L'�trange courrier, les sources corses et le travail de r�daction de Philippe Cohen
Lundi, 3 mars 2003
En fin de "La face cach�e du Monde " une curieuse correspondance cl�t le livre. La premi�re lettre est sign�e Colombani et Plenel.

Paris, le 9 d�cembre 2002

Monsieur Philippe Cohen, 273, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris

Monsieur, C'est avec grand int�r�t que nous lirons l'ouvrage que vous �tes en train d'achever sur l'histoire r�cente du Monde. Toutefois, nous ne souhaitons pas vous rencontrer, ni r�pondre � vos questions. Il nous para�t en effet difficile de cautionner une enqu�te dont l'impartialit� ne ser doute pas la qualit� premi�re.

Ancien et persistant, votre contentieux personnel avec notre journal n'y pr�dispose gu�re. Finalement n�goci� � l'amiable, votre licenciement du Monde en 1987 fut provoqu� par une faute d�ontologique que vous aviez reconnue dans une lettre � notre directeur d'alors, Andr� Fontaine. La mesure est assez exceptionnelle, sinon rarissime, dans notre collectivit� pour ne pas laisser des traces et des blessures.

Cordialement, Jean-Marie Colombani- Edwy Plenel

PS. Nous nous permettons de transmettre le double de cette r�ponse au pr�sident Soci�t� des r�dacteurs du Monde, notre principal actionnaire.
J.-M. Colombani & E. Plenel, Le Monde, 21, rue Claude Bernard, 75005 Paris -
Copie � la Soci�t� des R�dacteurs

La r�ponse de Cohen est effective une semaine plus tard.

Recommand� avec AR, Paris, le 15 d�cembre 2002

Messieurs, J'ai �t� d�sagr�ablement surpris de votre r�ponse n�gative (en date du 9 d�cembre) � ma demande d'entretien la transparence due aux citoyens ne saurait �pargner nul pouvoir, pas plus Le Monde qu'un autre. Sachez que si votre refus de r�pondre peut sans doute retarder la publication de mon enqu�te, elle ne l'emp�chera nullement. Je note h�las que vous vous refusez � tout �change contradictoire et sur pi�ces au sujet de l'entreprise que vous dirigez. Je ne peux que le regretter.

Ce que je ne puis tol�rer, en revanche, c'est le motif que vous avez l'audace d'invoquer et qui me concerne personnellement. Ce motif appelle, d'une part, une rectification factuelle et, d'autre part, une pr�cision l�gale - et je vous invite � prendre soigneusement connaissance de l'une comme l'autre.

1) Philippe Cohen et Le Monde

Je lis Le Monde depuis 1969, ce qui compte bien davantage que mon bref passage au Monde de l'�ducation en 1986-87 que vous �voquez. Mais puisque vous le faites, je me dois d'apporter les pr�cisions suivantes, puis�es dans la correspondance que j'ai conserv�e et que les archives du Monde, qui semblent bien tenues, vous permettront ais�ment de v�rifier;
a) Comme vous l'admettez, mon licenciement du Monde s'est effectu� � l'amiable, c'est-�-dire avec mon accord. j'ai eu un diff�rend avec le chef de mon service, Jean-Michel Croissandeau, � propos d'une pige - en fait un travail de r��criture - effectu�e pour une agence de communication, pige sans aucune incidence pour mon travail journalistique, que ma hi�rarchie a toujours estim� d'une qualit� intransigeante. Andr� Fontaine, directeur du Monde, m'a si peu tenu grief de cette pige qu'il m'a propos� d'assumer des responsabilit�s au bureau lyonnais du Monde. pour des raisons strictement personnelles, j'ai refus� ce poste, pr�f�rant quitter Le Monde de l'�ducation et rejoindre l'agence de presse " Zelig" que j'avais cr��e avant mon embauche. b) Apr�s ce d�part, Le Monde a publi� des dizaines d'articles de cette agence de presse, dont j'�tais le directeur de r�daction. Preuve, s'il en �tait besoin, que la qualit� de nos relations comme de mon travail donnait enti�re satisfaction au Monde, notamment d'un point de vue d�ontologique. c) Enfin, j'ai eu l'occasion depuis de me r�concilier avec Jean-Michel Croissandeau, quand je travaillais comme r�dacteur en chef au sein de la r�daction d'InfoMatin, journal dont Le Monde, rappelons-le, �tait actionnaire de r�f�rence.

2) De la diffamation
D�s lors, les all�gations de votre courrier en date du 9/12/02 ne peuvent �tre jug�es que mensong�res.
Exploit�es publiquement, � des fins de d�nigrement pr�ventif ", elles rel�veraient de la diffamation pure et simple, et feraient donc l'objet de poursuites judiciaires imm�diates.
Je vous prie, Messieurs, d'agr�er mes salutations distingu�es.
PHILIPPE COHEN

Une telle correspondance appelle plusieurs remarques de forme plut�t que de fond. La r�ponse du Monde date du 9 d�cembre 2002 c'est-�-dire il y a � peine deux mois. Si la r�ponse du Monde a �t� rapide, cela signifie que Cohen s'est pos� le probl�me d'interroger ceux qu'il mettait en cause tr�s tardivement, � quelques jours � peine de la remise des �preuves. C'est l�ger. Pour le moins. Sa r�ponse est de pure forme. Elle vise � emp�cher le Monde de se servir du fait que Cohen a �t� vir� du Monde, m�me avec son consentement et que son livre aurait pu �tre interpr�t� comme le livre de la vengeance.

Une rumeur chez Fayard fait �tat de l'�criture du livre par Cohen, P�an ayant quelque difficult�s de r�daction. Ainsi, au fil des maisons d'�ditions qu'il aurait parcourues, ses �diteurs auraient tenu � remettre de l'ordre dans ses �crits. Si la rumeur est juste (mais tout finit par se savoir) c'est donc Cohen qui aurait jou� le n�gre du couple.

L'investigateur confirme son information premi�re : Cohen a travaill� a r�unir ses informations sur la Corse � partir de documents du minist�re de l'int�rieur " sortis " par l'�quipe de Jean-Pierre Chev�nement et d'�tudes men�es par des " chercheurs " pr�occup�s par la mont�e en puissance des ind�pendantistes corses et qui ont notamment collabor� avec Marianne, le journal de Cohen.

En attendant la machine de guerre du Monde se met en place. Les avocats continuent d'�tudier chapitre par chapitre ce qui est attaquable. P�an a affirm� sur Canal + que ses avocats avaient auparavant �pluch� le livre afin de le rendre inoxydable. Grosse difficult�s � l'horizon : les avocats n'ont pas pu juger de la pertinence de l'argumentation, mais seulement de son caract�re apparemment diffamatoire, les preuves appartenant seulement au journaliste. Et l� il se pourrait bien que les deux journalistes tr�buchent sur des d�tails tout � fait incertains et trop vite �nonc�s. L'avenir s'annonce en tous les cas tr�s passionnant.

L'investigateur continuera de suivre l'affaire de "La face cach�e du Monde" , un livre qui a le m�rite de stigmatiser une situation r�elle et importante, mais qui contient certaines erreurs dans les d�tails.

�2003 L'investigateur - tous droits r�serv�s