1 - Les pr�paratifs
Celui qui nous guide dans le maquis corse s'est occup� pendant plus d'un quart de si�cle des " affaires de l'�le ". Ancien des services secrets puis honorable correspondant, il dit avoir appartenu � une structure dont peu de personnes soup�onnaient jusqu'� l'existence. Il l'appelle " l'�il ". Il ne veut pas en dire plus pour l'instant. Mais il s'est donn� la peine de d�crypter l'histoire des communiqu�s qui ont pr�c�d� l'assassinat du pr�fet Erignac.
Les attentats fondateurs
Le jeudi 4 septembre 1997, 3 kilogrammes de plastic d�truisent la porte de l'ENA � Strasbourg. Puis dans la nuit du 5 au 6 septembre, la petite gendarmerie de Pietrosella en Corse-du-Sud est � son tour d�truite. Le premier texte de revendication des attentats de Strasbourg et Pietrosella est dat� du samedi 6 septembre 1997. Comment analysez-vous ces actions ?
� l'�poque, le gouvernement avait d�cid� de tourner le dos � la politique qui avait pr�valu au moment de la conf�rence de presse de Tralonca en janvier 1996. Fran�ois Santoni est emprisonn� depuis le mois de d�cembre 1996. En janvier 1997, Jean-Michel Rossi s'est rendu � la gendarmerie d'�le Rousse en compagnie de Jean-Claude Fratacci. Il a affirm� craindre pour sa vie � cause de menaces prof�r�es par des policiers plus particuli�rement du RAID. Il a donc n�goci� sa reddition et l'a rendue effective dans la nuit, vraisemblablement par un souci de discr�tion. C'est en tout cas une sortie sans panache. Mais ces deux incarc�rations laissent Charles Pieri seul ma�tre � bord du navire nationaliste.
Dans le sud, un homme esp�re profiter de la situation. Il s'appelle Marcel Lorenzoni. Nous savons aussi que son obsession est de remplacer Fran�ois Santoni � la t�te du FLNC. Malgr� toute sa prudence l�gendaire au t�l�phone, les rumeurs remontent jusqu'� nous. Il ne parle que de �a. Et un jour, il fait passer un message en prison � Santoni. Il demande le canal d'authentification. Santoni n'est pas fou. Il sait que s'il l�che cette information qui, de fait, transformerait Lorenzoni en patron du FLNC au moins sur le Sud, il n'existerait plus. Il refuse et s'en vante aupr�s d'un policier qui lui rend visite en prison. Lorenzoni, � ce moment-l�, lance sa s�cession. Il est au mieux avec des vieux militants nationalistes du mouvement agricole qui veulent en d�coudre avec les autorit�s. Bien qu'ils aient �t� couverts de subventions et b�n�ficient de pr�ts jamais rembours�s au Cr�dit agricole, ils en veulent encore et toujours. L'un d'entre eux qui se retrouvera au c�ur de la piste agricole entretient de curieux rapports avec des hommes proches de la mafia italienne qu'il fait venir pour des parties de chasse dans son domaine de la plaine orientale. Un autre, un ancien rapatri�, affirme �tre pour l'ind�pendance et d�nonce � qui veut l'entendre la colonisation de la Corse alors qu'il en a �t� le premier b�n�ficiaire en 1962. Ce petit noyau est peu nombreux mais tr�s remuant. C'est lui qui par jeu transformera une note de police qui leur a �t� fournie par des policiers peu scrupuleux et d�noncera le pr�fet Erignac accus� d'�tre le ma�tre d'un " micmac ". Son assassinat sera pr�par� par tout ce remue-m�nage.
Marcel Lorenzoni �tait un vieux cheval de retour du nationalisme corse. En 1991, il est devenu membre de l'ex�cutif de la Cuncolta et le responsable d'un groupe du FLNC dans sa r�gion de Bastelica. En 1994, il abandonne toute responsabilit� politique pour redevenir simple militant de base. C'est le moment o� Fran�ois Santoni prend les r�nes du FLNC dans le sud. La direction d'alors dirig�e par Jean Biancucci est pouss�e dehors. Il quitte la Cuncolta en 1997 et cr��e le "Culletivu per a Nazione" en janvier 1998 qui donnera ensuite naissance au "Partitu Per l'Indipendenza" (PPI). Le 5 mai 1996 un nouveau FLNC est n� de la dissolution du FLNC Canal habituel. Les hommes du mouvement Resistanza, regroup�s autour de F� M� et de P�P�, les ont rejoints. Marcel Lorenzoni sent alors que le mouvement clandestin durement atteint par la guerre fratricide, risque de dispara�tre. Il se sent capable de le remonter. Il se passera donc de la Cuncolta et du FLNC Canal historique. Permettez-moi de pr�ciser que les quelques �coutes que j'ai lues d�montrent que lui aussi avait un regard tr�s cynique sur cette nouvelle base qu'il s'�tait cr��. Elle devait servir ses int�r�ts et seulement ses int�r�ts.
L'union des groupes du nord et du sud
Nous n'avons rien pu prouver mais nous pensons que la gendarmerie de Pietrosella a �t� " faite " par ce groupe qui a l'intention de d�stabiliser le FLNC Canal historique en mettant � mal sa tr�ve. Strasbourg est le fait de l'aile bastiaise et d'une opportunit�. L'un de ses militants est en partie alsacien et a profit� d'un voyage pour plastiquer l'ENA. Il faut prendre en compte dans ce genre d'op�ration le c�t� bricolage. Or Pietrosella et Strasbourg ne donnent pas l'effet escompt�. Il ne se passe pas grand-chose. Le premier communiqu� re�u par RCFM est jug� "pompeux " et " creux ". En plus,il ne parle pas des actions comme si ses auteurs craignaient de se d�voiler. Pourtant nos services tentent d'analyser cette action avec un but : savoir si une dissidence peut cr�er de nouveaux probl�mes au gouvernement.
Fran�ois Santoni de son c�t� a parfaitement compris d'o� venait le coup. Il conna�t parfaitement son petit monde qui ne r�unit pas plus d'une centaine de personnes sur toute la Corse. Les dirigeants savent qui peut tuer dans la clandestinit� et qui peut monter des op�rations de ce type.
Fran�ois Santoni donne donc l'ordre � quelques-unes de ses hommes de l'extr�me-sud de brocarder celui qu'ils pensent �tre l'auteur de l'attentat de Pietrosella : Marcel Lorenzoni dans un communiqu� qui sera envoy� � Lib�ration. Le texte est un excellent pastiche du style ampoul� du dirigeant ind�pendantiste. Il est fait allusion � l'id�al parachutiste parce que celui-ci ne cessait de mettre en avant les quelques ann�es qu'il avait pass�es dans cette arme. Le capitaine L�ger �tait un sp�cialiste de la contre-guerilla sans cesse invoqu� par Lorenzoni. On retrouve son nom dans le communiqu� du 10 octobre 1997 sign� Sampieru. Il est fait une allusion bien lourde � la fili�re porcine autre id�e fixe de Lorenzoni. Le nom enfin du groupe " Sampieru " �voque �videmment le village de Lorenzoni, o� est n� il y a des si�cles un Corse qui se battit pour le rattachement de la Corse � la France. Tout est donc ridicule dans ce communiqu� qui n'a qu'un but : ridiculiser Lorenzoni. Entre-temps, le FLNC Canal historique a tent� � travers deux communiqu�s de r�tablir sa propre v�rit�. Marcel Lorenzoni est fou furieux lorsqu'il prend connaissance de ce texte. Il soup�onne aussit�t les services secrets qui sont pour lui une sorte de panac�e universelle. Les Renseignements g�n�raux lui font savoir que la ruade vient de ses propres rangs. Le communiqu� ne sortira qu'apr�s l'assassinat du pr�fet Erignac. Le journaliste r�ceptionnaire Guy Benhamou s'en est m�fi� et l'a transmis aux services comp�tents. D'ailleurs en ne voyant pas para�tre le communiqu�, les auteurs de cette " plaisanterie " n'ont pas insist� en inventant par exemple un canal d'authentification. Et pour cause : ils ne peuvent donner aucune preuve de ce qu'ils avancent.
Mais nous apprendrons par la suite (bien apr�s l'assassinat du pr�fet) que leur groupe qui a commis ces attentats est bic�phale. Celui d'Ajaccio comprend outre quelques personnes de l'entourage de Marcel Lorenzoni, l'ancien groupe FLNC de Carg�se-Sagone � la t�te duquel se trouve son chef de secteur : Yvan Colonna. Le groupe de Bastia est �trange : il est dirig� par Jean Castela, un enseignant d'origine ni�oise � l'id�ologie gauchiste qui a le complexe des non-Corses qui se veulent plus corses que les Corses. Il est entour� de quelques militants du FLNC qu'il a r�ussi � embrigader. Ce qui me frappe dans cet assemblage h�t�roclite, c'est le m�lange d'ambitions personnelles pour ce qui concerne Lorenzoni et Castela et de r�elle sinc�rit� pour la plupart des membres du groupe. Nous apprendrons plus tard que la plupart ont �t� profond�ment traumatis�s par la guerre entre groupes nationalistes. Beaucoup de ceux qui se sont entre-tu�s �taient d'anciens camarades de lutte. Bien que la plupart aient particip� aux entreprises de racket et de meurtres, on ne peut les mettre sur le m�me niveau que les Santoni, Pieri ou autre Orsoni. � la limite, les plus dangereux sont les plus purs. Et ils vont le d�montrer. D'apr�s ce que nous apprendrons, deux r�unions au moins permettent aux deux branches du groupe de mettre au point une action qui fera parler d'eux. Car il ne faut pas oublier que leur but est avant tout de d�stabiliser le mouvement nationaliste de fa�on � faire �merger une nouvelle direction. Les communiqu�s ronflants sont s�rement sinc�res mais les m�canismes corses ne sont bas�s sur une id�ologie comme on peut la trouver au pays basque ou en Irlande mais sur des prises de pouvoir internes.
