Les informateurs et les dessous politiques et journalistiques de la campagne contre "Le Monde"
Lire �galement :P�an et Cohen r�pondent dans "Lib�"
Un livre vient de sortir " La face cach�e du Monde " qui arrive apr�s l'ouvrage de Daniel Carton et bien d'autres encore. Que se passe-t-il pour que le saint des saints du journalisme fran�ais soit ainsi clou� au pilori et ses dirigeants (Colombani, Plenel, Minc) d�sign�s � la vindicte publique ? Le livre de P�an et de Cohen a �t� imprim� � l'instar d'un document ultra-confidentiel dans le plus grand des secrets. L'Express, hebdomadaire dirig� par l'un des ennemis intimes de Colombani, Denis Jeambar, " a accept� " de publier sept chapitres de l'ouvrage en se fendant n�anmoins d'un �ditorial tout ce qu'il y a de faux-cul.
Avant d'aborder le c�ur du d�bat, �non�ons quelques v�rit�s : dans ce monde tr�s parisien, les pro-Monde et les anti-Monde sont faits exactement du m�me bois. Jeambar vaut bien Colombani. Les turpitudes du Monde d�nonc�es dans le livre de P�an et de Cohen, si elles s'av�rent exactes sont absolument scandaleuses. Notamment de la part de personnes qui n'ont cess� d'invoquer la Morale avec un grand M. On peut d'ailleurs pr�voir de sacr�es turbulences au sein du quotidien de la rue Claude Bernard. Il y a peu de chances que les journalistes adh�rent tous au syst�me Colombani qui tient de la plus grande hypocrisie bourgeoise : v�tements propres sur soi mais sous-v�tements bien sales. Le livre de P�an et de Cohen peut donc aider cette vieille maison � nettoyer ses propres �curies d'Augias. Le plus dur pour le Monde va �tre de combattre l'id�e �crite noir sur blanc par les auteurs que ce journal a perdu des lecteurs depuis cinq ans plut�t que d'en gagner comme ses dirigeants prennent plaisir � le claironner � longueur de pages. Car c'est la cr�dibilit� �conomique du quotidien qui est en cause.
Les auteurs d�noncent le climat tyrannique qui r�gne au sein de la r�daction. Si la peur est d�pass�e par une certaine forme de courage moral, alors les journalistes demanderont des comptes. Sinon on peut se demander comment le Monde surmontera cette crise.
Cela �tant dit, on est en droit de se demander pourquoi autant de traits sont tir�s contre le Monde en ce moment pr�cis. L'investigateur va tenter de donner quelques pistes.
La m�me semaine, l'Express dirig� par Jeambar et le Canard Encha�n� dirig� par Angeli publient des morceaux choisis du br�lot de P�an et de Cohen. Hasard ? Certainement pas. Jeambar et Angeli partagent une m�me d�testation des dirigeants du Monde. Jeambar a �t� le concurrent �conomique du Monde dans le rachat de l'Express, rachat emport� par Jeambar ce que Colombani n'a jamais pardonn� � son adversaire. Carton donne pour s�r le fait que les attaques du Monde dirig�es contre le ministre de l'�ducation Claude All�gre, aient eu pour raison essentielle l'amiti� qui lie celui-ci et Jeambar. La femme de Colombani se fait vider des �ditions Flammarion; elles deviennent tricardes au Monde qui met en avant le ridicule du livre de Rougeot r�dacteur en chef du Canard Encha�n� et de Vernes sur l'assassinat de Yann Piat. Un monde sans piti� o� chacun s'embrasse lors de soir�es mondaines mais cherche � poignarder l'autre d�s qu'il a le dos tourn�.
L'investigateur est en mesure de donner les r�seaux dont ont b�n�fici� les deux auteurs du livre
Le premier est celui de l'UMP et de Jacques Chirac en personne. Colombani n'a jamais cach� son m�pris pour le pr�sident de la R�publique qu'il juge pusillanime et inconstant. Colombani a donc ouvertement jou� la carte Balladur aid� en cela par son comp�re de toujours, Alain Minc, par ailleurs dirigeant du Conseil de surveillance du journal. Chirac ne le lui pardonnera jamais comme il ne lui pardonnera pas Le R�sident de la R�publique publi� chez Stock, succursale de Hachette o� Edwy Plenel le directeur du Monde est chez lui.
