Quand le champion du � non � s�adresse au Pr�sident de la R�publique
VENDREDI, 19 septembre 2003
Emile Zuccarelli, ancien ministre, d�put� et maire de Bastia, champion du non au r�f�rendum s�adresse dans l�Express � Jacques Chirac.


Monsieur le Pr�sident,
Le 6 juillet dernier, les Corses, consult�s pour avis, ont rejet� le projet de nouvelle �volution institutionnelle de l'�le, que l'on tentait de leur imposer. En votant majoritairement non � ce scrutin - malgr� les pressions, les promesses et les consid�rables moyens d�ploy�s par les tenants du oui et, au tout premier rang d'entre eux, par les pouvoirs publics - ils ont notamment, chacun en est conscient, voulu donner un coup d'arr�t � la spirale dans laquelle l'�le �tait engag�e depuis plus de vingt ans, sous la pression d'une minorit� violente.
La population pouvait donc consid�rer � bon droit qu'elle en avait durablement fini avec ces r�formes � r�p�tition - nocives � tous �gards - et que le gouvernement et les �lus de l'�le allaient enfin s'employer � faire ce pour quoi ils ont �t� �lus: assurer le d�veloppement �conomique de la Corse et garantir concr�tement le droit � la s�curit� pour tous. Les d�clarations du Premier ministre et du ministre de l'Int�rieur, au soir du 6 juillet, laissaient d'ailleurs augurer qu'ils avaient compris ce message.
Malgr� les tentatives mis�rables de remise en question du r�sultat du scrutin � l'instigation de ceux pour qui la poursuite du cycle sans fin des r�formes institutionnelles est la condition de leur survie politique, le ministre de l'Int�rieur, Nicolas Sarkozy, m'a confirm� avec une grande fermet�, au d�but de septembre, son intention de s'en tenir l� sur ce sujet et de mettre en revanche en �uvre, avec la d�termination et le dynamisme qu'on lui conna�t, les actions n�cessaires en mati�re de d�veloppement d'une part, de lutte contre les poseurs de bombes et les mafieux d'autre part. Je ne suis pas homme � mettre a priori en doute la parole donn�e. C'est dire ma surprise � la lecture, quelques jours plus tard, de l'interview de rentr�e accord�e par Jean-Pierre Raffarin � un grand quotidien: le Premier ministre envisage de rouvrir le d�bat institutionnel en Corse, apr�s les �lections territoriales de 2004.
Admirable man�uvre. Faute d'avoir pu imposer au peuple des choix qui allaient manifestement � contre-courant de sa volont�, on s'appr�terait � �riger � nouveau, au prix d'un v�ritable d�ni de d�mocratie, l'Assembl�e de Corse en Assembl�e constituante, pour �laborer, par-dessus la t�te des Corses, un nouveau statut afin de tenter d'acheter la paix. Le r�sultat de la consultation du 6 juillet ne lui convenant pas, le gouvernement entendrait changer de thermom�tre. L'un de ses membres, Renaud Dutreil, a �t� plus loin encore, le 4 septembre, � Ajaccio, en n'h�sitant pas � expliquer que, s'il s'av�rait que la question soumise � la consultation du 6 juillet avait �t� mal formul�e, mal expliqu�e, mal comprise ou pos�e au mauvais moment, eh bien, on pourrait relancer le projet de collectivit� unique! Monsieur le Pr�sident, tout cela ressemble � une mauvaise tambouille.
T�tanis� par les derniers attentats, ballottant entre fermet� et complaisance - � l'image de son comportement lors des r�cents incidents de Luri - obs�d� par ses projets de refonte des structures administratives, le gouvernement semble avoir perdu en Corse la boussole, multipliant les d�clarations contradictoires. Il oublie en cela que les Corses n'aspirent, dans leur immense majorit�, qu'� la paix et que, instruits par l'exp�rience, ils savent que, loin de faire cesser les attentats, les r�formes institutionnelles ont au contraire toujours incit� les poseurs de bombes � la surench�re. Ceux-ci y trouvent toujours, en effet, une source de l�gitimation de leurs exactions.
Monsieur le Pr�sident, � Ajaccio, en avril 2002, vous d�clariez: �La Corse a besoin de bien autre chose que d'un rafistolage institutionnel. La Corse a besoin de respect. La Corse a besoin de s�r�nit�. La Corse a besoin d'offrir un avenir � ses jeunes. Et pour cela, en premier lieu, la Corse et les Corses ont besoin que soit mis d�finitivement un terme � la violence, qui sape les fondements m�mes de la paix sociale sur l'�le, qui emp�che tout investissement priv�, qui �c�ure les bonnes volont�s et exacerbe les autres.�
Parlementaire de l'opposition, j'avais, n�anmoins, souscrit sans r�serve � ce propos qui avait s�duit nombre de Corses, bien au-del� des clivages habituels. Il est temps de mettre en �uvre ces fortes paroles. Il est temps de donner sa lisibilit� � l'action du gouvernement en Corse. Au regard de la cacophonie gouvernementale sur ce sujet, il vous appartient, comme garant des institutions de la R�publique, de clarifier la politique � suivre, conform�ment aux orientations que vous avez fix�es le 14 Juillet, et de rappeler chacun au respect d� � l'expression populaire.
Au nom de cette immense majorit� silencieuse qui, en Corse, attend de la R�publique qu'elle fasse cesser la violence, punisse ceux qui la perp�tuent, au nom de tous ces citoyens qui en ont assez d'�tre plac�s sous la menace et les pressions qui visent � leur imposer par les bombes ce qu'ils refusent dans les urnes, je vous demande d'intervenir dans ce d�bat.

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