qui ont insult� Saddam Hussein ou sa famille.
Ainsi un t�moin rapporte, que six personnes ont eu la langue coup�e en 2001 par les Feddayis de Saddam, trois � Babylone, un � Bagdad Algedida et deux � Aldiwaniah. Un autre raconte : "Quelqu'un m'a rapport� qu'il y a un mois, dans le gouvernorat de Hilla � l'Ouest de Bagdad, on a coup� la langue de trois hommes qui ont d�nigr� Saddam Hussein. Cela s'est d�roul� sur la place publique avec les Feddayis qui ont r�uni des personnes sur la place. Ensuite les Feddayis ont band� les yeux des 3 hommes, attach� leurs pieds puis leurs mains derri�re le dos. Ils ont tir� sur la langue tr�s fort avant de la couper. "
Les tortures
Les prisonniers sont �galement tortur�s durant la p�riode d'ex�cution de leur peine. " Abu Darak, ami de Saddam Hussein est le directeur de la prison. Pour lui, l'�tre humain est un moucheron... Je suis rest� trois mois sans interrogatoire puis j'ai �t� de nouveau interrog�.."
Tous d�crivent des conditions terribles de d�tention : " La cellule faisait 5 m�tres sur 4 environ et nous y dormions t�te b�che par terre. Il y avait un coin dans la cellule avec une toilette et un point d'eau�.Les prisonniers souffraient surtout de maladies des poumons. Je pense que trois cents d'entre eux ont eu des maladies pulmonaires et beaucoup des maladies de peau et des escarres.. Dix personnes au moins sont mortes durant ma d�tention dont un Turkm�ne et un certain Dhiar de Bagdad. Je ne me souviens pas des autres noms. Cinq � six sont devenus fous� "
Tous les t�moins arr�t�s, dont certains � plusieurs reprises, rapportent, sans exception, avoir �t� victimes de torture comme les autres personnes d�tenues en m�me temps qu'eux et ce, d�s la fin des ann�es 1970. Il semble donc que la torture des prisonniers, non seulement n'a jamais cess� durant toutes ces ann�es mais est d'une violence extr�me y compris � l'�gard de mineurs et quel que soit le sexe de la victime. Les m�thodes utilis�es sont multiples, coups en particulier sur la plante des pieds, torture � l'�lectricit�, br�lures, isolement, viol, arrachage des ongles�
Un homme de 42 ans raconte : "J'ai �t� � la prison de Nassiriyah jusqu'au d�but juin 1996 o� la torture a �t� telle que j'ai essay� de me suicider. Deux tortionnaires dont un ancien prisonnier syrien du nom de Ayoub et un autre Oubay sous les ordres d'un officier du nom de M'hammed Al Kouri, me torturaient tous les jours. Le jour o� ils omettaient de le faire, il fallait, lorsque le gardien syrien ouvrait le vasistas de contr�le de la cellule que je dise " je te rappelle que tu as oubli� de me torturer aujourd'hui "� Si j'�tais trop mal, mon compagnon de cellule devait prononcer cette phrase�Deux fois par jour, les prisonniers �taient mont�s " � la f�te " comme disent les gardiens� Apr�s la torture, je ne pouvais pas me mettre debout, ni utiliser mes mains et souvent je me retrouvais dans ma cellule sans m'en �tre rendu compte ". Le t�moin a subi un traumatisme cr�nien et a perdu l'�il et le nerf auditif gauche.
De nombreux t�moins rapportent la mort sous la torture de prisonniers. "Ils m'ont retir� le bandeau. J'�tais accroupi et ils m'ont montr� un des cuisiniers qui faisait la nourriture pendant le soul�vement. Il �tait suspendu, la bo�te cr�nienne �clat�e.. ".
Plusieurs t�moins ont des s�quelles de torture, � la fois physiques et psychologiques.
" J'ai �t� arr�t� pendant quatre mois et tortur� les yeux band�s : �lectrochocs, suspension au plafond, br�lures� Ils frappaient sur la plante des pieds. Mon pied a �t� cass� ainsi que mon genou� J'ai �t� lib�r�, j'avais une �paule d�mise, je ne pouvais pas bouger. "
" A la suite des tortures, la colonne vert�brale de mon fils a �t� touch�e et il est devenu compl�tement paralys�. Mon fils m'a �t� rendu car il ne pouvait plus rien faire seul. Il est mort � Amman le 10 mars 2001. "
" Mon jeune fr�re a �t� arr�t� en janvier 1999 pendant six mois environ. D�j� tr�s fragile psychologiquement, il est devenu fou � la suite de tout ce qui lui est arriv� ".
Certains lieux de d�tention sont connus comme la prison d'Abu Ghreb mais il semble que de nombreux endroits cach�s, " non officiels ", servent de lieux de torture et de d�tention. Des cellules sp�ciales sont utilis�es lors des s�ances de torture.
" J'ai �t� ensuite enferm� dans une cellule semblable � une tombe de 1 m�tre sur 50 centim�tres et 1 m�tre 50 de hauteur, enti�rement peinte en rouge. Je ne sais combien de temps je suis rest� l�, parce que je ne distinguais pas la nuit du jour. Apr�s, ils m'ont mis dans une cellule de 2 m�tres 50 sur 2 m�tres 50 tr�s sale, avec, � c�t�, un chien mort ; l'odeur �tait terrible au point que j'ai essay� de me suicider. A chaque fois que je dormais, un tortionnaire venait pour me frapper avec un b�ton "�lectrique". J'ai �t� convoqu� par le directeur qui, en m'interrogeant, me tirait les cheveux et me frappait la t�te contre le bureau�".
" Les cellules de prisonniers sont d'anciens silos � grains qui �taient en fait perc�s pour nous mettre dedans avant d'aller en prison�Chaque silo faisait 2 m�tres sur 2 m�tres 50. Les prisonniers dormaient par roulement de douze pendant deux heures. Les autres se tenaient debout souvent sur un seul pied. "
Les ex�cutions. Le " nettoyage des prisons "
Le ph�nom�ne le plus marquant ces derni�res ann�es est celui appel� " nettoyage de prisons " qui a lieu depuis fin 1997, suite � une visite de Qoussa�, fils de Saddam Hussein, chef des services de s�curit� sp�ciale.
Le " nettoyage des prisons " consiste � l'�limination physique massive, continue et syst�matique des prisonniers et d�tenus politiques condamn�s � la peine de mort ou � plus de 15 ans d'emprisonnement. Les prisonniers sont fusill�s, �lectrocut�s ou pendus. Les ex�cutions sont faites sous la direction des officiers militaires et de la " s�curit� sp�ciale ". Les corps des prisonniers politiques ne sont en g�n�ral pas remis aux familles et enterr�s de nuit par la " s�curit� sp�ciale " dirig�e par Qoussa� ou par les fedayins de Saddam, milice dirig�e par Ouda�, l'autre fils de Saddam Hussein. Si les familles veulent r�cup�rer les corps, elles doivent payer le prix des balles. Un comit� de " juges " a dress� un planning des ex�cutions pour les lundis et mercredis.
Les familles des d�tenus politiques n'ont pas le droit de porter le deuil en public et peuvent �tre pr�venues de l'ex�cution plusieurs ann�es apr�s la mort du d�tenu.
Certaines sources parlent de 2000 personnes ex�cut�es en mars 1998 et de 1000 prisonniers en octobre 2000.
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