" Afin de nous d�stabiliser, certains reviennent � leurs vieux d�mons de la manipulation et des coups tordus en tous genres, man�uvres qui ont malheureusement d�j� amen� le Mouvement National dans les drames. " L� on invoque les services secrets mais on pr�cise " Pour nous, il est clair que ces mercenaires, braqueurs et pseudo-nationalistes, veulent faire endosser � notre Mouvement une surench�re qui n'est pas de son fait; ce type de proc�d� est r�v�lateur de la bassesse dans laquelle sont tomb�s ces sp�cialistes des sales besognes, dont la pr�occupation essentielle r�side dans la d�stabilisation du Mouvement National. "
Un d�fi lanc� au FLNC
Le 11 novembre 1997, vers 2h00 du matin un nouvel attentat est commis � Vichy,. Il a �t� commis par le groupe dont Castela est le pr�sum� dirigeant. Comme l'a �crit Fran�ois Santoni, trois charges auraient d� exploser. Mais celle qui devait d�truire le Palais des Congr�s a pu �tre d�samorc�e et celle d�pos�e dans le hall de l'ancien h�tel Majestic a fait long feu. C'est donc une grande op�ration destin�e � frapper l'opinion. Le texte est un nouveau pas en avant vers un acte plus grave encore. Son style est encore gauchiste. Mais surtout il donne des d�tails qui ne peuvent permettre de douter de leurs auteurs � commencer par la photo prise dans le k�pi de l'un des gendarmes. Cela signifie tout simplement que le groupe anonyme a les moyens de frapper en Corse et sur le continent. C'est une fichue claque pour le FLNC dont nous savons qu'il commence alors � s'�nerver. Or nous avons le sentiment que le FLNC sait d'o� vient le coup. Des rumeurs persistantes viennent jusqu'� nos services pour d�signer des �lectrons libres. D�j� le nom de Castela commence � circuler.
Fran�ois Santoni soup�onne son fr�re ennemi Charles Pieri d'�tre derri�re cette v�ritable paga�e. Des conversations t�l�phoniques nous apprennent que les sudistes craignent que les nordistes ne leur renvoyent l'ascenseur de l'affaire Sozzi. � cette �poque, la direction sudiste du FLNC avait fait croire aux nordistes de Charles Pieri qu'ils �taient menac�s par Sozzi. R�sultat : ce malheureux avait �t� abattu par des hommes parfaitement identifi�s et agents de Bastia Securita. Charles Pieri n'avait pas pardonn� aux sudistes cette " peau de banane " sanglante. Santoni s'�tait d�fil� en pr�tendant qu'il ne savait pas et il avait tout mis sur le dos de Jean Biancucci. Il n'emp�che que Pieri �tait rest� persuad� que Santoni �tait au courant et avait laiss� faire. Je vous rappelle qu'� l'�poque la DNAT est toute puissante et qu'il est difficile de faire la jonction entre les services d'o� une certaine difficult� � analyser les �v�nements.
Le deuxi�me communiqu�
Le 21 janvier 1998 un deuxi�me communiqu� de Sampieru est remis � Lib�ration qui le transmet aux services comp�tents. C'est un acte d'autodissolution. Mais surtout c'est un message d'avertissement : " nous condamnons fermement l'attentat qui a vis� les biens du pr�sident de la CCI de Corse du Sud et par avance toutes actions qui pourraient � nouveau �tre men�es contre l'actuel Pr�sident de la Chambre d'Agriculture Ren� MODAT mais aussi, contre les repr�sentants syndicaux du monde agricole, le pr�sident de la CCI de Haute-Corse et certains fonctionnaires repr�sentants �minents de l'�tat colonial ".
Les noms avanc�s sont �videmment fantaisistes. Mais par la suite nous avons appris ceci. Ce communiqu� n'a pas �t� r�dig� comme le pr�c�dent par les hommes de Fran�ois Santoni mais par ceux du Nord. J'y reviendrai. Nous avons aussi su que les deux groupes ceux du nord et du sud s'�taient r�unis dans un lieu aujourd'hui bien connu des policiers. Le groupe du sud �tait partisan d'aller jusqu'au bout d'une action radicale. C'est l� qu'ils ont dit qu'ils allaient abattre le pr�fet. Le groupe du nord a recul�. D'apr�s nos renseignements, ils envisageaient seulement tout comme les agriculteurs derri�re Lorenzoni d'enlever le pr�fet et de le renvoyer comme ils avaient fait avec Aur�lien Garcia. Il y a donc � ce moment-l� scission. Les agriculteurs se retirent et ceux de Bastia prennent leur distance. Nous savons aussi que l'assassinat du pr�fet est la cons�quence d'une volont� des tueurs mais aussi de concours de circonstances. L'assassin aurait aussi bien pu ne pas rencontrer sa victime. H�las cela ne s'est pas pass� ainsi.
2 - 1994 : ann�e charni�re avant l'assassinat du pr�fet Erignac
Je n'ai jamais eu aucun doute sur la connivence des individus qui formait le petit milieu radical du nationalisme corse. Tous savaient qui �tait capable de quoi. Parmi toutes ces personnes, Jean Castela �merge au-dessus du lot par sa culture politique et sa d�termination. Contrairement � ce que Santoni affirme dans le dernier de ses livres, Jean Castela a rencontr� � plusieurs reprises ceux qui allaient former le commando Erignac. Mais il connaissait aussi Lorenzoni. On a d'ailleurs retrouv� le num�ro de portable de ce dernier chez lui. Ah oui avant d'aller plus loin. Tous les renseignements qui suivent ont �t� donn�s � certains de vos confr�res d�s la fin 1988, la preuve que policiers et gendarmes connaissaient bien les oiseaux. Jean Castela habite r�sidence A Tramuntana, sur la route de l'h�pital de Bastia. Selon certains renseignements Lorenzoni et Castela se seraient rencontr�s le 5 septembre 1997, � Marseille. On peut penser que les deux hommes avaient � se parler mais surtout � s'offrir un alibi avant l'attaque de la gendarmerie de Pietrosella.
Un nationaliste ni�ois amoureux de la Corse
Castela est d'histoire-g�ographie au lyc�e Giocante de Casabianca, � Bastia. Il donne par ailleurs des cours � l'universit� de Corte en tant que charg� de cours d'histoire des civilisations en arts appliqu�s. Il n'appartient pas � la mouvance de Lorenzoni et n'a pas rompu avec la Cuncolta. D'apr�s tout ce que nous avons pu savoir c'est un individualiste qui a une tr�s haute id�e de lui-m�me. Il porte en lui une v�ritable blessure : il n'est pas Corse. Nous avons d'ailleurs remarqu� que les nationalistes dont les noms sont continentaux ou sardes ont tendance � en faire dix fois plus que ceux qui n'ont rien � prouver. Jean Castela est connu par les Renseignements g�n�raux comme un �l�ment radical du nationalisme corse. On peut le classer dans la cat�gorie gauchiste. C'est un homme qui a indubitablement de l'ascendant sur ses compagnons. En dehors de ses activit�s enseignantes, il travaille pour l'organisation �conomique de Jean-Nicolas Antoniotti, un ancien du FLNC, Femu qui.
Ce Ni�ois d'origine a �t� tr�s fortement marqu� par la personnalit� de son p�re, Paul avec qui il a �crit un livre sur la chapelle de la Mis�ricorde du cours Saleya qui n'a pas d'autre int�r�t que de le faire appara�tre dans les fiches des Renseignements g�n�raux. Paul Castela est une curiosit� puisqu'il est ind�pendantiste ni�ois. En 1985, Jean Castela est mut� en Corse. Il prend tout de suite contact avec les nationalistes de Bastia. � l'�poque, Charles Pieri est en cavale. Il s'�tait �chapp� de la prison de Bastia le 22 janvier 1984 en compagnie de Francis Mariani l'un des responsables pr�sum�s de la bande dite de Brise-de-Mer (voir L'investigateur assassinat de Fran�ois Santoni et portrait de Charles Pieri). Charles Pieri avait �t� repris le 1er juillet 1987 puis lib�r� � l'occasion du proc�s en assises qui l'a acquitt� en m�me temps que Felix Tomasi. C'est � sa sortie de prison qu'il rencontre Castela. Charles Pieri a beaucoup parl� lors de sa garde-�-vue mais il est devenu intouchable. Nous pensons que c'est de cette �poque qu'une alliance occulte s'est nou�e entre le FLNC de Bastia et Francis Mariani. Je pr�f�re parler d'une personne plut�t que de cette fameuse bande de la Brise-de-Mer qui n'existe que sur le papier des journaux. Charles Pieri est donc intouchable. Mais en plus il est intelligent et surtout, aux yeux de Castela il vient de la gauche. Il a commenc� comme militant CFDT des HLM de Bastia. Il sort d'un milieu populaire. Les deux hommes se plaisent. Castela est d'une grande culture politique. Pieri, selon nos informations, comprend qu'il vaut mieux avoir ce ph�nom�ne avec soi que contre soi. Il le garde donc comme un jocker � sortir de sa manche le jour o� et �ventuellement � sacrifier.