Dans un �ditorial du Monde, intitul� La blessure, dat� du 23 avril 2002, Colombani �crivait : "Jacques Chirac va se succ�der � lui-m�me. Ainsi le pr�sident qui suscite la plus faible adh�sion de toute l'histoire de la Cinqui�me R�publique, celui qui, pendant sept ans, a pr�sid� � l'affaiblissement de la fonction pr�sidentielle sera le pr�sident le mieux �lu de notre longue histoire politique. "
Jacques Chirac en a �t�, selon un de ses proches, meurtri. C'est que Jacques Chirac s'est jur� de devenir un grand pr�sident, � l'instar d'un de Gaulle. Il veut devenir le dirigeant des non-align�s et dresser des barricades contre le mondialisme am�ricain. Il est d'autre part omnibul� par son fils cach� aupr�s de qui il veut para�tre comme un grand homme. Chirac a en partie rat� " ses filles " dont l'une est schizophr�ne et anorexique. Il a enfin eu un fils et il y tient. Voil� pourquoi il s'est mis � ha�r Colombani qui cherchait � l'humilier.
Le pr�sident a donc facilit� l'enqu�te de P�an et de Cohen.
L'un des objectifs vis�s par le clan Chiraquien est aussi de couper les ailes de Nicolas Sarkozy. Le Monde joue la carte du Ministre de l'Int�rieur en pariant qu'il sera le prochain pr�sident de la R�publique fran�aise. N'oublions pas que Sarkozy �tait balladurien. Les Chiraquiens veulent � tout prix �viter cette hypoth�se. Ils savent que sans support m�diatique, Nicolas Sarkozy (qui base une grande partie de sa future victoire sur son image de marque) ne pourra rien sans le relai du Monde. D'o� cette opportune offensive contre le quotidien de Minc, Colombani et Plenel.
Deuxi�me r�seau auquel est directement li� Cohen : celui des Chev�nementiste. Cohen, journaliste de l'hebdomadaire Marianne, est un militant de la cause souverainiste. C'est un grand adversaire de toute d�centralisation. On le retrouve aux premiers rangs des adversaires de la Charte europ�enne pour les langues minoritaires. Il pense que Le Monde joue pour ceux qui veulent la destruction de la France. Pourfendeur de la France d�cadence, il lui arrive d'�noncer des id�es que ne renieraenit pas l'extr�me-droite. Il a flirt� aussi avec le parti communiste, la franc-ma�onnerie (tendance Kessel), ce qui n'est pas rare par la p�riode de confusion que nous vivons. Mais il appartient au cercle Marc Bloch o� se retrouvaient des " gens de gauche " qui furent tent�s par la fracture sociale chiraquienne. Il est " pour la France " et voit en Colombani un solvant de cet esprit national.
Dernier r�seau : celui de tous les journalistes qui ha�ssent le Monde et ils sont nombreux � commencer par ceux du Canard Encha�n�. Ce vieux journal est persuad� que Le Monde a roul� pour Pasqua et la voyoucratie corse. Le livre de Nicolas Beau, " La chute de la maison Pasqua " est �difiant. Il pr�sente d'ailleurs de tr�s fortes ressemblances avec l'article publi� par L'investigateur sur les connexions corses de Colombani. On y trouve du vrai et des suppositions parfois improuvables.
En tous les cas l'hallali est sonn� contre le quotidien le plus c�t� de France.
Il est certain que les dirigeants du Monde vont tenter de couler le livre � coups de proc�s. On peut aussi parier que les auteurs y ont fait attention.
Le sentiment qui se d�gage de toute cette affaire est que le monde des journalistes est devenu une mare aux requins comme l'est le monde politique ou le monde judiciaire. La raison en est simple. Avec la perte de pouvoir de l'�tat, tous les genres ont commenc� � se m�langer. Aujourd'hui un article peut faire plus de mal qu'une enqu�te judiciaire. Aujourd'hui, un juge peut recevoir une r�compense s'il est remarqu� par Le Monde et �tre envoy� au Diable si un grand journal d�cide cela. Or Le Monde, gr�ce � l'action combin�e de Colombani et de Plenel, a r�ussi � se hisser au-dessus de la m�l�e g�n�rant aussit�t un oc�an de jalousies.
Le Monde aurait �t� inattaquable si ses dirigeants s'�taient comport�s en conformit� avec les id�aux journalistiques qu'ils d�clamaient. Or il semblerait que cela n'ait pas �t� le cas.
Il n'y a aucun doute que les deux auteurs r�glent des comptes personnels. Cohen est une sorte d'inquisiteur d'un r�publicanisme tr�s parisien et P�an n'a jamais pardonn� � Plenel son anti-Mitt�rrandisme. Pour P�an, Plenel est celui qui a " tu� " Mitterrand. P�an a par ailleurs �t� travaill� par sa propre mauvaise conscience. Ayant d�voil� le pass� vichyste de Mitterrand, il a voulu r�parer en tuant � son tour " l'assassin " de son idole.
