L'analyse des paradoxes d'un dr�le d'�tat de droit
Le 10 Septembre 2002, le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de Perpignan renvoyait devant le Tribunal Correctionnel, M. Jean-Louis Mayneris mis en examen pour prise ill�gale d'int�r�ts et MM. Roland Laplace, Bernard Bonnet, Pascal Bolot, Jean-Philippe Tronche, Pierre Buillly et Jacques Toubon pour complicit� de prise ill�gale d'int�r�ts.
L'affaire n'aurait pas eu un grand int�r�t si elle ne touchait l'ancien pr�fet de Corse Bernard Bonnet et l'ancien Garde des Sceaux et ancien dirigeant du RPR, Jacques Toubon. La presse se faisait l'�cho de cette suppos�e prise d'int�r�t qui intervenait apr�s le d�sastreux incendie des paillotes en Corse. Par ordonnance du 10 septembre 2002, le juge d'instruction de Perpignan ordonnait le renvoi de toutes les personnes mises en examen devant le Tribunal Correctionnel de Perpignan pour prise ill�gale d'int�r�ts pour Jean-Louis Mayneris et de complicit� de cette infraction pour tous les autres mis en examen.
On suspectait en gros le pr�fet Bonnet d'�tre intervenu pour favoriser la vente d'un bien � la belle-fille de Jacques Toubon avec l'appui de ce dernier au d�triment d'un agriculteur.
Or les attendus du jugement pr�cisent :
" - Attendu qu'il est seulement �tabli qu'une intervention minist�rielle aupr�s de la SAFER, par le truchement de la Pr�fecture des Pyr�n�es-Orientales, en faveur d'un candidat � l'attribution d'un domaine agricole (Laplace) n'a pas abouti et ne s'est pas prolong�e, et crue, par la suite, ce fonds a �t� attribu� � une SCEA ayant pour associ�s ledit candidat et Jean-Louis Mayneris, Maire de la commune o� ce fonds est situ� ;
- Attendu que l'existence d'une "intervention" d'un homme politique envers un des protagonistes de cette affaire a troubl�, semble-t-il, le magistrat instructeur, et l'a amen� � suspecter toutes les personnes ayant peu ou prou r�percut� cette intervention, ce qui l'a conduit � tenter de relier celle-ci � l'infraction de prise ill�gale d'int�r�ts reproch�e � Jean-Louis Mayneris ;
- Attendu que la Cour - qui n'a pas � porter de jugement de valeur sur ce genre d'interventions constate que, de fa�on tr�s r�pandue et ancienne, des citoyens s'adressent � des hommes politiques en leur demandant d'intervenir en leur faveur ; que le r�le de l'homme politique se limite le plus souvent � transmettre � qui de droit la demande d'intervention, et � s'en attribuer �ventuellement la r�ussite, lorsqu'elle advient
- Attendu que cette pratique est si r�pandue que parmi les attributions officielles du chef de cabinet d'un ministre figure celle de "pr�parer les r�ponses aux interventions et sollicitations" ;
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- Attendu en d�finitive, qu'aucun acte positif ayant facilit� la commission du d�lit principal ne peut �tre retenu contre M. Jacques Toubon
Attendu qu'il en va forc�ment de m�me de MM. Bonnet, alors Pr�fet des Pyr�n�es-Orientales et de son directeur de cabinet, Pascal Bolot ;
- Attendu qu'il est classique que des interventions d'hommes politiques soient transmises par le truchement des Pr�fectures ;
Que la participation � une intervention n'est pas en soi une infraction p�nale
- Attendu que le Pr�fet Bonnet s'est content� d'adresser au cabinet du Garde des Sceaux de l'�poque deux rapports administratifs des 5 et 25 octobre 1995 exposant objectivement les probl�mes opposant les divers intervenants dans les litiges sur lesquels l'attention du Pr�fet des Pyr�n�es-Orientales avait �t� appel�e, et qu'il s'est limit�, ensuite, � transmettre, le 23 f�vrier 1996, � Pierre Buillly, sans aucun commentaire, un courrier de Jean-Philippe Tronche