Le plasticage du rectorat de Paris
Je voudrais � ce propos ouvrir une parenth�se sur les informations qui nous parviennent de l'int�rieur du FLNC. D�s le d�but de sa cr�ation, il a exist� une porosit� entre les services d'enqu�teurs et les structures clandestines. Des militants ont �t� donn�s par leur direction parce qu'ils g�naient ou que les offrir � la justice pouvait servir. Une des techniques pr�f�r�es consistait � parler sur des t�l�phones que l'on savait �tre sur �coute, ou alors de laisser " tra�ner " des papiers alors qu'on avait �t� pr�venu d'une perquisition. Parce que la porosit� existait dans les deux sens. Des policiers ont fait savoir que des op�rations se pr�paraient, parfois par proximit� avec les futurs interpell�s ou alors par souci de nuire � un service adverse. Si �a vous int�resse je vous en dirai plus un jour sur ce point qui montre que la m�me paga�e r�gne parmi les clandestins et ceux qui sont charg�s de les traquer.
J'en reviens aux relations entre Castela et Pieri. Nous avons planch� dessus parce qu'� notre avis, elles montrent la v�ritable face de la clandestinit� corse. Le 15 septembre 1994 une antenne du Rectorat de Paris est plastiqu�e. Un communiqu� du FLNC authentifie l'action. Je vous livre ce tr�s curieux �change avant de le commenter.
" Revendiquons attentat contre Direction de l'Acad�mie de Paris (15/09/94)
Contrairement aux discours de technocrates ass�n�s par un matraquage m�diatique sans pr�c�dent, cette nouvelle rentr�e scolaire est dramatique pour le Peuple Corse. Le processus de francisation impos� depuis deux si�cles arrive � son terme : � l'�vidence l'�tat fran�ais a fait le choix politique de d�corsiser notre jeunesse par l'application, inlassablement, de son syst�me �ducatif normalis�, arme majeure du jacobinisme le plus archa�que.
� la lutte obstin�e contre la langue corse s'ajoutent aujourd'hui la relance de l'exil forc� des jeunes corses dipl�m�s vers les acad�mies du nord de la France, le m�pris des personnels ATOS contraints de travailler dans des conditions de plus en plus pr�caires, et les d�tournements en tous genres (d'objectifs et do moyens) des structures de pseudo-formation professionnelle ou comme le scandaleux IUFM.
Les r�ponses structurelles font pourtant aujourd'hui l'objet d'un large consensus en Corse mise hors norme de l'Acad�mie et concr�tisation d'un v�ritable plan de d�veloppement de la langue corse.
L'heure ne peut donc plus �tre aux concertations alibis et aux �crans de fum�e que sont les sempiternelles " mesures en faveur de la langue corse " annonc�es avec z�le par des missionnaires �ph�m�res ou par ceux qui se vendant par simple carri�risme, servant alors pitoyablement de caution � l'�tat.
La seule r�alit� est que la langue corse, pilier de notre identit�, est en tant que telle marginalis�e, et que son sort serait paradoxalement bien meilleur si elle avait sur sa propre terre un statut de langue �trang�re ! Les fili�res actuelles de l'�cole fran�aise en corse condamnent la grande majorit� des jeunes Corse au ch�mage ou � l'exil, les programmes scolaires niant obstin�ment notre culture et notre terre sont autant de carcans qui entravent un �panouissement culturel et un d�veloppement �conomique pour notre Peuple.
Face � ces enjeux majeurs, nous luttons et nous lutterons avec tous nos moyens et avec la plus grande d�termination pour ne pas laisser perdurer un tel syst�me qui condamne notre jeunesse � l'exil, au ch�mage, � la perte de son identit�. L'urgence de la situation impose une r�elle et rapide prise en compte politique de la question fondamentale d'un syst�me �ducatif au service du Peuple Corse.
Fronte di Liberazione Naziunale di a Corsica "
La r�ponse du FLNC tombe comme un couperet dans l'un de ses plus courts communiqu�s le lendemain
" Quelles que soient les motivations des auteurs de l'action du 15 septembre � Paris, nous la d�mentons. Cette revendication a �t� effectu�e � la suite d'une erreur technique qui s'explique par un exc�s de pr�cipitation isol�. Nous veillerons � ce qu'un tel acte ne se reproduise plus dans l'avenir. "
Qu'en tirer comme conclusion sinon que les premiers poss�daient le code d'authentification comme les seconds et qu'il y a donc conflit. Nous savons aujourd'hui que dans le Nord trois hommes poss�daient le code d'authentification � l'�poque : Charles Pieri, Jean-Martin Verdi et Jean-Michel Rossi. Qui l'a donn� aux plastiqueurs et pourquoi ? D�s l'action, l'entourage de Fran�ois Santoni enqu�te et fait savoir quelques jours plus tard que Jean Castela de retour de Paris aurait �t� accueilli � l'a�roport de Bastia Porreta par Charles Pieri en personne. Je ne peux pas affirmer que c'est vrai mais je peux affirmer que cette information vaut son pesant d'or. Fran�ois Santoni se m�fie comme de la peste de son " fr�re " nordiste. Ce qui est aussi vrai c'est que Fran�ois Santoni venait juste d'�tre re�u par Charles Pasqua quand cet attentat a eu lieu. Assur�ment �a n'�tait pas un signe de force ou de sinc�rit�. D'o� une col�re noire de Santoni un coup de t�l�phone � Charles Pieri avec l'ordre d'aussit�t condamner l'action. Vous remarquerez qu'elle n'est d'ailleurs pas condamn�e mais " d�mentie ".
Pasqua, Leandri et les d�buts de la guerre entre nationalistes
Cette p�riode de l'ann�e 1994 est importante pour la suite des d�veloppements. En juin 1993, le groupe du nord a assassin� Robert Sozzi provoquant une v�ritable rupture jusque dans la clandestinit�. Il s'av�re donc que c'est une embrouille du sud pour faire porter le chapeau au nord qui risque de devenir trop important et qui surtout est en train d'�vincer le groupe Biancucci-Torre-Albertini-Orsoni. Pour les connaisseurs il s'agit du groupe qui s'�tait appuy� sur les personnes recherch�es et notamment Jean-Baptiste Acquaviva, Charles Pieri, Jean-Andr� Orsoni, Jean-Vitus Albertini et Olivier Sauli. Ces personnes avaient jou� un grand r�le dans l'�viction de l'ancienne direction du Front, celle de Pierre Poggioli. C'�tait � leur tour de s'en aller discr�tement, les grands gagnants �tant les seconds couteaux d'hier : Charles Pieri et Fran�ois Santoni. Donc en 1994, la tension monte avec les fr�res ennemis du FLNC Canal habituel qui se sont alli�s � Resistanza le bras arm� de l'ANC de Pierre Poggioli. Des n�gociations houleuses ont lieu avec des hommes de Charles Pasqua. Tout semble s'arranger lorsqu'un triple attentat est perp�tr� � Mende lors d'un conseil interminist�riel important pour le ministre de l'int�rieur puisqu'il va y proposer son r�am�nagement du territoire. Il est pr�sid� par �douard Balladur. Cela se passe le 17 f�vrier 1994. Selon nos informations il s'agit d�j� du groupe de Jean Castela et de Vincent Andriuzzi, un autre enseignant.
Des n�gociations ont lieu avec l'�quipe de Charles Pasqua men�e par le brigadier Leandri. Pasqua exige un gage de bonne volont�. La direction du FLNC propose que les policiers du RAID interceptent un commando en pleine action. Cela donne la tr�s curieuse op�ration de la nuit du 27 au 28 mars 1994. Le RAID arrive sans aucune pr�caution � l'a�roport de Figari avec armes, bagages et chiens. Il s'installe dans un h�tel du village de Sotta et parade � Bonifacio o� les hommes mangent et boivent au vu et au su de tout le monde � la Caravelle dirig�e par la famille Filipeddu. Je ne vous dis pas la discr�tion. Pourtant l'op�ration men�e par tous les secteurs du FLNC est maintenue. Les �coutes laissent pourtant percer l'inqui�tude de certains militants. Qu'� cela ne tienne. D'apr�s ce que nous savons les informations sont communiqu�es aux policiers par un responsable de secteur de l'extr�me-sud sur ordre direct de Fran�ois Santoni qui lui a pr�f�r� passer la nuit � Ajaccio. L'id�e est que quatre personnes seront prises en flagrant d�lit. Elles resteront quelques semaines au trou et seront discr�tement �largies gr�ce � la compr�hension des juges anti-terroristes. Ainsi Pasqua sauve la face et tout peut reprendre. H�las les gendarmes remarquent le va-et-vient et interviennent. Les cagoul�s tirent sur eux. Fran�ois Santoni donnera dans son premier ouvrage une version qui l'arrange. Mais �a n'est pas la v�rit�. La v�rit� est que rien n'a march� comme pr�vu et qu'il a fallu apr�s g�rer une situation devenue tr�s compliqu�e.