Chacun dans cette affaire est instrumentalis� par tout le monde. Mais qu'importe. Il faut que la v�rit� sorte de ces chiottes o� alors rien ne changera. S'il est prouv� que tout cela g�n�rera autre chose que beaucoup de pouvoir pour les vainqueurs et beaucoup d'argent pour les deux journalistes.
Le journalisme du Monde n'est assur�ment pas le n�tre. Trop �litiste, il ne peut que mener � une manipulation du lectorat et, � terme, du pouvoir politique. N�anmoins, ceux qui l'attaquent ne valent gu�re mieux. Tous sont les repr�sentants d'une d�mocratie qui en appelle sans cesse au peuple pour mieux le gruger.
Pourquoi Cohen et P�an ont �t� �dit�s par Claude Durand, le PDG de Fayard
Il fut un temps o� Edwy Plenel et Claude Durant �taient au mieux. L'un et l'autre avaient m�me travaill� ensemble apr�s que Plenel ait quitt� les �ditions Gallimard � la suite d'un conflit d�ontologique avec Antoine Gallimard. Que s'est-il donc pass� pour que Claude Durand l'ind�racinable PDG de la succursale de Hachette prenne en main le livre de P�an et de Cohen ?
" La face cach�e du monde " sort donc dans une filiale de Fayard, les �ditions " Mille et une nuits " curieusement sp�cialis�e dans la r��dition de romans de science-fiction. " C'est par prudence " dit-on chez Fayard. " C'est pour cette raison qu'on a fait imprimer le livre en Espagne." L'affaire est encore plus trouble quand on sait que Fayard d�pend du trust Hachette alors que Colombani et Lagard�re sont les meilleurs amis du monde.
C'est que Durand est persuad� que Plenel a dirig� un complot contre lui et s'est servi de " l'affaire Camus " pour lui faire un mauvais sort.
On se souvient peut-�tre de "La Campagne de France", qui avait �t� retir� en mai 2000 de la vente � cause de plusieurs passages jug�s antis�mites et qui l'�taient franchement. � la fureur de son �diteur Claude Durand, une campagne � laquelle participe Le Monde aboutit au retrait pur et simple de ce livre relativement m�diocre.
Le mercredi 5 juillet, repara�t "La Campagne de France", ce tome du "Journal" de l'�crivain Renaud Camus. Tir� � 3000 exemplaires, le livre reprend le chemin des librairies expurg� des passages jug�s antis�mites qui avaient fait scandale (en tout, il manque une dizaine de pages, sur les presque 500 du total, les passages supprim�s �tant signifi�s par des blancs dans les pages), mais augment� d'une volumineuse pr�face de Claude Durand, PDG de Fayard.
Dans un texte de 35 pages, num�rot�es en chiffres romains et sous-titr�es "�tude socio-m�diologique", Claude Durand se livre � une attaque en r�gle contre la critique litt�raire en particulier et la profession de journaliste en g�n�ral. L'�diteur, qui prend soin de pr�ciser qu'il "n'a jamais �t� obs�d� par les complots", d�nonce toutefois ce qu'il interpr�te comme un complot ourdi contre Renaud Camus et Fayard - et accessoirement, contre lui-m�me, Claude Durand
Claude Durand, � chaque fois qu'il cite un critique ou un journaliste, ajoute entre parenth�ses le journal qui l'emploie et l'�diteur qui le publie ajoutant � cette affaire parisano-parisienne un petit parfum de perfidie. Les notes de bas de page toutes plus vengeresses les unes que les autres en viennent � occuper les quatre cinqui�mes de certaines pages.
Le Nouvel Observateur est litt�ralement crucifi�. Mais c'est surtout Le Monde qui est vis� et plus particuli�rement son directeur de la r�daction, Edwy Plenel, accus�, entre les lignes, d'�tre le v�ritable instigateur de tout ce complot. Pourtant s'il fut un �diteur qui pouvait se vanter d'excellentes relations avec le quotidien du soir, c'�tait bien Fayard. Claude Durand �tait d'ailleurs r�guli�rement convi�, dans ses colonnes, � s'exprimer sur les sujets les plus divers touchant au monde des livres. Pourquoi, alors, ce soudain revirement ? En v�rit�, , le torchon br�le entre ces deux partenaires privil�gi�s d'autrefois depuis que, en mai 1999, Fayard a publi� "L'�il du pouvoir", premier tome des souvenirs de Gilles M�nage. Dans son livre, M�nage, qui fut directeur de cabinet de Fran�ois Mitterrand � l'�lys�e revenait sur les fameuses �coutes - notamment celles qui avaient frapp� Edwy Plenel -, les "justifiant", en donnant certains d�tails d'ordre priv� qui auraient fortement d�plu � l'int�ress�. Le "scandale Camus" auquel Le Monde a pr�t� un large �cho serait, en quelque sorte, la r�ponse du berger � la berg�re. De quoi confirmer le sentiment que ce qui aurait d� �tre, et rester, un d�bat id�ologique se r�duit, d�sormais, et de plus en plus, � une mis�rable querelle de personnes. Il n'y a plus d'affaire Camus. Commence l'affaire Durand contre Plenel qui se continue par " L'ombre du Monde ". Et vive l'�dition et la presse, un monde o� rien ne s'oublie, rien ne perd. Tout se transforme en haine.
