Didier Schuller accus� !
" Il n'y a pas de raison que les uns soient poursuivis alors que Chirac jouit de l'impunit� totale"

Pour la premi�re fois, Didier Schuller d�nonce les m�thodes du financement politique et cite des noms !

" C'est Francis Szpiner qui m'a trahi "


Vous avez �t� boycott� par les m�dias fran�ais ? Ou alors, pourquoi vous adressez-vous � des m�dias �trangers pour faire des r�v�lations ?

Oui, c'est effectivement le cas. Des rendez-vous qui avaient �t� pris, des interviews qui avaient �t� pr�par�s, des �missions qui avaient �t� organis�es comme par exemple celle de Thierry Ardisson, ont �t� annul�s en derni�re minute. Les ordres venaient du sommet de la R�publique, m'a-t-on appris. La presse fran�aise a d'ailleurs �t� plus que discr�te sur mon livre. Et si elle en a parl�, elle a affirm� qu'il n'y avait rien de neuf dedans, ce qui est faux, bien s�r ! D�s la sortie de mon livre d�but avril, une censure, une omerta, s'est install�e. Comme je suis g�nant, on a essay� par tous les moyens d'occulter mes propos. C'est une r�action politique. Et il s'agit de m�thodes classiques fr�quemment utilis�es par les personnages que je mets en cause.

En ce qui concerne le second volet de votre question, il faut conclure que la presse �trang�re est � la fois plus curieuse et plus objective que celle domicili�e en France.

Le 5 avril, en rentrant de votre exil de sept ans, vous avez tenu � pr�ciser que vous n'aviez nullement l'intention de vous suicider. Est-ce que votre vie �tait ou est menac�e pour que vous preniez ce genre de pr�caution oratoire ?

Vous savez, la France a cette tradition malheureuse de conna�tre des d�c�s suspects quand cela l'arrange. Que ce soit le tr�sorier de Giscard d'Estaing ou un proche de Mitterrand dont les c�urs respectifs s'arr�tent de battre comme par� miracle. Certains de ceux qui se retrouvent impliqu�s au plus haut niveau dans des affaires politico-financi�res, meurent r�guli�rement. Il s'agit toujours ou bien de suicides, ou bien d'arr�ts cardiaques.

Aujourd'hui, tout s'est quelque peu calm� autour de moi. Il est vrai que le passage de le Pen au second tour des pr�sidentielles a rassur� Jacques Chirac sur sa victoire finale.

Avez-vous dout� � un certain moment de ce que vous aviez eu raison de prendre la fuite il y a sept ans ?

Oui, concr�tement en septembre 2000. C'est quand j'ai vu � cette �poque des extraits de la cassette de Jean-Claude M�ry, � la t�l�vision, que mes yeux se sont ouverts tout grand et que j'ai compris. M�ry, ramasseur de fonds du RPR, raconte sur cette cassette enregistr�e peu avant son d�c�s des suites d'un cancer, comment il a remis une valise contenant 5 millions de francs (750 000 euros) en esp�ces � Jacques Chirac. Or, M�ry �tait tr�s proche de Chirac. C'�tait lui le financier du parti chiraquien � Paris. Et puis, on l'a laiss� tomber du jour au lendemain. Des man�uvres judiciaires ont permis finalement de d�clarer non existante cet enregistrement qui existe pourtant. Or, d�j� en 1994, Jean-Claude M�ry nous raconte, � Christel et � moi, ce qu'il dira quatre ans plus tard devant une cam�ra. Nous sommes donc les deux derniers t�moins encore en vie. Il y avait donc des raisons de ne pas souhaiter et m�me d'essayer d'emp�cher notre retour sur Paris.

Nous avons lu votre livre ainsi que celui du juge Halphen (Sept ans de solitude, Eric Halphen, Deno�l �diteur). Vos versions sur l'affaire Schuller-Mar�cahl, � l'origine de votre fuite aux Bahamas, puis � Saint-Domingue, sont totalement oppos�es. L'un de vous deux doit mentir.

C'est Halphen qui a menti dans son livre ! J'en ai la preuve puisque l'annulation de la proc�dure m'a permis de lire les proc�s-verbaux. L�, il est bel et bien �tabli que le docteur Mar�chal a demand� l'argent de la corruption et pas l'inverse !

Dans votre livre, vous parlez d'un entrepreneur quia lui aussi remis de l'argent liquide entre les mains du parti de Jacques Chirac via Olivier Stirn. Vous ne donnez pas de nom. De quoi et de qui s'agit-il ?

De Francis Poulain !

D'autres anecdotes de transports de fonds en liquide ?