Le groupe Castela est soup�onn� d'avoir d�j� agi le 1er juillet 1993 en plastiquant d�j� le rectorat de Nice. Le 26 avril 1994, un commando a agi � l'int�rieur du lyc�e Jean Giono � Nice, pendant les �preuves du concours d'agr�gation d'histoire. Plusieurs individus arm�s et cagoul�s se disant du FLNC avaient fait �vacuer la salle, lanc� des fumig�nes, �crit " FLNC " sur les murs et vol� des copies.
Mais j'en reviens � l'attentat de la rue Curial. Castela aurait donc �t� accueilli par la direction bastiaise du FLNC. La p�riode est sombre pour Fran�ois Santoni dont nous apprenons qu'il a �t� arr�t� le 23 septembre 1994 par des gendarmes qui l'ont trouv� en train de tirer sur des bo�tes de conserve avec un 357 MAGNUM dont le num�ro est lim� et avec six cartouches percut�es. Pour toute r�ponse, il montre aux gendarmes une carte de visite tricolore au nom de Daniel Leandri. Il est tout de m�me mis en examen malgr� les menaces qu'il prof�re jusque dans le cabinet du juge d'instruction.
L'accord avec Charles Pasqua
Le 14 novembre, sans se cacher, Santoni libre remet � Charles Pasqua une lettre du FLNC qui annonce une tr�ve partielle des attentats sur le territoire m�tropolitain. Une discussion serr�e a lieu entre Marie-H�l�ne Mattei, la compagne de Fran�ois Santoni mais aussi une responsable du FLNC (la seule femme que nous connaissions) avec le pr�fet Bisch sur le statut � offrir � la Corse. Nous savons aussi que Charles Pasqua a donn� l'ordre d'accepter n'importe quoi. Cela donnera la demande de statut de territoire d'outre mer qui devient la panac�e nationaliste. Voici le texte final rendu public par le FLNC.
" Apr�s d�bat au sein de notre organisation ayant abouti � la communication du 14 novembre 1994, l'ensemble de nos militants a souhait�, en l'absence de toute n�gociation, s'adresser directement � l'�tat fran�ais, afin de pr�ciser l'adaptation de nos actions pour permettre la mise en place par le gouvernement, dans un d�lai raisonnable, d'une solution politique au probl�me corse.
En ce qui concerne nos actions militaires, nous avons pris les d�cisions suivantes
- suspension totale sur le territoire national fran�ais.
- en Corse, suspension des actions visant les fonctionnaires et les ressortissants fran�ais r�sidant sur notre territoire national.
Nous restons actifs, en cas de n�cessit�, en particulier contre la sp�culation immobili�re et le trafic de drogue.
Nous pensons sinc�rement participer ainsi � la mise en place des conditions requises pour l'�laboration d'une solution politique s'inscrivant dans le cadre d'un projet de loi bas� sur l'article 74.
Ce processus peut s'�chelonner sur 3 temps.
Tout d'abord, en ce qui concerne le sort de nos prisonniers, et d'ici la fin de l'ann�e se manifestaient les pr�mices d'une d�marche irr�versible, nous serions amen�s � l'interpr�ter comme un signe politique.
En second, ce n'est que par un engagement ou une d�claration politique soulignant son int�r�t pour une avanc�e Institutionnelle que le ministre de l'int�rieur pourra signifier � l'opinion corse sa r�elle volont� de changement et ce si possible avant que ne commence la campagne pr�sidentielle.
Enfin, d�s le d�but 1995 pourront s'amorcer les discussions techniques � travers des interlocuteurs que nous d�signeront, sur le contenu global de ce projet de loi.
Fronte di Liberazione Naziunale di a Corsica "
Autant vous dire que certains d'entre nous r�agissent mal � cette attitude de Charles Pasqua qui accepte de discuter avec une poign�e de cagoul�s. Mais il y a mis une condition : la d�monstration par le FLNC Canal historique qu'il tient la situation en main. Fran�ois Santoni l'a devanc� en tentant de faire assassiner Pierre Poggioli le 18 juillet 1994. On apprend tr�s rapidement qu'il l'a fait par ressentiment personnel et qu'il a utilis� une partie du secteur de Carg�se Sagone, le plus dur du sud. D'ailleurs Alain Ferrandi et Pierre Alessandri (futurs membres du commando Erignac) ont �t� interpell�s � ce sujet en octobre 1994 apr�s une d�nonciation anonyme. Il est dirig� par Yvan Colonna qui exige de donner son aval � toute op�ration. Fran�ois Santoni, aussi puissant soit-il, n'a pas les moyens de donner un ordre � un chef d'un autre secteur. Il a donc fallu qu'Yvan Colonna soit d'accord pour faire ex�cuter Poggioli. Mais il ne s'agit pas d'une demande du minist�re de l'int�rieur. Santoni ne peut tout simplement pas sentir Poggioli.
C'est � cette �poque qu'Alain Orsoni commence � faire courir des bruits sur la relation entre Fran�ois Santoni et Jean-J� Colonna celui que l'on accuse d'�tre le parrain du sud. Nous faisons aussit�t remonter les informations car Alain Orsoni se sert de Lib�ration comme relais de communication. Il est exact que l'entourage de Jean-J� Colonna est en conflit direct avec les hommes d'Orsoni pour ce qui concerne les machines � sous et le casino d'Ajaccio. Mais il s'agit d'un conflit d'int�r�t. Nous avons beau chercher dans les relations de Colonna et dans les filatures dont lui et ses proches sont l'objet : il n'y a pas grand-chose. Tr�s franchement, je doute de cette alliance. Mais en Corse on aime bien trouver des complots. En tous les cas le 10 novembre 1994 , le FLNC Canal habituel renforc� par Resistanza organise deux conf�rences de presse simultan�es et lance une mise en garde au milieu local. L'une d'entre elle a lieu � Pila Canale le village m�me de Jean-J� Colonna. Cet acte stupide a �t� le d�but de la fin pour la bande d'Alain Orsoni qui ne pouvait lutter � armes �gales contre un milieu omnipr�sent et surtout parfaitement int�gr� � la population locale. Le 28 juillet un attentat avait frapp� le casino d'Ajaccio. Tout cela ressemblait � une d�claration de guerre en bonne et due forme. En tous les cas, le 16 f�vrier 1995, Jean-Pierre Leca le bras droit d'Alain Orsoni, mais aussi le patron des machines � sous d'Ajaccio sera tu� d'une balle dans la t�te. Le docteur Lafay �tait d'une certaine mani�re veng�.
Le 10 d�cembre1994 , Fran�ois Santoni est condamn� � six mois de prison ferme pour port et d�tention d'arme mais il n'est pas incarc�r�.
L'assassinat de Jean-Fran�ois Filippi et le d�but de la guerre
Le 26 d�cembre 1994 : Jean-Fran�ois Filippi, maire de Luciana et pr�sident du Sporting Club de Bastia, est abattu alors qu'il quitte son domicile pour se rendre � Paris. Il �tait accus� d'avoir couvert la construction de la tribune du stade de Furiani qui s'est effondr� en mai 1992 provoquant de nombreux morts. Il est un petit parent de Jean-Martin Verdi et il est accus� de servir de vache � lait du FLNC Canal historique. Il est abattu pour un ensemble de raisons. Mais l'une d'entre elle est qu'il est accus� d'�tre le relais avec le FLNC Canal historique. Le 28 d�cembre, jour des obs�ques de Filippi, Franck Muzy, ancien militant cuncoltiste mais membre du comit� Sozzi est abattu vraisemblablement par des membres du FLNC Canal historique du nord et plus vraisemblablement par les m�mes personnes qui ont abattu Sozzi. La guerre entre nationalistes vient de commencer. Elle fera pr�s de vingt morts parmi les militants.
Un grand nombre de nationalistes en voudront � leur direction de cette faillite. Le commando Erignac en fait partie. Tout ce que je viens de d�crire forme les pr�mices de l'assassinat du pr�fet Erignac. Jean Castela est entr� en conflit avec la direction nationaliste.
Jean Castela est fid�le � Charles Pieri mais critique ouvertement la ligne du FLNC Canal historique. Il a failli tout envoyer pa�tre apr�s l'affaire de la rue Curial. Il est l'auteur d'un texte que le pr�fet Bonnet cite dans son ouvrage " Pr�fet en Corse ". Il d�teste Fran�ois Santoni en qui il voit le corrupteur. Il a pouss� Pieri � ne pas c�der aux sir�nes de Pasqua � partir de la fin 1993.