L'affaire Camus
Automne 2000 : Renaud Camus pr�sente son Journal � son �diteur habituel, Paul Otchakovsky-Laurens, qui a publi� les pr�c�dents volumes. Celui-ci le refuse, � cause des passages antis�mites aujourd'hui incrimin�s. En 1997, il avait d�j� refus� ces passages dans un pr�c�dent livre, PA, qui reprenait des �l�ments du Journal. En les retrouvant deux ans plus tard, � l'automne 1999, il n'a pas voulu les publier. Mais il n'a pas cherch� � les lui faire supprimer � nouveau. POL avait refus� un pr�c�dent livre contenant un discours antis�mite, m�l� � d'autres discours, mais parce qu'il trouvait que le projet de ce roman d'id�es n'�tait pas abouti.
D�s lors, Renaud Camus part en qu�te d'un autre �diteur. Il l'avait fait pour ce pr�c�dent projet romanesque refus� chez POL. Au Seuil, Denis Roche avait refus�, il y a quelques ann�es, un pr�c�dent manuscrit. "Je l'ai lu. J'ai �t� atterr� par cette lecture. Je l'ai refus� et je n'ai plus ouvert un livre de Renaud Camus depuis." Il avait auparavant t�l�phon� � Paul Otchakovsky-Laurens pour s'�tonner de voir un manuscrit chez lui. Sur l'affaire, il n'a qu'un commentaire : "Je suis pour l'arrogance en litt�rature, mais je suis contre l'arrogance de la b�tise. " Le Journal est arriv� chez Fayard, transmis par un ami de Renaud Camus. Claude Durand l'a lu et accept�, en faisant retoucher certains passages. Depuis le d�part de Jean-Marc Roberts chez Stock (une maison d'�dition ou Plenel est omnipotent), Durand avait repris en main la litt�rature fran�aise, qu'il voulait d�velopper chez Fayard.
Le livre para�t. Il semble accept� par la critique jusqu'� ce que Marc Weitzmann, dans Les Inrockuptibles, souligne les passages mettant en �vidence l'antis�mitisme de l'auteur.
Radio France et France-Culture prennent leurs dispositions pour une action judiciaire en r�f�r�. La ministre de la culture, Catherine Tasca, intervient. Fayard retire le livre de la vente, apr�s un conflit entre Claude Durand et son vice-PDG et successeur d�sign�, Olivier B�tourn�. Les remous atteignent l'universit� Yale, aux Etats-Unis, o� a lieu un colloque consacr� � Renaud Camus.
Un texte de soutien � l'�crivain d�non�ant le retrait de la vente du livre et le "lynchage m�diatique" dont il ferait l'objet a �t� sign� par des amis de Renaud Camus et plusieurs �crivains et personnalit�s, comme Pierre Berg� (mitterrandol�tre), Emmanuel Carr�re, Fr�d�ric Mitterrand (le neveu du Pr�sident) ou Dominique Noguez (Le Monde du 18 mai). En r�ponse, une autre p�tition, sign�e notamment par Michel Deguy, Jacques Derrida, Claude Lanzmann, Philippe Sollers, Jean-Pierre Vernant est relay�e par Le Monde du 25 mai). Elle d�clare que "les propos de Renaud Camus sont des opinions criminelles, et donc que d�fendre, publier, republier son livre au nom de la libert� d'expression, ou pour toute autre raison, c'est, qu'on le veuille ou non, d�fendre ou publier des opinions criminelles et condamnables". a retir� l'objet du scandale et emp�ch� qu'on aille au bout de la question."
Ces positions ont entra�n� des r�actions de l'�diteur de ce volume du Journal, Claude Durand, qui n'avait pas voulu s'exprimer jusque-l�. Dans une lettre au Monde dat� 21-22 mai, il estimait que la libert� d'expression imposait � un �diteur d'"accorder le b�n�fice de la bonne foi, voire l'hospitalit� aux mal pensants, aux mal parlants et autres "d�viants" de l'�crit", m�me si les opinions d'un auteur sont "diam�tralement oppos�es � ses propres convictions". Enfin, dans une tribune � Lib�ration du 30 mai, il r�pond � "MM. les censeurs" qui s'opposent � la reparution du livre.
Claude Durand n'a jamais pardonn� � Plenel ce qu'il d�signe comme " un acte de censure ".
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