Je me souviens avoir apport� personnellement une valise contenant 500 000 francs de la part d'un g�n�reux donateur int�ress� par le nickel de Nouvelle-Cal�donie � Olivier Stirn, dont j'�tais alors le chef de cabinet au minist�re des DOM-TOM.

Pourquoi �tes vous parti en toute h�te ?

Parce qu'on m'y a pouss�. Parce que le clan Chirac-Pasqua m'a conseill� de le faire. Parce que j'avais des garanties. Parce que le cabinet noir de Chirac qui est un groupe d'hommes pr�ts � tout, voulait faire tomber Balladur. Quand je pars pr�cipitamment, Balladur est � 32 % des intentions de vote. Il finira � la moiti� ou presque, � 18 pourcents. Parce que, alors que les d�tournements d'argent non public qui me sont reproch�s aujourd'hui et qui sont sans aucune commune mesure avec le pas qu'on m'a fait franchir, il me fut dit que cela valait mieux, surtout pour le parti, mais �galement pour moi. Et je suis rest� pendant sept ans loin de France, parce que j'ai �t� abus�. Pour pr�server le pouvoir, toutes les trahisons sont possibles. J'ai �t� abus� notamment par Francis Szpiner, qui jouait un double jeu. On nous a fait craindre, Christel et moi, pour notre vie. J'ai d'ailleurs toujours �t� en contact avec Szpiner lors de mon exil. Son ami, l'avocat Jean-Hubert Wootly, avait d'ailleurs une propri�t� � Saint-Domingue. Szpiner �tait d�j� proche de Jacques Chirac dont il est d'ailleurs l'avocat aujourd'hui quand il venait me voir � Saint-Domingue pour m'inciter � rester loin de France et pour me rassurer sur mon sort. Encore au moment o� mon fils Antoine a d�nonc� ma planque, l'Elys�e a tent� de me faire rester l� bas, au moins jusqu'apr�s le second tour des �lections pr�sidentielles. J'ai �t� manipul�. D'ailleurs, mon exfiltration a beaucoup de points communs avec celle d'Alfred Sirven. On dirait que l'histoire se r�p�te. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec Sirven lors de mon bref passage � la prison de la Sant�.

Revenons sur ce r�le de Francis Szpiner, aujourd'hui conseiller de Jacques Chirac.

Oui, c'est important pour comprendre ma r�action et ma confiance. Je connais Szpiner depuis 1974. C'�tait mon ami. Il �tait alors, comme moi aussi, proche de la gauche. Je l'ai inform� d�s le d�but de l'affaire Mar�chal. C'est d'ailleurs un coup de t�l�phone de Szpiner qui me d�cide d�finitivement de prendre la fuite. J'ai appris de sources haut plac�es que ton arrestation � toi et ta compagne est imminente, a-t-il dit. Il ne vous reste plus que quelques heures pour prendre la cl� des champs, a-t-il pr�cis�. Et il m'a inspir� � me sauver vers Gen�ve o� il allait me rejoindre le lendemain pour pr�parer mon d�part d�finitif d'Europe. Or, quand j'ai eu acc�s � mon dossier lors de mon retour � Paris, j'ai constat� qu'il n'y avait rien qui justifiait une arrestation et encore moins, � fortiori, une fuite. Szpiner m'avait tout simplement menti afin que le cabinet noir de Chirac joue sur du velours dans l'affaire Mar�chal et la mort politique d'Edouard Balladur. C'est ainsi que Chirac devient pr�sident de la R�publique. Imaginez quand m�me que je me trouve sous le coup d'un mandat d'arr�t international et que des �missaires proches du pr�sident de la R�publique fran�aise qui me recherche, viennent me rendre visite dans ma demeure de l'exil ! Szpiner d�barque � deux reprises avec son �pouse d'ailleurs, chez moi, aux Bahamas. Il �tait en service command� et devait s'assurer que nous resterons loin de la France, Christel et moi. Szpiner m'a assur� que Mazeaud et Toubon pr�paraient une nouvelle loi d'amnistie sur le financement politique. Et qu'une fois la loi vot�e � l'Assembl�e, nous pourrions rentrer. A cette �poque l�, je ne savais pas qu'il �tait d�j� l'�missaire de Chirac. Quand j'ai annonc� ma d�cision de revenir en France � Szpiner, il m'a dit : Didier, donne nous encore trois mois. Chirac sera r��lu pr�sident, je serai nomm� ministre de la Justice et il n'y aura plus de probl�mes. "

Donc, vous connaissez Sirven, mais pas Chirac, puisque ce dernier d�ment vous conna�tre.

Il ment. Je le connais depuis janvier 1971 ! Nous nous sommes rencontr�s r�guli�rement � cause de notre travail politique commun. Et je tiens � dire qu'il n'y a pas de raisons que nous, on doit payer, alors que le chef jouit de l'impunit� !

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s