Les assassinats de militants le rendent presque fou. Il en oublie toute prudence. Il tourne en Corse cherchant des appuis dans le petit monde nationaliste afin de radicaliser la lutte. Le pr�fet Bonnet donnera dans son premier livre le contenu d'un texte attribu� par la rumeur nationaliste � Jean Castela :
" Avec cynisme, le pr�fet de police a d�clar� que bient�t le combat s'arr�tera faute de combattants (quinze militants de tous bords furent assassin�s en Corse en 1995 et 1996). Eh bien non, le combat s'arr�tera faute de cibles, car depuis quelque temps, les hauts fonctionnaires et responsables de l'�tat en Corse sont discr�tement surveill�s afin de pouvoir �tre abattus le moment venu. En Corse, on dit que le sang lave le sang et le sang corse ne sera pas le seul � couler. En misant sur l'affrontement entre les fractions nationalistes, l'�tat fait le plus mauvais calcul qui soit; pire, il se discr�dite � jamais et attire la haine contre lui. Car, en Corse, tout se sait, rien ne s'oublie et tout finit par se payer cher.Tr�s cher.
Ce texte aurait �t� �crit fin 1995 et tout est l�. Il est tout � fait cr�dible et donne le ton de l'amertume des militants les plus sinc�res qui croient de plus en plus au complot des " services secrets " contre " le mouvement ".
Lorsqu'en juillet 1996, son ami Charles Pieri est gri�vement bless� dans un attentat � la voiture pi�g�e sur le vieux port de Bastia, il reprend sa libert� et se met en qu�te de soutiens affirm�s.
3 - Le commando en pr�paration
Jean Castela sera un des premiers � �tre surveill� puisqu'au mois de juin 1998 nous entendons parler tr�s pr�cis�ment de lui. Le renseignement vient des nationalistes eux-m�mes. Mais le nom est orthographi� " Castola ". Plus tard nous en tirerons la conclusion que le renseignement parvenu � la DNAT venait du Sud. Jean Castela �tait connu dans tout le nord. Il ne peut s'agir d'une faute de prononciation puisque m�me prononc� � la Corse " Castela " ne ressemble pas du tout � " Castola ". Il ne faut pas oublier que les documents �crits ne sont pas sign�s et que la m�moire des noms dans la clandestinit� est essentiellement auditive. Rapidement l'erreur sera corrig�e et Roger Mario sera le premier � disposer d'�l�ments sur Castela mais aussi sur Andreuzzi et Antolini.
Alain Ferrandi un vrai militant d�cid� et convaincu
L'autre chef du commando est Alain Ferrandi. C'est un homme de 39 ans. Il est n� � Bastia. Son p�re est militaire et habite dans les environs de Sainte-Lucie de Porto Vecchio. Il a termin� sa scolarit� secondaire en 1979 et a rejoint l'universit� de Montpellier puis celle de Marseille. Je le qualifierai de vrai militant. Il a des id�es tr�s � gauche tout comme Yvan Colonna, Istria ou Castela d'ailleurs. C'est cela qui caract�rise tous ces hommes : un engagement qui les diff�rencie de la plupart des autres adh�rents du nationalisme. Ils y croient jusqu'� pouvoir sacrifier leur vie. Ferrandi est g�rant du garage Hertz de l'a�roport de Campo dell'Oro, � Ajaccio. La soci�t� Hertz qui est d�tenue par la famille Filippi (celle dont le chef de famille s'est fait tuer d'une balle dans la t�te � la veille du proc�s de la catastrophe de Furiani). Longtemps les voitures conduites par les militants du FLNC Canal historique venaient de la soci�t� Hertz. N'oubliez pas que la famille Filippi est apparent�e � celle de Jean-Martin Verdi le pr�sum� responsable du FLNC sur la bande c�ti�re orientale.
Ferrandi se serait retir� du FLNC apr�s l'assassinat de Robert Sozzi, en raison, selon un de ses proches, "de la d�rive fratricide" du monde nationaliste. Nous n'y croyons pas. Nous croyons qu'il est redevenu op�rationnel � un moment donn�. En 1988, il s'est lanc� dans l'agriculture avec Joseph Santoni, un militant nationaliste. Ils ont une propri�t� � Sagone sur la route de Carg�se. C'est l� qu'il a connu Yvan Colonna et appartenu au m�me secteur du FLNC que lui. Il a appartenu au Syndicat corse de l'Agriculture dans les ann�es 90. Il a �t� longtemps tr�s li� � Matthieu Filidori, � Marcel Lorenzoni et � tous les agriculteurs nationalistes. Il est entr� en conflit avec le pr�sident de la Chambre d'Agriculture Lucien Tirroloni en 1990. Le 19 d�cembre 1990, ce dernier �tait abattu par deux hommes en moto � la sortie d'un sapin de No�l pour enfant. Les enqu�teurs y ont vu un lien de cause � effet. Je vous rappelle que les hommes du FLNC du secteur Cargese-Sagone sont soup�onn�s d'avoir �t� les tueurs dans bien des affaires rest�es myst�rieuses. Il a particip� tr�s activement en janvier 1991 � l'enl�vement et la s�questration du commissaire au d�veloppement de la Corse, Aur�lien Garcia. Pour humilier le gouvernement, les nationalistes l'avaient alors saucissonn� avant de le d�poser sur le tapis d'enregistrement des bagages de l'a�roport d'Ajaccio avec un �criteau " Un colis pour monsieur Ch�r�que ".
� l'�poque l'ancien patron de la CFDT, Jacques Ch�r�que, �tait ministre de l'Am�nagement du territoire. Ferrandi avait �t� condamn� � trois mois de prison avec sursis et le parquet avait re�u l'ordre de la Chancellerie de ne pas faire appel. Puis Ferrandi avait quit� son exploitation en 1992 apr�s un tr�s s�rieux diff�rent avec Joseph Santoni et obtenu son poste chez Filcar-Hertz en novembre 1992. Je fais une petite digression pour dire ici combien la surveillance des a�roports est strat�gique dans une �le. Vous savez qui part et qui arrive et quand. Santoni par exemple avait des yeux � Campo dell'Oro et Pieri en a � Bastia-Poretta. Lorsque Filippi avait �t� abattu, les hommes du FLNC Canal historique avaient accus� la femme de Muzy qui travaillait � l'a�roport d'avoir renseign� les assassins de Filippi sur l'heure de son d�part. Assertion fausse je m'empresse de le dire et qui a cout� la vie � Franck Muzy. Ferrandi, longtemps pr�sent� comme l'un des responsables du FLNC dans la r�gion Sagone-Carg�se avait pris ses distances si l'on en croit un rapport de la Direction g�n�rale des Renseignements g�n�raux d'ailleurs en partie publi� par le pr�fet Bonnet qui affirmait en janvier 1999 : " L'activit� publique d'Alain Ferrandi est aujourd'hui totalement �teinte. Il semble vivre une vie rang�e et r�guli�re avec sa femme Jeanne et son enfant. " Plus loin, les policiers pr�cisaient " Dans son environnement amical on retrouve plusieurs militants nationalistes tels que Pierre Alessandri, Matthieu Ceccaldi, St�phane et Yvan Colonna, Joseph Versini ".
En d'autres termes et � une exception pr�s le commando qui allait assassiner le pr�fet Erignac. Alain Ferrandi avait �t� interpell� dans le cadre de l'enqu�te relative � la tentative d'assassinat de Pierre Poggioli. Il avait �t� condamn� � une interdiction de d�tenir des armes pendant deux ans. Derni�re pr�cision utile : Jean Castela avait aid� la ni�ce d'Alain Ferrandi � passer son CAPES. Enfin Ferrandi sera soup�onn� d'avoir �t� militant d'un groupe clandestin " passerelle " Fronte Ribellu qui, dans le nord servait � certains militants du FLNC Canal historique � exprimer leur ressentiment contre leur direction en plastiquant certaines cibles sans l'aval de la direction du FLNC. Voil� pourquoi les auteurs du second communiqu� de Sampieru �voquaient ce sigle qui avait longtemps servi au groupe Castela.
Yvan Colonna un homme frustre et renferm�
Sur Yvan Colonna tout ou presque a �t� dit. Je dois ajouter quelques points tout de m�me. Son action en tant que dirigeant du FLNC Canal historique dans la r�gion de Carg�se ajout�e � celle de son beau-fr�re Joseph Caviglioli, a �t� particuli�rement impitoyable. Nous avons longtemps �tudi� son profil d�s l'instant o� nous avons su qu'il �tait responsable de ce crime. Je vous passe les interpr�tations faciles sur la r�volte contre le p�re. Pourquoi ne pas accepter l'homme tel qu'il est : renferm�, un rien frustre, d�cid� et convaincu. Mais il faudra aussi qu'il assume ce profil en acceptant un jour sa condamnation. Nous savons par ailleurs que les hommes de son secteur (nous n'avons pas les preuves le concernant) ont beaucoup tu� notamment au moment de la soi disant guerre contre les dealers. Bref c'�tait un personnage peu sympathique. Lorque nous avons mis des psychologues sur le coup, tous ont dit la m�me chose : Yvan Colonna (s'il est bien prouv� que c'est lui) est un �tre sombre. Il est en train de se s�parer de sa femme. Sa s�ur qu'il adore a beaucoup souffert de sa relation difficile avec Joseph Caviglioli. Il est meurtri par la guerre entre nationalistes. Il en veut � la terre enti�re. Lorsqu'il s'exprime � la t�l�vision la veille de sa cavale, il tr�buche sur les mots et s'exprime mal. Nous avons cherch� � comprendre ce qui lui est pass� par la t�te lorsqu'il a tir�. Nous pensons qu'il aurait pu ne pas tirer et que le plan d'assassinat aurait tout aussi bien pu �chouer � jamais. Les militants nationalistes ne sont pas des coureurs de fond comme les Basques, les Irlandais ou m�me les Islamistes. Ils sont profond�ment individualistes et agissent sur des coups de t�te. Yvan Colonna a agi parce qu'il y avait Ferrandi et Castela. C'est au moins mon point de vue. .
