Edmond Simeoni : le p�re d�pass� du nationalisme corse
MERCREDI, 1 octobre 2003
Dans un entretien donn� au quotidien Le Monde, le p�re du nationalisme corse, s�exprime sur les �v�nements actuels. Celui qui avait men� l�occupation de la cave Depeille � Aleria en 1975, celui par qui les premiers assassinats ont �t� perp�tr�s en Corse au nom de la cause nationale (deux gendarmes �taient tu�s ce jour-l�) cet homme, reconnu en Corse pour son courage mais aussi pour son ambigu�t� s�exprime.

Force est de constater que d�sormais, les plastiqueurs av�r�s ou soup�onn�s, se recrutent dans son entourage : Jean-Pierre Colombani, Jean-Paul Carolaggi etc. �taient des signataires d�A Chjama naziunale et d�A Tramula. Son fils est accus� (mais se dit innocent) du fait d�avoir h�berg� Yvan Colonna. N�anmoins en guise de d�fense, Edmond Simeoni d�fend le droit culturel � accueillir des fugitifs.

L�homme est ainsi � plusieurs faces. On le dit fatigu�, � bout de souffle mais toujours aussi d�sireux de s�inscrire dans l�histoire. Image du p�re, il attire ceux qui n�ont pas son verbe et son aura. Et il cherche � profiter de ce c�t� attractif pour avancer ses propres pions, lui qui est seul.

Si on en croit les rumeurs, il appara�tra sur la future liste d�union nationaliste. Mais il devra manger son chapeau sur deux points : il ne sera pas t�te de liste, place d�volue � Jean-Guy Talamoni et il devra reculer sur le pr�alable de la violence. Mais croit-il vraiment que la violence doit �tre �radiqu�e lui qui pense (� juste titre d�ailleurs) qu�elle fait partie de l�histoire corse et qui ne pr�cise jamais qu�il convient de l��radiquer sans concession ?

Edmond Simeoni est ainsi : d�cid� dans l�apparence et terriblement instable sur le fond ; jouet de ceux qui l�entourent quand il croit les manipuler. Interview d�un cam�l�on de la politique insulaire.


Comment expliquez-vous que des soup�ons d'irr�gularit�s, voire de fraude �lectorale, entachent une nouvelle fois la tenue d'un scrutin en Corse ?

En lan�ant cette campagne de d�nonciation de la fraude, nous ne visons pas un objectif ponctuel de scandale. Nous voulons pointer du doigt un syst�me qui ne respecte rien. L'antid�mocratie est � mes yeux l'�picentre de la crise corse. Il y a trois protagonistes dans cette triste affaire : l'�tat qui n'a jamais install� r�ellement le respect des r�gles en mati�re �lectorale, car cela n'�tait pas son int�r�t ; le clanisme avec son cort�ge de fraude, corruption, n�potisme, trafic de l'argent public ; et enfin, le peuple corse, largement responsable du destin m�diocre qui est le sien. Car, il accepte ce syst�me constitu� pour lui, en lui. Il y a pourtant dans la r�ponse par la d�mocratie, la solution � tous les probl�mes de l'�le, y compris celui de la violence.

Ne craignez-vous pas que l'on vous accuse, vous qui �tiez partisan du "oui" au r�f�rendum du 6 juillet, d'�tre un mauvais perdant ?

Mon action contre la fraude �lectorale ne date pas d'hier. Nous avons port� plainte � de nombreuses reprises. Il n'y a que des lampistes qui ont �t� arr�t�s. Pour le scrutin du 6 juillet, je suis d'ailleurs persuad� qu'il y a aussi des partisans du "oui" qui ont fraud�. Il n'y a s�rement pas eu qu'� Bastia, mais c'est une circonstance aggravante. Nous �tions sous les projecteurs, et cela n'a pas emp�ch� une fraude massive. J'ai peur que cela ne soit un argument tr�s fort pour les tenants de la violence. Cela rend d'autant plus n�cessaire que l'on cr�ve l'abc�s, que l'ensemble de la communaut� corse m�ne une r�flexion sur les m�faits de la fraude. Nous esp�rons surtout que les �lections de 2004 puissent �tre le banc d'essai de cette novation majeure, et que les r�sultats en soient incontestables.

Ces pratiques irr�guli�res ne sont-elles pas un pr�texte � une violence clandestine qui aurait, au fond, d'autres causes ?

Quand tous les fraudeurs �voquent publiquement la r�publique et ses valeurs, la d�mocratie, tout en perp�tuant leurs pratiques ill�gales, ils cr�ent un sentiment de rejet dans la jeune g�n�ration. Nous devons, au contraire, faire comprendre aux partisans de la violence que l'on peut obtenir des r�sultats sans violence et que l'on peut sensibiliser l'�tat sur la n�cessit� de faire respecter la loi lors des �lections.

Vous avez particip� la semaine derni�re � Corte (Haute-Corse) � une r�union avec l'ensemble des mouvements nationalistes. Allez-vous vous rassembler en vue des �lections de mars 2004 ?

�a avance beaucoup, m�me s'il reste � tomber d'accord sur le recours � la violence que plusieurs organisations refusent. Je constate que les clandestins ont donn� un signe - l'annonce d'une nouvelle suspension des attentats s- qui montre que la politique d'union peut rassembler la base la plus large. Je situe � 70 % nos chances de nous entendre sur un contrat d'union strat�gique dans un cadre europ�en dans lequel il n'y aurait pas de place pour l'ethnicisme, et dans lequel les ind�pendantistes s'engageraient � ne pas imposer l'ind�pendance par la force. Si on r�ussit, nous pouvons devenir le premier parti de Corse et acc�der de plein droit aux responsabilit�s. Cela nous permettrait aussi de substituer une culture de gestion � la culture protestataire.

Les nombreux attentats qui ont marqu� l'�t�, ne d�mentent-ils pas votre optimisme ?

Les clandestins ne sont pas des ovnis. Ils font parti du peuple corse. Ils montrent en ce moment qu'ils sont pr�ts � faire des choix pour enraciner l'union. Il faut aussi que l'�tat �vite de susciter la tension. �tait-il opportun de saisir la justice antiterroriste dans l'affaire de la gendarmerie de Luri, c'est-�-dire pour des jets de cocktails-molotov �manant de jeunes hommes, m�me pas connus pour leur engagement nationaliste ?

Votre fils Marc a, quant � lui, �t� interpell� pour avoir port� assistance � Yvan Colonna...

Mon fils se dit �tranger � ces accusations de m�me qu'Yvan Colonna nie avoir tu� le pr�fet Erignac. Je tiens � tirer la sonnette d'alarme : quand l'�tat touche � des traits identitaires et culturels forts, comme la solidarit� insulaire, il doit faire tr�s attention.
(Propos recueillis par Pascal Ceaux)

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