- Attendu que le Pr�fet Bonnet confirmera les dires de MM. Toubon et Builly, � savoir qu'apr�s avoir r�percut� les difficult�s du dossier au Cabinet du Garde des Sceaux, celui-ci a souhait� ne pas insister et s'en remettre au fonctionnement de la SAFER ;
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- Attendu, enfin, qu'il est pour le moins paradoxal et excessif que le Pr�fet Bonnet ait �t� mis en examen comme complice d'une prise ill�gale d'int�r�ts de Mayneris, alors qu'il est patent qu'il entretenait d'excellents rapports, non avec Mayneris dont il dira "il nourrit pour moi une animosit� particuli�re" (D243) mais avec son adversaire Roland Nabet, partie civile
Que Mme Veuve Claverie, partie civile, ira jusqu'� confier aux m�dias son �tonnement et sa g�ne devant la mise en examen du Pr�fet Bonnet, ajoutant "Je crois bien pouvoir dire que si le Pr�fet Bonnet n'avait pas �t� l�, avec la rigueur qu'il a et l'application de la loi qu'il n'a pas manqu� de faire, m�me dans le coin le plus recul� de la Catalogne, on n'existerait plus "
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La Cour, statuant en chambre du conseil, apr�s en avoir d�lib�r� conform�ment � la loi
Dit n'y avoir lieu � suivre � l'�gard de MM. Roland Laplace, Bernard Bonnet, Pascal Bolot, Pierre Buillly, Jean-Philippe Tronche, Jacques Toubon du chef de complicit� des d�lits de prise ill�gale d'int�r�ts reproch�s � Jean-Louis Mayneris. "
En d'autres termes et pour traduire ce jargon juridique souvent imp�n�trable pour le malheureux citoyen, toutes les poursuites sont annul�es et l'innocence des pr�venus pleinement reconnue.
Et c'est bien l� l'un des paradoxes de cette justice dont il convient de rappeler que le pr�fet Bonnet fut l'un des ardents d�fenseurs : elle salit puis elle lave plus blanc mais � un moment o� plus personne ne s'en pr�occupe. Dans le cas du pr�fet Bonnet plus que dans celui de Jacques Toubon, cette innocence est pleine de sens. Elle met d'abord en accusation une certaine presse prompte � stigmatiser sans poss�der de preuves. Pourvu qu'on soit mis en examen et on est d�sign� comme gibier de potence foulant en cela la pr�somption d'innocence.
Dans le cas de Bonnet comme dans bien d'autres, la presse aurait pu se faire l'�cho de ce jugement qui met un terme � quatre ann�es d'injustice. Ce jugement incite enfin � r�fl�chir sur l'affaire des paillotes. L'affaire est jug�e et entendue. Mais enfin, quitte � nous r�p�ter, nous continuons � nous demander pourquoi cet homme, encens� durant des mois, fut soudain vou� aux g�monies pour un fait qui reste juridiquement � prouver. Mais il fallait qu'� tout prix le pr�fet Bonnet f�t coupable de mani�re � exempter l'�tat de toute faute. Dans bien d'autres pays, le ministre de l'Int�rieur aurait d� d�missionner et couvrir son subordonn� plut�t que de l'abandonner en rase campagne. Le Premier Ministre aurait d� s'expliquer sur bien des incoh�rences et des myst�res qui restent entiers tels que la promotion des gendarmes impliqu�s, l'enregistrement falsifi� du colonel Cavallier etc.
Rien de tout cela n'a �t� retenu en faveur du pr�fet Bonnet aujourd'hui paradoxalement oubli� alors que va s'ouvrir le proc�s des assassins du pr�fet Erignac qu'il a grandement contribu� � faire arr�ter . Tout un symbole pour un �tat en faillite.
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