Pierre Alessandri. C'est un ami d'enfance de Ferrandi. Il a �t� membre de l'ex�cutif de la Cuncolta de 1990 � 1992 juste apr�s la scission avec le MPA. Il est charg� des probl�mes d'environnement. Il essaye de motiver ses camarades sur les questions d'�cologie. Mais il �choue. En 1995, �c�ur� par la guerre entre nationalistes il se retire et se consacre enti�rement � son entreprise et au militantisme local. Il est d�crit comme "tr�s intelligent" par la police. Il a mont� une petite affaire d'extraits d'essences des plantes du maquis dans les environs de Carg�se. Tout comme Ferrandi, Colonna ou Versini, c'est un gros travailleur. Il est int�gr� dans un tissu social. Il n'a donc pas agi par marginalit� au sens classique du terme. Mais lui aussi est un marginal dans le monde de la clandestinit� corse.
Didier Maranelli. Comptable de l'h�tel du Grand Bleu, � la sortie de Carg�se. Cet h�tel a �t� rackett� par la bande des deux FLN de Carg�se. Il a �t� rachet� par un organisme touristique continental qui verse des valises de billet au FLNC. Maranelli est le plus fragile du groupe. C'est lui qui craquera.
Marcel Istria. Ancien de la Cuncolta et du Parti communiste, il se tenait � l'�cart de la Cuncolta. Il a connu Ferrandi chez Hertz o� il travaille comme veilleur de nuit. Il a la r�putation d'�tre un esprit pervers.
Joseph Versini, dit Jo. Transf�r� � Paris avec son �pouse, il �tait candidat sur la liste Unitti aux derni�res �lections. �leveur de porcs, il �tait assez peu connu de la police, qui le soup�onne cependant d'avoir jou� un r�le au FLNC-Canal historique. Les Renseignements g�n�raux l'ont pi�g� lors d'un abattage de porcs durant lequel en d�but 1999 tous les membres du commando �taient r�unis.
La col�re de Fran�ois Santoni
Tel est le commando tel qu'on le d�couvrira apr�s que Maranelli ait commenc� � parler. Mais le 7 f�vrier 1998, personne ne les conna�t. Pourtant les ordres sont tomb�s de l'�lys�e. Il faut absolument retrouver les assassins. Le pr�sident de la R�publique en personne ne cesse de t�l�phoner aux responsables de l'enqu�te. Il y a d'abord eu ce cafouillage lamentable des deux malheureux maghr�bins arr�t�s, puis la constatation que tout avait �t� nettoy� sur le lieu de l'assassinat. On avait l'impression que la machine s'affolait. C'est ce qui explique que Marion ait fonc� sur la premi�re piste cr�dible. Lui �tait persuad� que seul Lorenzoni avait la carrure n�cessaire pour faire ce coup. D'autant que Pieri avait fait savoir imm�diatement qu'il n'�tait pour rien dans l'affaire. D�s le lendemain il d�signait " une d�rive brigadiste".
Et pour cause il �tait au courant de ce qui s'�tait pass� puisqu'il est fortement soup�onn� d'avoir �crit le second communiqu� de Sampieru avec sa nouvelle ma�tresse, Marie-H�l�ne Mattei, l'ancienne compagne de Fran�ois Santoni. Santoni demande aussit�t depuis sa prison � ce qu'on se renseigne. Il est fou furieux. Il aurait d� �tre mis en libert� quelques jours plus tard. L'assassinat du pr�fet Erignac va �videmment remettre en cause cette d�cision. Le 25 janvier 1998 le FLNC avait rompu la tr�ve ce qui est interpr�table de deux mani�res : la premi�re est une pression sur le gouvernement pour la lib�ration de Fran�ois Santoni. La deuxi�me est celle d'une tra�trise faite par le secteur nord alors dirigeant sur le FLNC. Nous avons pens� � la premi�re solution car les hommes de Santoni ne se sont pas oppos�s alors � la rupture de la tr�ve. L'assassinat du pr�fet est donc une catastrophe pour Santoni. Il le dira plus tard en mai 1998 (num�ro 384) dans un article �crit dans le Ribombu l'hebdomadaire de la Cuncolta, la vitrine l�gale du FLNC Canal historique.
Analyse de l'assassinat d'un pr�fet
Les signes d'une manipulation
par Fran�ois Santoni
La situation cr��e par assassinat du Pr�fet Erignac est r�v�latrice d'une manipulation de l'opinion insulaire et fran�aise. En effet, les auteurs de cet assassinat ne pouvaient ignorer les donn�es essentielles de cet acte, � savoir qu'il devait toucher un homme qui n'�tait pas un homme politique, mais qui faisait partie d'un corps.
Le corps pr�fectoral est l'ossature de la r�publique fran�aise, sur l'ensemble du territoire, et quelle que soit la sensibilit� ou les opinions de ceux qui le composent, il est en quelque sorte un contre-pouvoir au pouvoir politique d�tenu par les ministres de tutelle, qui eux, sont issus des appareils politiques qui se succ�dent � la t�te de l'Etat.
Le corps pr�fectoral incarne la permanence de l'Etat.
L'assassinat d'un pr�fet n'a donc pour r�sultat, largement pr�visible, que la radicalisation de la r�publique, sa crispation sur des principes typiquement fran�ais, et souvent obsol�tes au regard de l'imp�rative adaptation des structures administratives de la France aux r�gles europ�ennes. La R�publique donc, s'est sentie agress�e, menac�e dans ses fondements essentiels, et c'est elle qui s'est empar�e du "dossier corse" et qui se refuse d�sormais � tout r�glement politique.
C'est la r�publique qui a de fait, pris le pas sur la capacit� d�cisionnelle des gouvernants, quelles que soient leurs orientations politiques. Cet acte r�v�le une manipulation qui ressemble �trangement � ce qui avait �t� tent� � l'occasion de la mise en place du statut Joxe. Ce statut, vot� en 1991, n'�tait pas en soi compl�tement n�gatif, puisqu'il comportait, pour la premi�re fois, une approche politique du probl�me corse.
Mais il a �t� rapidement d�voy� de son objectif, puisque r�duit � un simple marchandage avec quelques dirigeants nationalistes pr�tendument repr�sentatifs et l'actuel pr�sident de l'Assembl�e Territoriale, Jos� Rossi qui bien qu'appartenant � l'U.D.F., sera le rapporteur de la Loi Joxe � l'Assembl�e Nationale, et son plus ardent d�fenseur.
Ce qui aurait d� �tre le fruit d'une large n�gociation devenait, au terme de tractations occultes, un simple outil politicien, destin�, en r�duisant le corps �lectoral corse, � balayer les vieux caciques du clan � donner � la Corse une nouvelle �quipe dirigeante, rajeunie, ayant en apparence un discours novateur, pompeusement qualifi� de "progressiste".
Pour atteindre cet objectif, il �tait imp�ratif que les nationalistes abandonnent leurs revendications essentielles, en �change de quelques miettes du pouvoir r�gional, au b�n�fice exclusif des "n�gociateurs".
Ce volet des tractations avec le cabinet Joxe a �t� l'�l�ment le plus d�terminant ayant provoqu� la scission intervenue au sein du Mouvement National peu avant le vote de la Loi Joxe, et il a consacr� l'erreur du ministre de l'int�rieur qui avait cru que quelques personnes suffisaient � garantir l'adh�sion de tout un mouvement, tenu � l'�cart de toutes les discussions.
Pourtant il n'�tait pas difficile d'envisager l'�chec d'une telle d�marche, dans un pays rompu � toutes les intrigues politiques, et dont les citoyens ne se d�terminent pas uniquement en fonction des consignes pr�n�es par les leaders politiques. Le R.P.R. en a fait la cruelle exp�rience lors des derni�res territoriales.
Le triomphe de Corsica Nazione en 1992, et le retrait forc� de Jos� Rossi dont le score ne lui permettait plus de briguer un quelconque poste � responsabilit� au sein de la nouvelle assembl�e, mit un terme provisoire � la strat�gie savamment �labor�e dans les couloirs du Minist�re de l'Int�rieur.
Aujourd'hui, on assiste � une r�surgence de cette m�me volont� de r�duire � la fois la classe politique d�tenant le pouvoir en corse, et le Mouvement National.
L'assassinat du Pr�fet Erignac a permis, par la mise en �uvre de moyens policiers et administratifs exorbitants, la mise au ban d'un nombre grandissant d'hommes politiques qui, s'ils ne sont pas exempts de reproches, deviennent les boucs �missaires d'une situation dont ils ne sauraient �tre tenus pour seuls responsables.
Et l'on assiste � la r�surrection d'un discours �tonnamment moraliste des ren�gats du nationalisme, � des rapprochements curieux entre nationalistes dits "d�mocratiques" et progressistes de tous bords, dans une n�buleuse qui tentera, � plus ou moins long terme de se poser comme la seule alternative au chaos et aux drames. � ce moment-l� le Peuple corse comprendra et sera en mesure de r�pondre � la question qui depuis le 6 F�vrier 1998 est dans tous les esprits: "A qui profite le crime ?"
Ceux qui ont assassin� le pr�fet Erignac ont parfaitement int�gr� les cons�quences qu'emporterait cet acte, et notamment la r�action de la R�publique fran�aise, et de son Etat centralisateur, sur fond de m�connaissance quasi-totale des m�canismes de la soci�t� corse.
Ils ont peut-�tre oubli� que toutes les strat�gies obscures, fond�es sur le machiav�lisme politique ont �chou� en Corse et que nous sommes l� pour veiller attentivement � ce que notre combat et les sacrifices de nos militants ne soient pas d�tourn�s aux seules fins de satisfaire les app�tits d'une nouvelle classe politique press�e de remplacer dans les fauteuils confortables de l'Assembl�e leurs actuels occupants, et ce, au d�triment d'un v�ritable r�glement politique de la question corse. Fran�ois Santoni
4 - Apr�s l'assassinat du pr�fet
La r�action de Fran�ois Santoni est symptomatique des r�flexes des dirigeants du mouvement nationaliste corse. Fran�ois Santoni d�fend avant tout sa propre situation mais il enrobe son explication dans un langage qui �pouse un discours de gauche avec des termes sp�cifiques incompr�hensibles du grand public Ce qu'on appelle la langue de bois est une habitude du militantisme politique en g�n�ral. Mais les nationalistes corses ont invent� le leur avec toujours dans la ligne de mire l'�tat qui est cens� �tre responsable de tout ce qui arrive en Corse alors que la plupart du temps ce sont les nationalistes eux-m�mes qui embrouillent la situation.
D�s les d�buts du FLNC en 1976, les textes ont d�montr� une capacit� � s'habiller d'un verbiage gauchiste pour mieux camoufler le vide b�ant de la pens�e nationaliste corse. Le petit livre vert, le texte fondateur du FLNC, avait �t� �crit par un mao�ste repenti fondateur d'un groupuscule " u partitu corsu per u socialismu " mais recup�r� par un FLNC qui se cherchait un penseur.
Or les premi�res arrestations apr�s l'assassinat du pr�fet Erignac sont justifi�es la soi disant ressemblance entre le texte de revendication des sans nom et un un texte lu en 1979 devant la Cour de S�ret� de l'Etat par Mathieu Filidori, l'un des agriculteurs alli� de Marcel Lorenzoni. (voir texte ci-joint) Par une sorte de r�flexe automatique, le texte de revendication des sans nom a donc �t� attribu� � tort � Mathieu Filidori. En fait c'est Jean-Pierre Santini qui avait �crit le texte de 1979. Il s'en est d'ailleurs beaucoup vant�. De plus ce texte de 1979 ne faisait que reprendre le contenu du premier programme du FLNC aussi appel� le Petit Livre Vert lequel ne fait que reprendre une brochure publi�e en mai 1975 soit un an avant la cr�ation du FLNC et intitul�e " Vers la Lib�ration nationale de la Corse " dans lequel apparaissent les concepts de " Lutte de Lib�ration Nationale " ou LLN et celui d'autod�termination.
Or, je le r�p�te, la pertinence de la piste agricole a �t� en grande partie fond�e sur la ressemblance du texte de revendication du groupe sans nom et ce texte de 1979.
D�s le d�but cette hypoth�se montrait ses faiblesses. L'enqu�te avait commenc� sur des rapports tr�s pr�cis des Renseignements g�n�raux sur les ind�pendantistes qui avaient quitt� la Cuncolta avec Marcel Lorenzoni. Ils poss�daient �galement des indications tr�s pointues sur l'�tat d'esprit de ceux qui restaient � l'int�rieur.
Le plus surprenant pour nous a �t� de constater que la plupart des nationalistes ignoraient totalement d'o� venait l'assassinat mais surtout se refusaient � croire que cela pouvait venir de chez eux. Le premier r�flexe a �t� de faire porter le chapeau � des agents ext�rieurs. On a �voqu� les services secrets, la mafia sicilienne, le milieu local. Marie-H�l�ne Mattei qui, � mon avis, savait � quoi s'en tenir d�s le d�but a tout m�me expliqu� que seul un �tranger pouvait ainsi abattre un homme d�sarm� dans la rue. Elle qui a cautionn� tous les assassinats de son mouvement durant des ann�es, parlait en sage.
Notre sentiment a �t� que la v�ritable clandestinit� connaissait le fin mot de l'affaire Erignac. Mais en employant ce terme je d�signe une cinquantaine de personnes au plus c'est-�-dire les v�ritables activistes de cette clandestinit� corses membres de tous les FLNC et de Resistanza. Les soldats de base du FLNC ignoraient l'origine de l'assassinat.
Les �coutes t�l�phoniques de l'�poque d�voilent que chacun y allait de son interpr�tation souvent compl�tement farfelue.
La plupart des nationalistes donnaient l'impression de redouter ce qui allait se passer et l'article de Fran�ois Santoni est r�v�lateur : ceux qui avaient commis cet assassinat ne pouvaient ignorer la r�pression qui s'abattait sur le mouvement nationaliste dans son ensemble.
Les Renseignements g�n�raux avaient sorti toutes leurs notes ; les gendarmes aussi. Ces derniers �taient renseign�s par des syndicalistes du monde paysan. M�me les policiers avaient peur surtout quand ils avaient particip� aux efforts des amis de Charles Pasqua pour pactiser avec le FLNC Canal historique. Je pense notamment � ce responsable de la Haute Corse qui avait souvent rencontr� des dirigeants du FLNC et qui tout d'un coup se faisait tr�s humble. L'Etat avait �t� bless� et allait donc frapper tr�s fort.
Les forces de police et de gendarmerie avaient tout naturellement commenc� par cibler ceux qui s'�taient ouvertement oppos�s au pr�fet Erignac. Et on les trouvait dans les rangs des agriculteurs. Et comme beaucoup se retrouvaient dans le Collectif pour la Nation de Marcel Lorenzoni, tous ont �t� mis sur �coute. C'�tait bien la moindre des choses. Je vous rappelle que tout le monde �tait persuad� que le complot partait de l�. Lorenzoni a �t� arr�t� parce qu'on a trouv� des explosifs chez lui. Puis les filets utilis�s ont �t� de plus en plus vastes en esp�rant que l'une des prises allait se mettre � chanter. De telles m�thodes sont vraies de partout dans le monde. J''ai lu que la Ligue des Droits de l'homme avait d�nonc� ces arrestations. Je veux d'abord souligner que contrairement � ce qui a �t� �crit et dit, il n'y a jamais eu de brutalit�s, quelques bousculades tout au plus. Les nationalistes et leurs chantres ont aussit�t hurl� aux dragonnades ce qui ne manque pas de piquant de la part de gens qui ont applaudi des meurtres et des plasticages. � les entendre, il aurait presque fallu les d�corer de leurs exactions et leur demander l'autorisation de venir les interroger.
Soyons s�rieux : il est normal que dans une d�mocratie, apr�s l'assassinat du repr�sentant de l'�tat, on proc�de � une enqu�te sans complaisance et � des arrestations en nombre. Il y a n�anmoins un crit�re incontournable et il est hautement politique : la d�termination de l'instant o� ces arrestations deviennent impopulaires au point de se transformer en un obstacle pour l'enqu�te qu'elles sont cens�es servir. Et l� je dois avouer que les policiers, notamment ceux de la DNAT, ont fait preuve d'une m�connaissance totale de la mentalit� corse. Peu sensibles � la fine communication, ils ont fini par exasp�rer les Corses dans leur ensemble. Ceux-ci attendaient sinc�rement des r�sultats qui tardaient � venir. Ils ont au contraire assist� � une attaque en r�gle contre tous ces petits passe-droits qui am�lioraient leur quotidien. Ils ont vu les services de l'�tat se livrer � une guerre d�sastreuse. Et ils ont commenc� � changer de bord. Les �lus en ont aussit�t profit� pour s'appuyer sur ce m�contentement pour se d�douaner. Je ne suis pas certain que la soci�t� corse y ait gagn�. Mais l'�tat fran�ais y a beaucoup perdu.
L'enqu�te s'est alors enlis�e. La premi�re �voqu�e n'a pas �t� la piste agricole mais la piste mafieuse.
Notre groupe a aussit�t fait savoir ce qu'il pensait de cette hypoth�se hautement fantaisiste. Des informations remontaient depuis l'entourage de Jean-J�r�me Colonna pour protester de leur innocence. Il �tait �vident que le milieu n'y �tait pour rien. Il a surtout besoin de calme pour faire des affaires et le moins qu'on puisse dire est que l'assassinat d'un pr�fet g�n�rait beaucoup de turbulences.
On pouvait en dire autant de la direction du FLNC. Le d�tail des accords de Tralonca d�montrait qu'un probl�me s�rieux se posait au sein m�me de la clandestinit� : les vieux militants craignaient qu'une vague de jeunes ne les d�tr�ne. Les deux camps, mais essentiellement celui du FLNC Canal historique, avaient recrut� � tort et � travers des jeunes des milieux d�favoris�s souvent apolitiques mais extr�mement violents. Ils �taient encore en admiration devant les vieux chefs mais combien de temps cela allait-il durer ? Les plus �g�s des militants avaient aussi envie de respectabilit� et de s�ret� financi�res. Si je vous disais que l'un des points essentiels des accords de Tralonca a �t� de trouver des postes de fonctionnaires � tous ces plastiqueurs. Cette compromission �tait dramatique pour l'�tat fran�ais mais plus encore pour ce nationalisme qui pr�tendait aller vers l'ind�pendance. Le plus d�stabilisant pour les chefs nationalistes �tait la pouss�e vers l'ind�pendantisme activ�e par Lorenzoni. La scission de ce dernier et de ses amis avait r�veill� les envies s�paratistes de bien des militants nationalistes.
C'est en mai 1998, soit trois mois apr�s l'assassinat du pr�fet Erignac, que la Cuncolta naziunalista d�cidait de changer de nom et de devenir a Cuncolta indipendentista. En revendiquant haut et fort son ind�pendantisme, ce mouvement se fabriquait une nouvelle raison d'exister. Une note tout � fait savoureuse des Renseignements g�n�raux d�crit cette assembl�e g�n�rale comme assez creuse. Et soudain Marie-H�l�ne Mattei qui �tait d�j� � l'origine de la demande du statut de territoire d'outre-mer pour la Corse, se serait lev�e et aurait propos� l'ind�pendantisme pour banni�re. La proposition avait �t� aussit�t vot�e � main lev�e. C'�tait une mani�re comme une autre d'emp�cher une h�morragie de militants en direction du Parti pour l'Ind�pendance des amis de Marcel Lorenzoni.
D�but septembre, Fran�ois Santoni, rejoint quinze jours plus tard par Jean-Michel Rossi, d�missionnait de la Cuncolta et le faisait savoir pr�textant son refus de l'ind�pendance. Il avait appris son infortune conjugale puisque Marie-H�l�ne Mattei convolait avec Charles Pieri que d�testait Fran�ois Santoni. Sans faire de mauvaise psychanalyse, il faut tout de m�me un peu entrer dans l'esprit des individus dans cette �le o� rien n'est jamais stable. Fran�ois Santoni aurait �t� selon ses proches un �tre intelligent mais terriblement envieux et totalement d�pourvu de scrupules. Nous avons une masse de t�moignages de personnes qui le d�crivent terriblement manipulateurs, cyniques et pour tout dire d�sesp�r�. Tous ces dirigeants nationalistes pr�tendaient travailler au nom d'un peuple corse qu'en d�finitive ils m�prisaient souverainement. Leur peuple corse n'existait qu'en r�ve alors que les Corses ; les vrais ceux de chair et de sang, votaient � 90% contre leurs id�es et rejetaient plus ou moins clairement leur violence. Fran�ois Santoni et Jean-Michel Rossi cherchaient aussi une mani�re de continuer � exister politiquement. Et cela ne pouvait �tre qu'en s'opposant � la ligne de la direction du FLNC. Ils savaient par ailleurs qu'en Corse la ligne de partage passe d'abord par les individus, les r�gions et non pas par des diff�rences de politique.
Le nom des v�ritables assassins du pr�fet Erignac n'a commenc� � r�ellement circuler que bien plus tard, beaucoup plus tard. Et ce n'est qu'apr�s l'arrestation du commando et la fuite d'Yvan Colonna que des bombages nous ont �t� signal�s qui glorifiaient leur action. Le succ�s �lectoral de Corsica nazione (ou le pr�tendu tel car Corsica nazione n'a pas eu plus de 7% du corps �lectoral ce qui n'est tout de m�me pas une grande victoire) a �t� essentiellement d� � l'exasp�ration de la population qui ne comprenait pas les contr�les incessants, les amendes � payer, les arrestations qui se multipliaient . Dans un pareil contexte, la guerre des polices, qui est devenue une bataille rang�e � partir de septembre 1998, a �t� catastrophique pour l'enqu�te. Le 3 septembre 1998, le ministre de l'int�rieur est tomb� dans le coma. Il usait depuis un certain temps d'antid�presseurs qui ont mal r�agi au curare utilis� par l'anesth�siste. Or Jean-Pierre Chev�nement �tait la seule personne qui emp�chait l'enqu�te de partir dans tous les sens. Est-ce un hasard si la DNAT a balanc� le nom de l'informateur du pr�fet Bonnet � partir de cette fin d'�t� ? Tous les coups ont alors �t� permis. En d�finitive il aura fallu la catastrophe des paillotes pour que la justice anti-terroriste s'int�resse enfin aux v�ritables coupables. Mais que de d�g�ts caus�s � la cr�dibilit� de l'�tat. Et ces accusations lanc�es par le commissaire Dragacci contre le p�re d'Yvan Colonna puis par Roger Marion contre D�metrius Dragacci�
Quel g�chis ! Pourtant la v�rit� est toute simple dans cette histoire mais la presse n'a fait pas son travail. Le pr�fet Bonnet avait nou� une relation tr�s curieuse avec Jacques Follorou, le journaliste du Monde au point qu'il lui a confi� des documents et des secrets qui n'auraient jamais du d�passer le seuil de son bureau. Follorou en a malheureusement fait �tat et une grande part de l'�chec de la v�ritable enqu�te lui incombe. En m�me temps il est difficile de lui reprocher d'avoir divulgu� ce qu'il savait. Dans un pays anglo-saxon, il aurait �t� f�licit�. Le pr�fet Bonnet �tait � bl�mer. Yvan Colonna a ainsi appris qu'il �tait accus� d'�tre l'assassin du pr�fet Erignac.
Tous les membres du commando se savaient surveill�s mais donnaient l'impression de s'en moquer. Ferrandi avait m�me trouv� une balise sous son v�hicule et l'avait exhib� en riant. � vrai dire personne n'avait besoin de pr�venir Yvan Colonna ni son p�re ni le commissaire Dragacci qui d�testait d'ailleurs la famille Colonna d�tail qui rend l'accusation de Roger Marion absurde. Il est exact que Jean-Hugues Colonna connaissait Vigouroux. Mais il faut �tre ignorant des affaires de l'�tat pour croire qu'un haut fonctionnaire sacrifierait sa carri�re par amiti�. Tous les fonctionnaires du plus petit au plus grand savaient l'importance que les plus hautes sph�res accordaient � l'arrestation des assassins du pr�fet. Et pour conna�tre Vigouroux, je puis vous assurer qu'il n'aurait jamais pris le risque d'appeler Colonna pour l'avertir.
Enfin et c'est facilement v�rifiable, Yvan Colonna avait �t� pr�venu par la lecture du Monde. La seule erreur et elle est monumentale a �t� de ne pas mettre la maison d'Yvan Colonna sous surveillance pour la nuit. Et cette faute incombe au seul Roger Marion qui a volontairement refus� l'aide des policiers du SRPJ d'Ajaccio et des Renseignements g�n�raux.
Au bout du compte, l'assassinat du pr�fet Erignac n'a absolument pas servi la cause qu'elle pr�tendait servir : le nationalisme corse. C'est terrible mais ce crime odieux n'a strictement rien chang� � la situation en Corse. La direction du FLNC n'a pas boug� d'un iota si ce n'est l'�limination physique de Fran�ois Santoni et de Jean-Michel Rossi. Mais permettez-moi d'�tre � mon tour un peu cynique. Ces deux personnes connaissaient parfaitement le syst�me FLNC pour en avoir �t� les responsables. Ils savaient que tous les chefs qui quittaient ce mouvement devaient abdiquer tout espoir de responsabilit� sauf � risquer leur vie. Alain Orsoni avait quitt� l'�le, Pierre Poggioli avait failli mourir, Jean Biancucci avait abandonn� toute ambition politique etc. Ils en sont morts et c'est malheureux pour les familles. Mais ce n'est pas moi qui irais les pleurer. Quant � la Corse il faudra bien qu'un jour elle abandonne son attitude ambigu� envers la violence. Elle devra faire des choix clairs ou l'Etat fran�ais d�cidera que trop c'est trop. Et si par malheur elle devait choisir l'ind�pendance, je la plaindrai de tout mon c�ur car le mouvement nationaliste est devenu un ramassis de personnes aux ambitions m�diocres et aux m�thodes de voyous.
Un jour, Yvan Colonna sera captur�. C'est �vident. Lorsqu'un �tat a la volont� d'arr�ter un individu, il finit par l'attraper � moins que cette personne ait d�cid� de couper tous les ponts qui l'unissaient � son pass�. Or Yvan Colonna a des parents, un fr�re, une s�ur et surtout un fils. Un jour il tombera. Je peux m�me vous pr�dire qu'il sera donn� par ses fr�res nationalistes. J'esp�re que ce moment sera tr�s proche. Quant � la Corse, elle n'a h�las pas besoin des " services sp�ciaux " pour s'enfoncer dans le marasme. Elle se suffit � elle-m�me. Toutes les accusations de complot, de mauvais coups sont des interpr�tations d'une r�alit� souvent plus simple qu'on ne le croit et beaucoup plus prosa�que.
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